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L’INCRIMINATION GENERALE DE COUPS ET BLESSURES VOLONTAIRES

Article 381. nouveau - Quiconque, volontairement, porte des coups, fait des blessures ou exerce toute autre forme de violence est puni :
 
1° d’un emprisonnement de cinq à vingt ans, lorsque les coups portés, les blessures faites ou les violences exercées, même sans intention de donner la mort, l'ont pourtant occasionnée;
 
2° d'un emprisonnement de cinq à dix ans et d'une amende de 100.000 à 1.000.000 de francs lorsque les coups, les blessures ou les violences ont occasionné une mutilation, amputation ou privation de l'usage d'un membre, la cécité ou la perte d'un œil ou toute autre infirmité permanente ;
 
3° d'un emprisonnement d’un à cinq ans et d'une amende de 100.000 à 1.000.000 de francs lorsqu'il en est résulté une maladie ou incapacité totale de travail personnel pendant plus de dix jours ;

4° d'un emprisonnement d’un mois à un an et d'une amende de 50.000 à 500.000 de francs lorsqu'il en est résulté une maladie ou une incapacité de travail personnel pendant dix jours au plus ou qu’il n’en est résulté aucune maladie ou aucune incapacité de travail.

Article 387. - Dans tous les cas prévus aux Articles 378 à 386, les coupables peuvent être :
 
1° condamnés à l'interdiction de paraître en certains lieux, prévue à l'Article 80;
 
2° privés des droits mentionnés à l'Article 68 ;
 
3° déchus de l'autorité parentale, s'ils sont les père ou mère de la victime.
 
Article 388. - L'homicide ou les coups et blessures volontaires ne changent pas de nature lorsque la victime n'est pas la personne que l'auteur se proposait d'atteindre.
 
Article 389. - li n'y a pas d'infraction lorsque l'homicide, les blessures ou les coups résultent :
 
1° d'actes médicaux, à condition que ceux-ci soient :
 
a) conformes aux données de la science, à l'éthique médicale et aux règles de l'art;
 
b) effectués par une personne légalement habilitée à les pratiquer;
 
c) accomplis avec le consentement du patient ou si celui-ci est hors d'état de consentir, avec le consentement de son conjoint, ou de celui qui en a la garde sauf s'il est impossible, sans risque pour le patient, de communiquer avec ceux-ci ;
 
2° d'actes accomplis au cours d'une activité sportive à condition que l'auteur ait respecté les règles du sport pratiqué.
 
Article 390. - Indépendamment des cas prévus par l'Article 97, bénéficient de l'excuse absolutoire, les auteurs des infractions prévues par les Articles 380 et 381 commises en repoussant, pendant le jour, l'escalade ou l'effraction de clôture, murs ou entrées d'une maison, d'un lieu habité ou de leurs dépendances ainsi que le crime de castration immédiatement provoqué par un violent outrage à la pudeur.

Article 390-1. nouveau – Les violences prévues par les dispositions de la présente section sont réprimées quelle que soit leur nature, y compris s’il s’agit de violences morales.
 

 

 
§1 - L’incrimination

Les coups et blessures volontaires peuvent être simples ou aggravés.

On examinera donc les éléments constitutifs communs à toutes les violences, puis ceux qui sont spécifiques aux violences aggravées.

A/ les éléments communs

1) L’élément matériel

Les juges du fond, sous peine de voir leurs décisions cassées, doivent indiquer les faits constitutifs du délit de coups et blessures et volontaires.

L’élément matériel se caractérise tant par les moyens employés par l’auteur (a) que par les atteintes provoquées (b).

1.a) L’infraction de coups et blessures volontaires est une infraction de commission, l’élément matériel consiste donc, en un acte positif : ce sont des coups ou des blessures.

Selon une jurisprudence constante, on ne saurait comprendre un délit de violences ou de voies de fait sans violences effectives.

Les notions de coups et blessures impliquent un ou plusieurs actes et une répercussion physique. Par exemple, les actes de sorcellerie ne sont pas envisageables.

Par coup, il faut entendre toute atteinte matérielle ou physique résultant du rapprochement violent de deux corps. Le coup peut être infligé soit directement (gifler une personne, la jeter contre un mur ou autre objet etc.) soit au moyen d’un instrument quelconque (donner un coup de bâton ou des coups de matraque à la victime, le fait de jeter des pierres sur quelqu’un, lancer un chien contre un tiers).

Les blessures au sens des termes de l’art. 345, s’entendent dans son acception la plus large et comprend les maladies et les lésions aussi bien externes qu’internes : déchirure de la peau ou de la chair notamment la plaie, l’égratignure, l’ecchymose, l’écorchure, l’éraflure, etc.

Les violences désignées dans cet article ne doivent pas relever d'une qualification spéciale telle que la castration, la stérilisation, les mutilations génitales par exemple, qui sont punis à titre autonome, à l’article 378-5, 378-6 ou 386 cp.

