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LA SANCTION DES ACTES DE PROCEDURE

LA SANCTION DES ACTES DE PROCEDURE

La sanction des conditions de formation des actes judiciaires peut prendre deux formes différentes. Soit une action en responsabilité, soit une annulation de l’acte irrégulièrement accompli.

L’action en responsabilité vise à obtenir des dommages et intérêts, et est prévue par la loi sur le statut des huissiers de justice.

La jurisprudence ivoirienne regorge de condamnations d’huissiers de justice pour erreur sur la personne du débiteur saisi (Voir RID 1980 n°3 et 4). Tribunal de première Instance d’Abidjan (4ème Ch. Civ.) 10 avril 1975 (jugement n°788) ; Cour d’Appel d’Abidjan, chambre civile et commerciale, 19 mars 1976 (arrêt n°215).

Mais la sanction la plus habituelle est l’annulation éventuelle de l’acte irrégulier accompli.

En matière de nullité des actes, on part de l’annulabilité, à l’annulation effective de l’acte irrégulier. Entre les deux, il y a un pas qu’on ne peut allègrement franchir.

Il faut déterminer les cas de nullités, à la mise en œuvre de ceux-ci.

A- La détermination des cas de nullités

Les articles 122 et 123 du code de procédure civile, obligent à déterminer d’une part, le champ des nullités concernées et d’autre part à faire la distinction de catégorie interne à ces actes en fonction de la gravité de l’irrégularité.

a- Le champ des actes annulables

On pourrait dire que seules sont concernés par le régime des nullités des articles 122 et 123, les irrégularités de forme commises dans les actes des parties ou dans les actes effectués par leurs représentants en leur nom.

Ce qui reviendrait à mettre de côté en fait, les irrégularités de fond des actes accomplis par les parties ou par leurs représentants en leur nom, de même que les irrégularités des actes des juges, des techniciens ou experts et autres.

L’article 122 indique en effet que : « L’exception de nullité a pour but de faire déclarer nul un acte de procédure lorsque cet acte ne réuni pas les conditions de forme prescrites par la loi ».

Or parler d’acte de procédure au sens strict et habituel du terme revient à désigner les actes effectués par les parties ou par leurs représentants en leur nom, car pris en ce sens, acte de procédure signifie acte pour faire avancer la procédure (Procedere).

En pratique, on observe que la jurisprudence ne vise pas les articles 122 et 123, lorsqu’il s’agit d’acte accompli par d’autres personnes que les parties. Ces actes sont également objet d’annulation, mais sur un fondement jurisprudentiel, dont les critères restent à déterminer.

S’agissant même des actes accomplis par les parties ou par leurs représentants, les articles 122 visent les irrégularités attachées aux conditions de forme, ce qui écarte le fond des actes.

Le non respect des conditions de fond ne semble pas visé. Mais il ne faut pas perdre de vue que les actes sont d’abord juridiques et qu’à ce titre, ils doivent remplir les conditions de fond nécessaires, à savoir : capacité, pouvoir, volonté, etc.

b- Les catégories internes

La distinction se fait entre nullité relative et nullité absolue.

1-Les nullités absolues

Elles se présentent comme une enveloppe dans laquelle on a les nullités textuelles et les nullités d’ordre public.

Les nullités textuelles, sont celles que peuvent prévoir expressément des dispositions légales. Il s’agit là, de la consécration par la loi d’une très ancienne disposition, traduite elle-même par la maxime : « Pas de nullité sans texte ».

Il faut observer que selon cette disposition, on ne pourrait envisager la nullité que si un texte la prévoit. Cette règle aurait pu être efficace, si le législateur prévoyait souvent la sanction dans tous les cas, mais on ne peut que constater que cela est impossible, le législateur ne pouvant pas envisager tous les cas. Et c’est pour pallier cette insuffisance, que l’on a recours à la théorie des nullités absolues.

Il n’est pas exclu que des nullités absolues soient en même temps des nullités d’ordre public. Mais dans la plus part des cas, c’est au juge qu’il reviendra de déterminer le caractère d’ordre public de la règle dont la violation entrainera une nullité d’ordre public.

Dans la mesure où le caractère d’ordre public n’est pas défini par la loi, c’est au juge qu’il revient de dire si une condition ou une règle a le caractère d’ordre public.

La notion d’ordre public apparaît floue et son application donne lieu à des incertitudes, voir même, à des contradictions qu’il conviendrait de résorber.

