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L'APPEL/ VOIE DE RECOURS ORDINAIRE

L’appel est la voie de recours par laquelle une partie sollicite de la Cour d’Appel, la réformation de la décision rendue par une juridiction de première instance.

a-Les conditions de l’appel

1-Les conditions de fond

-Les conditions tenant aux décisions susceptibles d’appel

Il doit s’agir d’un acte juridictionnel. L’acte d’administration judiciaire et le donné acte en sont exclus.

Il doit aussi s’agir d’une décision de premier ressort, qu’elle soit contradictoire ou par défaut.

Concernant les décisions faussement qualifiées en dernier ressort, l’appel est possible. Cependant, le droit est reconnu à l’intimé de faire juger la recevabilité dudit appel par simple voie de conclusions. Il le fait alors en soulevant une exception d’irrecevabilité.

En effet, l’article 162 du code de procédure civile stipule que : « L’appel est la voie de recours par laquelle une partie sollicite de la Cour d’Appel, la réformation de la décision rendue par les juridictions de première instance.

Sont susceptibles d’appel toutes les décisions rendues en premier ressort, contradictoirement ou par défaut.

Seront également sujets à appel les jugements qualifiés ou déclarés à tort rendus en dernier ressort, lorsqu’ils auront été rendus par des juges qui ne pouvaient prononcer qu’en premier ressort.

A l’égard des jugements non qualifiés ou déclarés à tort rendus en premier ressort, l’intimé pourra par simple acte porter l’affaire à l’audience et demander qu’il soit statué sans délai sur la recevabilité de l’appel ».

-Les conditions tenant au temps de l’appel

En principe, l’appel doit être formé dans un délai d’un (1) mois à compté de la signification. Il s’agit d’un délai franc.

Par exception, le délai ne court pas contre le bénéficiaire du jugement de première instance, car nul ne forclos soit même.

L’intimé qui n’a pas respecté ce délai d’un (1) mois peut toujours relever appel par voie de conclusions ou par voie principale, mais son appel incident sera subordonné à la recevabilité de l’appel.

En effet, selon l’article 170 du code de procédure civile : « Jusqu’à la clôture des débats, l’intimé, qui a laissé expiré le délai d’appel ou qui a acquiescé à la décision antérieurement à l’appel principal, peut former appel incident par conclusion, appuyées des moyens d’appel. En tout état de cause, l’appel incident suit le sort de l’appel principal, sauf le cas où l’appel principal a fait l’objet d’un désistement ».

Ce délai peu également être interrompu en cas de décès. Aussi, le représentant légal de celui qui a perdu la capacité d’ester en justice peut être relevé de la forclusion, s’il n’a pas eu connaissance de la procédure.

Ceci est prévu par l’article 169 du code de procédure civile, qui dispose comme suit : « Le délai prévu à l’article précédent est interrompu par le décès de l’une ou l’autre des parties. Un nouveau délai commencera à courir contre les héritiers à compter du jour de la signification du jugement qui leur sera faite. Si cette signification intervient durant la période impartie aux héritiers pour faire l’inventaire et délibérer, le délai ne recommence à courir qu’à l’expiration de cette période.

Dans le cas où l’une des parties perd la capacité d’ester en justice avant l’expiration du délai prévu à l’alinéa premier son représentant légal est relevé de la forclusion s’il n’a pas eu connaissance de la décision ».

-Les conditions tenant aux parties en appel

L’appel suppose qu’on a été partie en première instance. De plus, il faut que les parties en appel aient conclu les unes contre les autres. Ce qui implique l’interdiction de l’appel d’intimé à intimé s’ils n’ont pas conclus les uns contre les autres au premier degré.

Mais il ne faut pas oublier que cette interdiction est d’ordre privé. Par exception, une personne non partie au premier degré peut intervenir en appel à condition de pouvoir faire tierce opposition à l’arrêt à intervenir.

L’interdiction de demande nouvelle en appel est d’ordre privé et la nullité qui en découle est une nullité relative.

-Les conditions tenant à l’objet de l’appel

L’appel étant une voie de réformation, on ne peut saisir la cour d’appel de ce dont le tribunal n’a pas été saisi. Par l’effet du principe de l’effet dévolutif de l’appel, il ne peut être appelé que de ce dont il a été jugé.

Il s’ensuit le principe de l’interdiction des demandes nouvelles. Et ces demandes nouvelles sont appréciées non pas par rapport à leur cause, mais en considération de leur objet.

