Excellence Académie

10 Min

1ère espèce : CCJA, arrêt n°016/2004, 29 avril 2004 Scierie d’Agnibilékrou (S.D.A.) c/ M. Hassan ...

1ère espèce : CCJA, arrêt n°016/2004, 29 avril 2004

Scierie d’Agnibilékrou (S.D.A.) c/ M. Hassan Sahly (H. S)

1. CCJA, arrêt n°016/2004, 29 avril 2004, Scierie d’Agnibilékrou (S.D.A.) c/ M. Hassan Sahly (H. S.)
 

 
(…)
 
Sur le moyen unique pris en ses deux branches
 
Vu les articles 11, alinéa 1er et 10, alinéa 1er, de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
 
Vu l’article 34, alinéa 2, du code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative ;
 
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé la loi ou fait une erreur dans son application ou son interprétation en ce que d’une part, la cour d’appel, pour rejeter la demande des requérants, s’est fondée sur l’article 11 alinéa 1er de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, dont elle n’a pas fait une saine application, pour avoir conclu que la société SDA et Monsieur W. ne contestent pas avoir signifié leur exploit d’opposition respectivement le 19 mai 1999 au créancier, Monsieur H., et le 20 mai 1999 au greffier en chef du tribunal d’Abengourou ; il y a donc deux actes séparés, ce qui dès lors est manifeste de la violation de la disposition précitée alors que, selon les requérants, une bonne lecture de cette disposition suppose au minimum que l’exploit d’opposition vise les différentes parties impliquées dans la procédure à savoir les parties principales (débiteur et créancier), le greffier en chef près le Tribunal qui a rendu la décision ainsi que l’huissier instrumentaire qui a délivré l’exploit de notification de l’ordonnance ; que cette disposition n’impose pas à l’huissier d’accomplir toutes les diligences dans le même exploit, mais qu’il y vise au moins tous les destinataires légalement définis et cela est d’autant plus justifié que l’accomplissement de ces diligences le même jour et dans le même exploit est rendu impossible lorsque tous les destinataires de celui-ci ne résident pas dans le même lieu comme cela est le cas en l’espèce ; que d’autre part, pour justifier la confirmation du jugement rendu sur opposition, l’arrêt attaqué énonce que le délai pour former opposition est prescrit du fait que les différentes parties visées dans l’exploit n’ont pas reçu signification le même jour ; par conséquent il n’y a pas lieu d’opérer une quelconque distinction quant au délai de notification de l’opposition aux parties et au greffe, alors que, toujours selon les requérants, à travers cette motivation, le juge d’appel a fait une mauvaise interprétation de la loi notamment de l’article 10, alinéa 1er, de l’Acte uniforme sus indiqué ; qu’en effet soutiennent-ils :
 
- d’une part il y a eu en l’espèce méconnaissance flagrante par le juge d’appel, du principe suivant lequel la recevabilité d’une action en justice ne s’apprécie qu’à l’égard des parties au procès (sous entendues parties principales) ayant la qualité de demandeur, soit celle de défendeur au procès lesquelles doivent être distinguées des tiers qui ne sont nullement concernés par l’instance et les décisions qui en découlent et que s’agissant de la procédure d’injonction de payer, les parties principales sont le débiteur et le créancier de sorte que le greffier en chef et l’huissier instrumentaire, bien qu’étant légalement désignés, ne perdent pas leur qualité de tiers, étant entendu que leur présence dans la procédure ne répond qu’au souci de la nécessité de l’accomplissement de certaines formalités administratives ;
 
- d’autre part, l’acte d’opposition servi dans les délais à Monsieur H. le 19 mai 1999 a pour effet d’interrompre les délais de recours de sorte que l’exploit d’opposition servi le 20 mai 1999 au greffe du Tribunal était bien recevable ;
 
- Enfin il convient de préciser que « l’article 10 du Traité OHADA portant procédure de recouvrement simplifié des créances » indique que le délai de quinze jours pour former opposition est augmenté éventuellement des délais de distance et en cette matière, l’article 34, alinéa 2, du code ivoirien de procédure civile prescrit un délai de quinze jours si le destinataire est domicilié dans un autre ressort. Monsieur W étant domicilié à Abidjan- Marcory, Boulevard du Gabon, il bénéficie du délai de distance de quinze jours et avait jusqu'au 04 juin 1999 pour former opposition contre l’ordonnance d’injonction de payer querellée. S’agissant d’une condamnation solidaire, les délais de recours d’une partie profitent aux autres parties ;
 
Attendu qu’aux termes des articles 11, alinéa 1er, et 10, alinéa 1er, de l’Acte uniforme susvisé, « l’opposant est tenu, à peine de déchéance et dans le même acte que celui de l’opposition, - de signifier son recours à toutes les parties et au greffe de la juridiction ayant rendu la décision d’injonction de payer ; - de servir assignation à comparaître devant la juridiction compétente à une date fixe qui ne saurait excéder le délai de trente jours à compter de l’opposition » et « l’opposition doit être formée dans les quinze jours qui suivent la signification de la décision portant injonction de payer. Le délai est augmenté éventuellement, des délais de distances ;
 