En se référant à la doctrine autorisée, on peut dire que sont d’abord d’ordre public, les dispositions prévues comme telles par le législateur. Sont également d’ordre public dans le silence de la loi, les dispositions relatives à l’organisation judiciaire. Toute règle relative à l’organisation des juridictions, de leurs personnels et aux auxiliaires de justice, constitue une règle d’organisation judiciaire.

C’est au niveau de la troisième catégorie des règles d’ordre public qu’on a pas une position tranchée. L’on doit alors examiner l’objectif de protection visé par la règle.

Si cet objectif de protection parait fondamental, et relatif à l’intérêt général, au détriment de l’intérêt privé, alors la règle aura un caractère d’ordre public. C’est à ce titre que l’on a remarqué que la notion d’ordre public, est un indice de prévalence, car dans tous les cas, en matière de procédure, toutes les règles pratiquement, visent d’abord la protection d’un intérêt privé avant d’être élevées éventuellement au rang d’ordre public lorsque cet intérêt privé est fondamental au-delà de la partie concernée.

Exemple : La violation du caractère contradictoire, est la plus part du temps sanctionnée par une nullité d’ordre public, or a priori, le principe du contradictoire protège une partie pour la mettre à même de se défendre correctement.

Mais on considère que cette règle est fondamentale au-delà de la partie concernée et qu’elle est importante pour la crédibilité même de la justice et donc pour l’intérêt général.

Exemple : (contradictoire) l’exception de communication

La jurisprudence confère à cette exception un caractère d’ordre privé, alors même que le principe de la communication n’a d’autre but que de permettre de faire jouer la règle du contradictoire.

De fait, on a du mal à faire le départ entre nullité d’ordre public de cette dernière catégorie et nullité relative.

2-Les nullités relatives

La loi ne définie pas les nullités relatives. Elles se rapportent à toutes les irrégularités qui n’appartiennent pas à la catégorie des nullités absolues.

Nullités relatives et nullités subjectives semblent être synonymes. Si l’on se réfère aux dispositions de l’alinéa 3 de l’article 123, la nullité relative est liée au préjudice causé à la partie qui s’en prévaut.

La nullité sera alors relative à la personne protégée par la règle, si sa violation n’est pas autrement jugée fondamentale, au point de revêtir le caractère d’ordre public.

B- La mise en œuvre et l’effet des nullités

Lorsqu’une irrégularité est commise et quelque soit son caractère, le moyen doit être soulevé, par le biais d’une exception (article 122).

L’exception a pour but, d’interrompre la procédure, jusqu’à ce que l’irrégularité soit réparée.

En pratique, le temps pour refaire cet acte se sera écoulé entre temps, de sorte qu’il paraît intelligent d’anticiper sur la réponse que le juge donnera à l’exception qui a été soulevé en refusant l’acte irrégulier.

Le régime juridique de la sanction dépend essentiellement de la catégorie des nullités en cause.

-Lorsqu’il s’agit de nullité relative ayant un caractère d’ordre privé par définition, seule la partie concernée par cette violation soulève l’irrégularité par l’exception de nullité.

L’irrégularité doit être soulevée in limine litis, c'est-à-dire avant toute défense au fond ou avant toute fin de non recevoir d’ordre public ou d’une fin de non recevoir relative au fond du droit.

Cette exception ne pourra en aucun cas être soulevée pour la première fois en cassation. L’exception ne pourra être retenue que si l’irrégularité a causé un préjudice ou un grief à la partie qui s’en prévaut.

-Au contraire, les nullités absolues ont un régime tout à fait opposé. Tout intéressé, c'est-à-dire les parties ou même le juge peut soulever l’exception de nullité absolue.

Le juge relève d’office une telle nullité, c'est-à-dire en dehors même d’une demande partisane dans ce sens. L’irrégularité peut être soulevée à tout moment du procès et plus seulement in limine litis, à toute hauteur des débats et même, pour la première fois en cassation.

Enfin, il n’est pas nécessaire de justifier d’un grief ou d’un préjudice pour sanctionner cette irrégularité.

La sanction de la nullité quand elle est prononcée, vide de tout effet l’acte annulé et le cas échéant, tous les actes subséquents.

I / Inventaire de la sanction des nullités

a- De l’annulabilité et domaine ou cas de nullité

Seuls deux articles du code de procédure civile sont exclusivement consacrés au problème des nullités. Ce qui montre bien que le code de procédure civile est limité en cette matière, mais cela n’a aucune incidence sur le régime des nullités.