Par exception, sont recevables pour la première fois en appel, la demande en compensation, la révélation de faits nouveaux qui n’auraient pas été connus au paravent, la possibilité de conclure contre un tiers intervenant en appel.

-Les conditions tenant à l’attitude antérieure des parties face à la décision de premier degré

En principe, celui qui veut faire appel ne doit pas avoir acquiescé à la décision de première instance. Mais par exception, si après avoir acquiescé, il est intimé, alors son acquiescement est non avenu et il peut faire appel (article 170).

2-Les conditions de forme

Il existe différentes formes d’appel. L’appel principal qui se fait par voie d’assignation ou de requête suivant les dispositions de l’article 32 du code de procédure civile. On a également l’appel incident qui se fait par simple conclusion.

-Les formalités d’appel

L’appel se fait devant la juridiction qui a rendu la décision. Il est formé par voie d’huissier tel que prévu par l’article 164 du code de procédure civile, cependant, il peut être formé par déclaration au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée ou au greffe de la juridiction du domicile de l’appelant, dans les actions (actions personnelles ou mobilières - exclusion des actions immobilières) visées à l’article 32 alinéa 2 du code de procédure civile.

Il devra être par la suite enrôlé au greffe de la cour d’appel.

b-Les effets de l’appel

L’appel entraine deux effets : l’effet suspensif et l’effet dévolutif

1-L’effet suspensif de l’appel

Son fondement est dans l’article 180 du code de procédure civile qui exige pour bénéficier de la suspension de l’exécution, que l’on relève d’abord appel de la décision. Mais la jurisprudence estime que le délai d’appel est suspensif et ce sur le fondement du même article 180 du code de procédure civile. Il ne faut donc pas confondre, l’appel et le délai pour faire appel. On peut dès lors considérer que l’appel incident relevé hors délai n’est pas suspensif.

Le principe de l’effet suspensif de l’appel n’est pas absolu et souffre de certaines exceptions. Ainsi, par dérogation au principe, l’effet suspensif de l’appel est exclu lorsque la loi le prévoit. C’est l’hypothèse dans laquelle, la loi prévoit que la décision est exécutoire de plein droit (article 145).

Le juge nonobstant l’effet suspensif, peut également ordonner l’exécution provisoire. C’est ce qui nous amène à examiner le régime de l’exécution provisoire.

Quel est le régime de l’exécution provisoire ?

-Les différents cas d’exécution provisoire

Il faut distinguer l’exécution provisoire de plein droit, de l’exécution provisoire ordonnée par voie judiciaire.

ü Le cas de l’exécution provisoire de plein droit

Dans cette hypothèse, le juge est tenu en dehors de toute demande, d’ordonner l’exécution provisoire. Mais une exécution provisoire, dans le cas où elle devrait être prononcée d’office, est irrégulière, lorsque le juge ne l’a pas ordonné. En effet, aux termes de l’article 148 du code de procédure civile : « Si la juridiction de première instance a omis de statuer sur l’exécution provisoire dans les cas prévus par l’article 145, le bénéficiaire du jugement pourra, sur simple requête, demander au président de la juridiction qui a statué, de la prononcer ».

Ainsi, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, l’exécution provisoire est prononcée d’office lorsqu’il y a :

-titre authentique à moins qu’il ne soit argué de faux ;

-titre privé non contesté ;

-promesse reconnue ;

-aveu.

Dans tous ces cas, l’exécution provisoire est ordonnée d’office.

ü Le cas de l’exécution provisoire judiciaire

On l’appel aussi exécution provisoire facultative en ce qu’elle consiste en une faculté pour le juge qui peut la prononcer sur la demande d’une des parties.

A contrario, une exécution provisoire prononcée d’office, c'est-à-dire sans demande, serait irrégulière lorsque les conditions de l’article 145 du code de procédure civile ne sont pas réunies.

L’exécution facultative, au contraire de celle de plein droit, peut être assortie ou non d’une garantie et l’article 146 du code de procédure civile semble énumérer de façon limitative les cas d’exécution facultative. Cet article dispose, en effet que : « L’exécution provisoire peut sur demande, être ordonnée pour tout ou partie et avec ou sans constitution d’une garantie :

s’il s’agit de contestation entre voyageurs et hôteliers ou transporteurs ;

s’il s’agit d’un jugement nommant un séquestre ou prononçant une condamnation à caractère alimentaire ;

s’il s’agit d’un jugement allouant une provision sur dommages-intérêts en réparation d’un préjudice non encore évalué, à la condition que ce préjudice résulte d’un délit ou d’un quasi-délit dont la partie succombante a été jugée responsable ;

dans tous les autres cas présentant un caractère d’extrême urgence ».