Attendu qu’aux termes de l’article 34, alinéa 2, du code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative « ce délai est augmenté d’un délai de distance de quinze jours si le destinataire est domicilié dans un autre ressort et de deux mois s’il demeure hors du territoire de la République » ;
 
Attendu qu’il ressort de l’analyse des textes sus- énoncés, qu’il est fait obligation à l’opposant, d’une part, à peine de déchéance, de faire sur un même acte à la fois l’opposition à l’ordonnance d’injonction de payer, la signification de cette opposition aux parties et au greffe de la juridiction ayant rendu la décision d’injonction de payer et l’assignation à comparaître devant la juridiction compétente à une date qui ne saurait excéder le délai de trente jours à compter de l’opposition et, d’autre part, de former l’opposition dans un délai de quinze jours à compter de la signification de l’ordonnance d’injonction de payer, délai auquel il faut ajouter celui de quinze jours ou de deux mois selon le cas lorsque le destinataire de l’opposition se trouve dans un autre ressort que celui de l’opposant ;
 
Attendu qu’en l’espèce, la scierie d’Agnibilékrou et Monsieur W d’une part et Monsieur H. d’autre part, ont élu domicile en l’étude de leurs conseils qui sont respectivement la SCPA Kanga-Olaye & associés demeurant à Abidjan et Maître M’baïpor Adèle N’guémé demeurant à Abidjan, alors que le greffe de la juridiction qui a rendu l’ordonnance d’injonction de payer attaquée est situé à Abengourou ; que c’est pour cette raison que la scierie d’Agnibilékrou Wahab Nouhad et Monsieur W. ont été contraints, pour signifier leur opposition à Monsieur H. et au greffier en chef du tribunal d’Abengourou, lesquels se trouvent dans des ressorts différents, d’avoir recours à des actes distincts mais comportant les mêmes mentions ; que si pour la signification de l’opposition à l’ordonnance d’injonction de payer à Monsieur H., lequel se trouve dans le même ressort qu’eux, les opposants doivent respecter le délai de quinze jours prévu à l’article 10, alinéa 1er de l’acte uniforme sus- énoncé, il y a lieu d’ajouter, en ce qui concerne l’acte d’opposition à délaisser au greffier en chef d’Abengourou se trouvant dans un autre ressort, le délai de distance de quinze jours prévu à l’article 34, alinéa 2, du code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative ; qu’en conséquence l’ordonnance d’injonction de payer ayant été signifiée aux opposants le 03 mai 1999, l’opposition devait être signifiée à Monsieur H. au plus tard le 19 mai 1999 et au Greffier en chef d’Abengourou au plus tard le 04 juin 1999 ;
 
Attendu qu’il ressort de tout ce qui précède qu’en déclarant qu’ « il apparaît à la lumière des pièces produites au débat, que la SDA et W. ont signifié à H. leur acte d’opposition, le 19 mai 1999, après que l’ordonnance d’injonction de payer leur a été notifiée le 03 mai 1999… ledit constat est corroboré par les écritures mêmes de la SDA et W. dans lesquels ceux-ci ont reconnu avoir fait signifier leur acte d’opposition audit greffier en chef à une date excédant le délai de 15 jours… le faisant, la SDA et W. ont méconnu les dispositions du texte de la loi plus haut cité, en ce que l’acte d’opposition a été non seulement entrepris dans des exploits séparés, mais également à une date excédant le délai de quinze jours imparti pour tous les destinataires légalement désignés. Ce n’est qu’à juste titre que la SDA et W. entendent opérer une distinction quant au délai de notification de l’opposition aux parties et au greffe… en effet tous les destinataires de l’acte d’opposition énumérés à l’article 11 de l’acte uniforme sur le recouvrement simplifié de créance doivent recevoir leur notification dans le même délai de 15 jours sauf à faire application du délai de distance, ce qui, en l’espèce, ne fut le cas pour le greffier en chef… » ; la cour d’appel a commis une erreur dans l’interprétation des articles 11, alinéa 1er, et 10, alinéa 1er, de l’Acte uniforme sus- énoncé ; qu’en conséquence il y a lieu de casser l’arrêt n° 655 rendu le 25 mai 2000 par la cour d’appel d’Abidjan et d’évoquer ;


 
Sur l’évocation
 
Attendu que par exploit d’huissier en date du 19 août 1999, la SDA et Monsieur W. ont interjeté appel du jugement n° 72/99 en date du 29 juillet 1999 du tribunal de première instance d’Abengourou ayant déclaré Monsieur W. et la Scierie d’Agnibilékrou irrecevables en leur action et restitué à l’ordonnance n° 212/99 rendu le 14 avril par le président du tribunal de première instance d’Abengourou son plein et entier effet ;
 
Attendu que la scierie d’Agnibilékrou Wahad Nouhal et Monsieur W. demandent à la cour d’annuler le jugement n°72/99 du 29 juillet 1999 du tribunal d’Abengourou et après évocation, de déclarer recevable l’opposition à l’ordonnance d’injonction de payer n° 212/99 du 14 avril 1999 citée ci-dessus et en conséquence, de rétracter ladite ordonnance aux motifs que :
 