Lorsque des blessures ont été faites volontairement par plusieurs personnes au cours d’une scène unique de violences, l’infraction peut être appréciée dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire pour les juges du fond, de préciser la nature des coups portés par chacun sur la personne de la victime ou des victimes, le fait étant unique, les conséquences matérielles résultant de ce même fait s’appliquent à tous les participants : par exemple, jeter des pierres sur une ou plusieurs personnes.

Peu importe la gravité ou le degré de la violence. Peu importe la gravité de la blessure. Dans toutes les hypothèses (blessures légères, blessures graves), l’auteur sera exposé aux sanctions réprimant les coups et blessures volontaires.

1 b) Les coups et blessures sont une infraction matérielle ; ils supposent donc, pour être constitués, un dommage.

Autrement dit, seule l’existence d’un préjudice effectivement subi, par la victime permet de retenir l’incrimination et la répression adéquate. Ainsi, celui qui veut seulement causer des blessures légères et entraîne des blessures graves ou la mort, répondra de l’infraction qui correspond à ce résultat : ce n’est pas l’intention qui prime ici, mais le dommage.

Le dommage est classé en 4 catégories :

- la mort, sans intention de la donner ;

- une mutilation, une amputation ou privation de l'usage d'un membre, la cécité ou la perte d'un œil ou toute autre infirmité permanente ;

- une maladie ou une incapacité de travail (ITT); et,

- l’absence d’ITT (il existe donc des coups et blessures sans ITT : Ainsi, le fait secouer une personne par les épaules caractérise le délit de violences légères.

On notera également qu’en l’absence de dommage effectivement constaté et prouvé à l’égard de la victime, l’infraction ne peut être retenue.

2) L’élément moral

L’élément moral apparaît évidemment de l’emploi du terme « volontairement » par l’article 381 cp.

L’élément moral des coups et blessures se calque sur l’élément matériel : c’est la volonté de commettre l’acte et de rechercher la souffrance de la victime. Il suffit que l’agent ait seulement voulu être violent. Il n’y a donc pas de dol spécial dans l’infraction de violences volontaires.

Le délit de coups ou violences volontaires est constitué dès qu’il existe un acte volontaire de violence quel que soit le mobile qui l’ait inspiré et alors même que son auteur n’aurait pas voulu causer le dommage qui en est résulté.

Ainsi, Ainsi, la « plaisanterie » consistant à introduire dans l’anus d’un collègue un tuyau d’air comprimé, entraînant de graves lésions – l’ITT, en l’occurrence, était supérieure à six mois –, constitue bien un comportement volontaire entraînant les sanctions afférant aux violences volontaires : Crim. 7/6/1961, BC, n°290.

L’art. 381 n’exige pas pour son application que l'agent ait voulu exactement le dommage qu'il a produit. Si l'agent voulait seulement blesser légèrement une personne mais lui cause une infirmité permanente, ce dernier ne pourra pas se prévaloir du résultat souhaité. La volonté de l’auteur quant aux résultats des violences n’entre pas en ligne de compte.

Les infractions de violence se contentent donc, d'un dol indéterminé. L’intention est précise mais pas le résultat.

L’erreur sur la personne de la victime est aussi indifférence sur la culpabilité prévue à l’art. 388 cp.

Pareillement, le consentement de la victime est sans Incidence sur la qualification. Cf. pratiques sadomasochistes qui peuvent être parfaitement sanctionnées.

B/ les violences aggravées

Les circonstances aggravantes tiennent à la qualité de la victime : les peines sont aggravées lorsque les victimes sont les père ou mère, un parent adoptif ou d’un ascendant de l'auteur ou encore sur un conjoint ou le concubin de l’auteur (art. 383 cp).

§ 2 – La répression

A/ Les modalités de la répression

Les poursuites de violences volontaires sont possibles en qualité d’auteur ou de complice coauteur.

Les violences volontaires constituant des délits, ne sont pas réprimées au titre de la tentative. En effet, aucune disposition légale ne prévoie expressément la punissabilité de leur tentative.

L’infraction de coups et blessures n’est pas punissable lorsque, elle est accompli en état de légitime défense, en état de nécessité, sur ordre de la loi ou sur le commandement de l’autorité légitime.

Plus particulièrement, aux termes de l’article 389 cp, les violences ou blessures occasionnées à l’occasion d’opérations curatives ne sont pas punissables.

Il s’agit d’autorisation et de permissions légales concernant les médecins et les sportifs.

L’impunité légale n’est accordée au médecin que dans la mesure où l’intervention est justifiée par un intérêt thérapeutique et effectuées selon les règles de l’art.

Sur ce même fondement, sont justifiés les coups que se portent les sportifs exécutant des jeux violents (boxe, football, le rugby, le judo etc.) sous la condition du respect des règles du jeu.

B/ les peines applicables

Les violences étant des infractions de résultat, elles sont punies en fonction du préjudice subi par la victime, mais aussi en fonction de sa qualité.