Mais nous constatons que cette limitation est fortement atténuée, dans la mesure où, le dernier alinéa de l’article 146 prévoit l’exécution facultative dans tous les cas d’extrême urgence.

En tout été de cause, en matière d’état des personnes, l’effet suspensif de l’appel est quasi absolu.

-La suspension de l’exécution provisoire

Une décision qui est assortie de l’exécution provisoire peut voir son exécution suspendue dans les conditions de l’article 181 nouveau du code de procédure civile.

Le régime du sursis à exécution repose sur une distinction qui amène à distinguer d’une part les cas où elle a été ordonnée à tort, des cas où elle l’a été à raison.

ü Le cas où elle a été ordonnée à tort

Dans ce cas de figure, on peut supposer que le jugement ayant été qualifié à tort, comme ayant été rendu en dernier ressort, et du fait que n’étant pas susceptible de voies de recours ordinaires, on suppose que c’est le juge qui ordonne l’exécution provisoire.

On peut également supposer que le juge a ordonné l’exécution provisoire en dehors des cas prévus par la loi.

Dans ces deux hypothèses, celui a qui l’exécution provisoire fait grief, peut saisir le premier président de la cour d’appel en vue d’ordonner le sursis à exécution provisoire. Ce qui suppose qu’il a relevé appel, dans la mesure où l’article 180 alinéa 3 du code de procédure civile parle de conclusion, comme moyen d’introduire cette demande.

En dehors d’un appel, il faut supposer que le recours au juge des référés sur le fondement de l’urgence et du péril, peut permettre d’obtenir la suspension de l’exécution provisoire indument ordonnée.

v Forme procédurale

L’article 181 alinéa 1er du code de procédure civile prévoit que le sursis à exécution provisoire, dans le cas où la cour d’appel n’est pas encore saisie au fond, ne pourra être ordonné qu’à la suite d’une requête présentée au premier président de la cour d’appel. Les pièces et justifications étant jointes à la requête.

ü Le cas où elle a été ordonnée à raison

La possibilité d’obtenir la suspension d’une exécution provisoire régulièrement ordonnée a été rendue possible la réforme du code de procédure civile de 1993.

Selon l’article 181 alinéa 2 du code de procédure civile, le premier président de la cour d’appel, peut ordonner le sursis à l’exécution provisoire, nonobstant les dispositions de l’article 145 et 146 du code de procédure civile.

L’article 181 soumet cette possibilité à de stricts conditions consistant aux seules cas où :

-l’ordre public est en cause ;

-lorsque l’exécution de la décision risque d’entrainer des conséquences irréparables ou manifestement excessives.

La procédure du sursis à exécution provisoire régulière, est également rendue plus difficile, dans la mesure où l’article 181 exige des conclusions du ministère public qui a huit (8) jours pour les produire.

Il s’ensuit que ce délai de huit (8) jours donne largement le temps au bénéficiaire de la décision de poursuivre son exécution.

Si le premier président fait droit à la requête aux fins de sursis à exécution, l’exécution est suspendue jusqu’à ce que la cour d’appel statut au fond.

Le premier président peut également, sur les réquisitions écrites du procureur général, subordonner la suspension de l’exécution de la décision au versement d’une somme d’au moins le montant des condamnations. Dans ce cas, le non paiement de cette somme dans le délai de huit (8) jours entraine la continuation des poursuites.

2-L’effet dévolutif de l’appel

L’appel a pour conséquence de remettre devant la Cour l’affaire dans tous ses éléments aussi bien de droit que de fait.

La cour est saisie des éléments tant objectifs que subjectifs. Cette règle n’est cependant pas absolue et connaît des atténuations. L’article 177 alinéa 2 du code de procédure civile pose la règle de la divisibilité de l’appel en prévoyant que l’appel n’a d’effet qu’à l’égard de celui qui l’a interjeté et contre qui il a été formé. On observe cependant que cette règle de la divisibilité est écarte, de sorte que l’appel profite et nui aux autres dans les cas d’indivisibilité, de solidarité, si les circonstances sont communes, de même qu’en cas de garantie. Cette exception est prévue par l’article 178 du code de procédure civile.

