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L'INFRACTION DE L’ADMINISTRATION DE SUBSTANCES NUISIBLES A LA SANTE EN DROIT IVOIRIEN

L’administration de substances nuisibles qui est une variété de violences, est une infraction réprimée à titre autonome à l'article 385 CP.

C'est une infraction matérielle, contrairement à l'empoisonnement. Ainsi, le résultat est nécessaire.

§1 – L’incrimination

Article 385

Quiconque occasionne à autrui une maladie ou incapacité totale de travail personnel, en lui administrant volontairement, de quelque manière que ce soit, une substance qui, sans être de nature à donner la mort, est nuisible à la santé,

A/ l’élément matériel

L’élément matériel est caractérisé par un acte d’administration qui entraine un résultat, un préjudice.

1) Un acte d’administration

L'acte consiste à administrer, c’est-à-dire à faire prendre, faire absorber (par exemple un breuvage nuisible).

L’administration peut être réalisée par n’importe quel moyen : ingestion, respiration, piqûre, ou encore exposition à des ondes radioactives. La substance nuisible doit passer dans le corps de la victime, quels que soient les moyens utilisés par l’auteur

A la différence de l'empoisonnement, le législateur n’envisage qu’un acte d’administration, l’emploi n’est pas évoqué. Cette omission signifie que la préparation de la substance nuisible n’est pas punissable.

La substance administrée doit être nuisible : il ne faut donc pas que cela soit une substance mortifère, sinon la qualification pénale adéquate sera celle d'empoisonnement

La nocuité s'apprécie par rapport à un être humain standard, la substance doit être en elle-même, objectivement nuisible. On ne définit pas la nature de la substance au regard de son résultat. On la définit au regard de ce qu’elle est.

Ceci distingue l’empoisonnement de l’administration de substance nuisible. Ainsi, si la substance est inoffensive par elle même mais qu'elle s'est avérée nuisible qu'à cause des particularités de la victime, l’infraction est non constituée.

Par exemple, ont été considérées comme constituant des substances nuisibles, le virus du sida (le fait de dissimuler volontairement son état de séropositivité pour avoir des relations sexuelles non protégées avec sa partenaire qui a ainsi été contaminée est constitutif de l’infraction d’administration de substance nuisible Crim. 10 janvier 2006), des médicaments (le fait de verser du Valium dans l’eau de l’équipe de football adverse pour l’empêcher de gagner constitue une administration de substances nuisible : Cass. crim., 14 juin 1995, nº 14-83025 : Bull. crim., nº 218), des substances radioactives etc.

2) Le résultat

Selon les termes de l’art. 385, l’administration doit occasionner une maladie ou une incapacité totale de travail : ce qui signifie qu’à la différence de l’empoisonnement, il faut que le résultat se soit produit.

L’infraction d’administration de substances nuisible est donc une infraction matérielle, précisément, une infraction de résultat qui doit entraîner un préjudice. En l’absence d’une telle atteinte, il n’y a pas d’infraction.

Au niveau physique, cela peut entrainer une maladie la paralysie ou la perte d'un membre, un affaiblissement du tonus musculaire de la personne (C.Cass 14 juillet 95 : valium administré à une équipe foot adverse), ou un endormissement de la personne.

Au niveau psychologique, ce peut être une atteinte aux capacités de réflexion, de discernement, un endormissement de l'esprit etc.

La maladie ou l’ITTP doit être la conséquence de l’administration : la loi exige donc un lien de causalité. L’atteinte n’a pas besoin d’être particulièrement grave pour emporter la répression (prise en compte pour le quantum de la peine).

B/ l’élément intentionnel

L'élément moral de l’infraction d’administration de substances nuisibles consiste en une volonté de porter atteinte à l’intégrité de la victime et une connaissance du caractère nuisible de la substance administrée.

En conséquence, lorsque l’agent ignorait le caractère nuisible, la répression est exclue.

La volonté d’administrer une substance nuisible en ayant conscience de porter atteinte à l’intégrité physique est une intention abstraite. L'agent se voit imputer le résultat effectivement réalisé, même s'il est différent de celui qu'il avait prévu ou voulu. Sur cet aspect de l’élément moral, l’infraction C’est là, une des différences avec l’infraction de coups et blessures.


 

 

§2 – la répression

A/ les modalités de la répression

La participation à l’infraction sous toutes ses formes est punissable : l’auteur est celui qui administre lui même la substance.

On peut administrer par l'intermédiaire d'un tiers. La complicité est punissable sous toutes ses formes.


 
La tentative, à défaut de disposition expresse, n'est pas incriminée.

B/ les peines encourues (art. 385 cp)

Ø emprisonnement d'un à cinq ans et d'une amende de 50.000 à 500.000 francs, si le résultat est une maladie ou une ITTP.

Ø Si l’infraction a occasionné une incapacité totale de travail personnel pendant plus de dix jours, la peine est un emprisonnement de cinq à dix ans et une amende de 20.000 à 200.000 francs ;

Ø Si l’infraction a occasionné une infirmité permanente, la peine est celle de cinq à vingt ans d'emprisonnement.

Ø En cas de circonstances aggravantes tenant à la qualité de la victime : père ou mère, parents adoptifs ou ascendants, conjoint ou concubin de l’auteur, la peine est augmentée ans les proportions suivantes :

- un emprisonnement de cinq à dix ans et une amende de 100.000 à 1.000.000 francs si maladie ou ITTP

- un emprisonnement de cinq à 20 ans et une amende de 100.000 à 1.000.000 francs si ITTP supérieure à 10 jours ;

- si infirmité, l'emprisonnement à vie.

A ces peines principales, s’ajoutent les peines complémentaires prévues à l’article 387 cp que peut prononcer le juge s’il l’estime nécessaire.