Le code pénal décrit deux formes de violences : les violences criminelles, d’une part, et les violences délictuelles, d’autre part.

1) Les violences criminelles : les coups et blessures ayant causé un résultat mortel (art. 385-1°cp)

Quand les violences ont entraîné la mort sans intention de la donner, l’infraction est alors punie de 5 à 20 ans de réclusion. La volonté de commettre des violences est bien présente, mais pas l’animus necandi, pas l’intention de donner la mort. On parle alors de dol praeter intentionnel ou dol dépassé.

Cette peine est aggravée à l’emprisonnement à vie (art.383- 1° cp) en présence de la circonstance aggravante visée à l’article 383 (violences sur la personne des père ou mère, d’un parent adoptif, d’un ascendant, conjoints ou concubin).

Toutefois, ces peines ne peuvent être retenues que s’il existe une relation directe de cause à effet entre les coups portés à la victime et son décès. Il en est ainsi évidemment si les coups sont mortels en eux-mêmes. De même, si la victime est décédée plus tard à la suite des blessures du crâne causées par des instruments tranchants et contondants.

Mais la jurisprudence entend cette notion d’une façon très souple. C’est ainsi que les peines édictées à l’art. 381-1 s’appliquent également si les coups, tout en n’étant pas mortels en eux-mêmes, le sont devenus en raison de l’état morbide, de la prédisposition, de l’état pathologique de la victime, ou encore si, la mort est due à des causes mises en activité par les coups, par exemple lorsque la victime des blessures est décédée du tétanos directement provoqué par les blessures ou de l’émotion provoquée par un coup, notamment une gifle.

Le résultat mortel peut influencer la qualification de l’infraction : en effet, lorsqu’il est constaté que des manœuvres abortives ont eu pour résultat la mort de la patiente, les faits poursuivis constituent non le simple délit d’avortement, mais le crime de violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner : crim. 1/12/1971 BC n°330.

2) les violences délictuelles

Trois situations sont envisagées :

a. les coups et blessures ont entrainé une infirmité permanente (art. 381-2°)

De telles violences qui ont occasionné une mutilation, amputation ou privation de l'usage d'un membre, la cécité ou la perte d'un œil ou toute autre infirmité permanente, sont punies de la peine de 5 à 10 ans d’emprisonnement de cinq à dix ans et d’une amende de 100.000 à 1.000.000 francs.

La peine est augmentée et passe à un emprisonnement de 5 à 20 ans lorsqu’existe la circonstance aggravante évoquée à l’article 383 cp.

A titre illustratif, constituent par une mutilation au sens de l’art. 381-2°, l’arrachement du pavillon d’une oreille, l’amputation d’un rein, d’un pied, l’ablation de la rate etc.

Quant à l’infimité permanente, elle résulte de la perte d’une partie du corps servant à remplir une fonction nécessaire et utile, comme par exemple, la paralysie d’un membre, la diminution sensible de l’ouïe résultant de la perforation d’un tympan.

NB : A ne pas confondre avec les difformités permanentes telles une déformation du visage par fracture du nez, un affaiblissement de la paroi abdominale, de même que le simple affaiblissement de l'acuité visuelle.

b. Les coups et blessures ayant entrainé incapacité totale de travail (art. 381-3°)

Lorsque que les violences ont entraîné une maladie ou une incapacité totale de travail pendant plus de 10 jours, l’auteur encourt alors 1 à 5 ans d’emprisonnement et 50.000 à 500.000 francs d’amende.

La peine est portée au minimum à 5 ans et au maximum à 10 ans en présence de la circonstance aggravante de l’article 383 cp.

L’ITT, est en fait, une diminution de la capacité physique et/ou psychique pour une victime de violences volontaires ou involontaires, de vaquer à son travail quotidien, c’est-à-dire ses actes de la vie courante (se déplacer, faire sa toilette, manger, etc.), par rapport à ses capacités totales avant les faits, lorsqu’elle était en pleine possession de ses moyens.

La maladie, c’est altération grave ou sérieuse de la santé de la victime.

L’incapacité de travail doit être totale.

Dans tous les cas, il faut que la victime soit dans l’impossibilité de s’adonner à ses activités habituelles pendant une certaine durée.

Il entre dans les pouvoir du juge du fond de fixer la durée de l’ITTP qui a résulté, pour la victime, d’un délit de coups et blessures volontaires. Dans la pratique, les juges auront recours aux experts médicaux.

c. Les coups et blessures n’ont entrainé aucune maladie ni incapacité totale de travail

L’emprisonnement est d’un mois à un an et d'une amende de 100.000 à 1.000.000 francs, lorsqu'il n'en est résulté aucune maladie ou incapacité de travail de l'espèce mentionnée à l'alinéa précédent.

Il s’agit de violences légères. Toutefois, si ces violences sans ITT sont aggravées, l’article 383-4 les punit plus sévèrement de la peine allant de 1 à trois ans d’emprisonnement et d’une amende de 50.000 à 500.000 FCFA.