Pour ce qui concerne les éléments objectifs, les restrictions à l’effet dévolutif sont de deux ordres :

-La règle Tantum devolutum quantum appellatum, qui veut dire qu’il n’est dévolu ce dont il a été appelé, implique que la cour d’appel ne peut aller au-delà des questions qui lui ont été soumises par l’appelant. Cette règle est consacrée par l’article 177 du code de procédure civile.

La juridiction d’appel ne peut statuer que sur les chefs critiqués par l’appelant. Cette règle doit être écarté, notamment lorsqu’il existe une question d’ordre public, même si l’appelant ne l’a pas invoqué dans son acte d’appel.

-La règle Tantum appellatum quantum judicatum, qui signifie que la cour ne peut être saisie qu’autant qu’il a été jugé en première instance, commande l’interdiction des demandes nouvelles en appel, sauf s’il est fait application de l’article 175 du code de procédure civile, c'est-à-dire lorsqu’il ne s’agit pas de compensation, ou que la demande nouvelle est une défense à l’action principale ou une demande de loyers, d’arrérages ou de dommages et intérêts pour le préjudice subi depuis le jugement. Sur ce point, l’article 175 du code de procédure civile, prévoit que ne constitue pas une demande nouvelle celle procédant de la demande originaire attendant aux mêmes fins, quoique fondés sur des motifs ou des causes différentes.

Il faut noter que la demande est nouvelle par rapport à l’objet et non à la cause. Mais la règle Tantum appellatum quantum judicatum peut être écartée par l’exercice du droit d’évocation.

c-L’évocation

Elle est la faculté qui appartient à la Cour d’Appel de se saisir de l’affaire en entier bien qu’il ai été appelé de certains points du jugement après qu’elle ait infirmée le point sur lequel il avait été fait appel.

Exemple: Un tribunal saisi rend une décision d’incompétence, et une des parties relève appel de cette décision. La Cour d’Appel infirme la décision d’incompétence et peut alors se saisir de l’entier dossier, donc évoquer la cause.

1-Le régime juridique de l’évocation

Les conditions de l’évocation sont les suivantes :

-La Cour d’Appel doit infirmer le jugement, ce qui implique a contrario qu’en cas de confirmation, la Cour d’Appel ne peut évoquer. On admet aussi qu’en cas d’annulation pour vice de forme, la Cour d’Appel peut évoquer.

-Il faut que la Cour d’Appel soit compétente à l’égard du tribunal qui aurait été compétente au premier degré.

-Il faut que l’affaire soit en état d’être jugée. Et une affaire est en état, lorsque les parties ont déposées des conclusions sur le fond ou lorsque la cour, pour juger n’est pas obligée d’ordonner des mesures d’instructions, qui pourraient être source de retard dans la solution du litige.

2-Les effets de l’évocation

Par l’évocation, la Cour d’Appel se trouve saisie de toute l’affaire, dans tous ses aspects, même ceux qui n’ont pas fait l’objet d’une décision en première instance. Il s’ensuit qu’en exerçant son droit d’évocation, la Cour d’Appel n’est pas saisie en réformation du jugement. On dit que l’évocation a pour effet d’écarter l’effet dévolutif et remettre en cause, le principe de l’interdiction des demandes nouvelles en cause d’appel.

Mais on admet la possibilité d’évocation parce que d’une part, elle permet d’éviter les retards dans la solution de l’affaire, et d’autre part l’évocation est un remède à la rancœur qu’aurait un tribunal dont le jugement aurait été infirmé par la cour d’appel, s’il devait à nouveau connaître de l’affaire. De ce point de vue, on peut dire que l’évocation a une vertu protectrice du droit des justiciables.

d-Procédure en appel

Le principe est celui de l’applicabilité en cause d’appel, des procédures en vigueurs devant le tribunal. Ce principe est posé par l’article 176 du code de procédure civile, à condition qu’il n’y ait pas de contrariété avec les règles qui sont spécifiques des règles en cause d’appel.

Quelles sont ces règles qui sont dites spécifiques à la procédure d’appel ?

On peut d’abord citer l’article 166 du code de procédure civile qui oblige les parties dans les deux mois de l’appel à déposer les pièces et conclusions dont elles entendent se prévaloir et de faire connaître leurs intentions, de présenter ou de faire présenter leurs observations orales.

Cette exigence est imposée à peine d’irrecevabilité, non de l’appel, mais de celle des pièces et des conclusions, voire des observations orales.

En principe, l’article 173 du code de procédure civile limite le nombre de renvoi devant la Cour d’Appel à un seul et pour motif grave (voir le cours précédant sur l’appel).