- le tribunal a voilé l’article 106 du code ivoirien de procédure civile pour avoir omis de communiquer le dossier au ministère public, s’agissant d’un litige dont l’intérêt financier excède la somme de 25.000.000 francs cfa ;
 
- la requête de Monsieur H. est irrecevable pour violation et l’article 4, alinéa 2 paragraphes 1 et 2, de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; la créance invoquée n’existe pas à l’égard de Monsieur W. car d’une part, aucun document attestant qu’il doit de l’argent à titre personnel à Monsieur H. n’a été produit et d’autre part, Monsieur W. ne s’est pas porté garant de la dette de la Scierie d’Agnibilékrou ;
 
Attendu que Monsieur H. soutient, d’une part, qu’il est constant que la non communication d’un dossier au Ministère public par le tribunal n’a jamais été cause de nullité d’un jugement en l’état actuel du droit positif en Côte d’Ivoire, et que le jugement, dont la nullité est demandée, a été rendu en application d’un texte spécial ayant valeur supérieure à la loi nationale, à savoir l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, lequel Acte en son Livre 1, Titre 1 portant injonction de payer ne prévoit aucune communication du dossier au Ministère public et ce quelque soit l’intérêt du litige ; d’autre part, à supposer que le premier juge fut tenu de se conformer à l’article 106 du code ivoirien de procédure civile et qu’il eût omis de transmettre le dossier au Ministère public, la SDA et Monsieur W. auraient dû se conformer aux dispositions de l’alinéa 4 du même article 106 à savoir saisir par requête le tribunal de première instance afin que le Ministère public pût prendre ses réquisitions et non la cour d’appel pour palier ce vice ;
 

 
Sur la demande en annulation du jugement n° 72/99 en date du 29 juillet 1999 pour violation de l’article 106 du Code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative
 
Attendu qu’il résulte de l’analyse des dispositions combinées des articles 1 à 27, 336 et 337 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées recouvrement et des voies d’exécution que celui-ci contient des règles de fond et de procédure qui ont seules vocation à s’appliquer aux procédures d’injonction de payer engagées après son entrée en vigueur ; que dans la mise en œuvre de celles-ci, ledit Acte uniforme n’ayant pas prévu de procédure de communication de la cause au Ministère public, telle que fixée à l’article 106 du code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative, il s’ensuit que cette disposition de droit interne, au demeurant contraire à la lettre et à l’esprit des dispositions de l’Acte uniforme susvisé, n’est pas applicable au litige ayant donné lieu au jugement n° 72/99 du 29 juillet 1999 dont appel ; qu’en conséquence la demande de nullité dudit jugement sur ce point doit être rejetée ;
 

 
Sur la recevabilité de l’opposition
 
Attendu que pour les mêmes motifs que ceux ci-dessus développés lors de l’examen du moyen unique de cassation, il y a lieu de déclarer recevable, comme étant formée dans le délai, l’opposition à l’ordonnance n° 212/99 du 14 avril 1999 rendue par le président du tribunal de première instance d’Abengourou et en conséquence d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
 

 
Sur la recevabilité de la requête aux fins d’injonction de payer pour violation de l’article 4, alinéa paragraphes 1 et 2, de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution
 
Attendu que l’article 4, alinéa 2 paragraphes et 1 et 2 de l’acte uniforme sus indiqué exige que la requête formée aux fins d’injonction de payer contienne, à peine d’irrecevabilité
 
1- Les noms, prénoms, professions et domiciles des parties ou, pour les personnes morales, leurs forme, dénomination et siège social ;
 
2- L’indication précise du montant de la somme réclamée avec le décompte des différents éléments de la créance ainsi que le fondement de celle-ci ;

Attendu que dans la requête aux fins d’injonction de payer adressée au président du tribunal d’Abengourou, Monsieur H. s’est contenté d’une part, de mentionner comme information sur les parties adverses « la Scierie d’Agnibilékrou, BP 39 Agnibilékrou, représentée par Monsieur W. et, d’autre part, de joindre à sa requête quatre contrats de location et vingt factures, sans avoir fait le décompte des différents éléments de la créance dans la requête ; qu’il s’ensuit qu’en agissant comme il l’a fait, Monsieur H. n’a pas respecté les prescriptions de l’article 4, alinéa 2 de l’Acte uniforme sus- énoncées ; que dès lors, la requête aux fins d’injonction de payer est irrecevable et en conséquence l’ordonnance n°212/99 du 14 avril 1999 qui a fait droit à ladite requête doit être rétractée ;

Sur la demande de condamnation solidaire de la scierie d’Agnibilekrou Wahad Nouhad et de Monsieur W.

Attendu que la requête aux fins d’injonction de payer de Monsieur H. étant irrecevable et l’ordonnance n°212/99 du 14 avril 1999 devant de ce fait être rétractée, la demande tendant à la condamnation solidaire de la scierie Wahab Nouhad et de Monsieur W. est sans objet…