L’article 122 du code de procédure civile dispose comme suit : « L’exception de nullité a pour but de faire déclarer nul un acte de procédure lorsque cet acte ne réunit pas les conditions de forme prescrites par la loi ».

Et à l’article 123 d’ajouter que : « La nullité des actes de procédure est absolue ou relative.

Elle est absolue, lorsque la loi le prévoit expressément ou que l’acte porte atteinte à des dispositions d’ordre public.

Dans tous les autres cas, la violation d’une règle de procédure n’entraîne la nullité de l’acte que s’il en résulte un préjudice pour la partie qui s’en prévaut.

La juridiction saisie doit soulever d’office la nullité absolue ».

A la lecture des dispositions des articles 122 et 123 du code de procédure civile, on pourrait croire que sont écartés les actes du juge, de l’expert et cela même pour les irrégularités de fond qui sont toujours inhérentes à ces irrégularités juridiques.

1-L’exclusion de certaines irrégularités de fond des actes des parties et des autres actes judiciaires

L’article 122 du code de procédure civile, en visant expressément la nullité des actes de procédure pour irrégularité de forme, ne s’intéresse pas à la violation éventuelle des irrégularités de fond.

Or comme nous l’avons mentionné plus haut, les actes des parties, avant d’être des actes judiciaires, sont des actes juridiques et doivent à ce titre remplir les conditions inhérentes à cette qualité.

Sous cet angle, l’on doit au moins envisager les cas de dol, d’erreur, de violence, de capacité, de pouvoir de représentation etc.

L’article 117 nouveau du code de procédure civile français, donne une liste énumérative de ces conditions de fond. Et il dispose comme suit : « Constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l’acte :

Le défaut de capacité d’ester en justice ;

Le défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant, soit d’une personne morale, soit d’une personne atteinte d’une incapacité d’exercice ;

Le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice ».

L’article 20 du code de procédure civile ivoirien constitue un exemple en matière de sanction des irrégularités de fond. Il dispose ainsi qu’il suit : « L’assistance et la représentation des parties devant les juridictions sont assurées par les avocats sous les réserves suivantes :

les personnes physiques peuvent toujours se faire représenter par leur conjoint et leurs parents jusqu’au troisième degré ;

les gérants des sociétés de personne peuvent se faire représenter par un associé dans les actions intéressant la société ;

les personnes morales privées ou publiques ne peuvent comparaître devant la Cour d’Appel qu’en étant représenter par un avocat ; devant les juridictions de première instance elles peuvent se faire représenter par un de leur préposés fondé de pouvoir ;

devant la Cour Suprême la représentation des parties est exclusivement assurée par les avocats ».

Il en est de même, de la perte en cours d’instance de la capacité, d’une des parties (article 107).

La représentation obligatoire en appel par un avocat, par application des dispositions de l’article 20 du code de procédure civile alinéa 3, a été sanctionnée par la jurisprudence, comme la violation d’une règle d’ordre public. Voir à cet effet : Cour Suprême, arrêt n°51, du 10 Mars 1993.

L’article 107 du code de procédure civile, prévoit qu’en cas de perte de la capacité d’une partie ou de son décès en cours d’instance, l’instance est interrompue et le dossier provisoirement classé au greffe.

On peut à ce niveau observer que l’article 3 du code de procédure civile fait de la capacité une condition de l’action, de sorte que cette disposition apparaît comme étant contradictoire à l’article 107 du code de procédure civile.

Il faut donner un fondement général aux irrégularités de fond, de même qu’aux autres actes de nature judiciaire qui n’émanent pas des parties.

La jurisprudence, ne fait pas allusion au fondement des articles 122 et 123 pour la sanction, tant des vices des actes d’expertise que de la sanction des actes juridictionnels.

La violation des dispositions de l’article 142 du code de procédure civile qui prévoit que tout jugement doit contenir les noms et prénoms, qualité, fonction de chacune des parties, leurs mandataires et leurs conseils, n’entraine pas nécessairement la nullité de la décision, quand bien même il serait exact que la décision n’indique pas que l’une des parties avait pour conseil un avocat non précisé.

Cette décision qui n’exclue pas le principe de la nullité pour un vice relatif au contenu d’une décision juridictionnelle, non seulement ne se fonde pas sur une disposition expresse, mais en outre ne donne pas un critère d’évaluation.

Au contraire de cet arrêt, une autre décision semble s’appuyer sur l’absence de préjudice né de la mention viciée « Il est hors de doute que les époux X avaient conclus en appel et n’ont subis aucun préjudice du fait que l’arrêt de la Cour avait été rendu le 13 septembre au lieu du 27 octobre 1985 ». Arrêt n°17 du 17 février 1989 et n°82 du 24 juillet 1986 de la Cour Suprême.

On observe que dans la seconde espèce, la Cour semblait faire allusion implicitement à une nullité relative telle que prévue pour les actes de procédure.

En théorie, il apparaît difficile d’appliquer le régime juridique prévu expressément pour les actes des parties, aux actes juridictionnels :

- Parce qu’au sens strict habituel du terme, les actes du juge ne peuvent être assimilés aux actes de procédure qui émanent des parties ;

- Même si on prenait les actes de procédure au sens large d’acte judiciaires, la distinction nullité absolue, nullité relative qui a déjà du mal à contenir les actes des parties, serait moins adaptée aux actes du juge.

2-Distinction nullité relative, nullité absolue

L’article 122 du code de procédure civile prévoit que les nullités sont relatives ou absolues. La catégorie des nullités absolues comprend, les nullités textuelles par application de la règle : « Pas de nullité sans texte ». Cette catégorie comprend également les nullités d’ordre public.

Madame Paulette VEAUX-FOURNERIE distinguait trois types de nullités textuelles, qui sont :

1°les nullités textuelles parfaites, qui sont celles pour lesquelles le législateur pour une règle donnée a édicté expressément que celle-ci devra être observée sous peine de nullité (article 199, 246 et 286 du code de procédure civile) ;

On a les nullités textuelles pour lesquelles, le législateur pour une règle donnée sans user expressément de la notion de nullité emploie des termes plus ou moins impératifs par rapport à cette règle (article 34, 254, etc.).

L’article 34 alinéa 1er prévoit que : « sauf consentement des parties ou abréviation du délai par le juge en cas d’urgence, il doit y avoir entre le jour de l’assignation et celui indiqué pour la comparution un délai de huit jours au moins, si le destinataire est domicilier dans le ressort de la juridiction… ».

C’est peut être un détail que de noter que l’article 34 alinéa 1er est relatif au délai d’ajournement, et ne peut en principe s’appliquer à une question de forme. Mais cette disposition, en commençant par « sauf consentement des parties », même si elle utilise par la suite, le terme « doit », ne peut pas signifier une exigence impérative de la loi, car en effet, si les parties peuvent consentir à la restriction du délai d’ajournement, cette règle ne peut avoir un caractère d’ordre public.

A ce titre, la Cour d’Appel a justement décidé d’accorder le caractère d’ordre privé à cette disposition en jugeant que la nullité qui sanctionne l’inobservation du délai de huitaine de l’assignation est relative et elle ne peut être reçue qu’à condition qu’il en soit résulté un préjudice pour la partie qui s’en prévaut.

Contrairement à la Cour d’Appel, la Cour Suprême pour la même question a décidé de la nullité d’ordre public de l’acte d’assignation qui pour avoir été délivré à un défendeur résident à l’étranger n’a pas respecté le délai de deux mois de l’article 34 du code de procédure civile devant séparer la date d’assignation de celle de la comparution.

Or le fait que cette question du délai ne participe pas à proprement parlé de la forme des actes et ne peut donc pas techniquement être sanctionné par la nullité, les délais d’ajournement y compris les délais de distance sont plus traditionnellement accordés dans l’intérêt des parties. Et c’est pour cette raison que les parties peuvent consentir à leur abréviation, ce qu’ils ne pouvaient, faire s’ils s’étaient agit d’une règle d’ordre public.

En fait, si l’on devrait tenir compte des termes impératifs utilisés par le législateur, on observera que ce serait une véritable aventure, comme de l’article 34, voire de l’article 245 où les termes plus ou moins impératifs sont difficiles à cerner.

En conséquence, il faut retenir qu’il n’y a qu’un seul type de nullité textuelle. La nullité textuelle est celle où le législateur use expressément de la sanction de nullité en cas de violation d’une règle édictée.

Concernant l’autre composante des nullités absolues, c'est-à-dire, la nullité d’ordre public que ne définissent pas les textes même, la jurisprudence, elle, constitue par la force des choses, le point essentiel du régime des nullités.

Théoriquement, une nullité peut être textuelle sans être d’ordre public et vis versa. Tout dépend de la définition que l’on se donne de l’ordre public.

On peut dire que traditionnellement, est considérée comme étend d’ordre public toute règle relative à l’organisation juridictionnelle. Sont également d’ordre public, les règles qualifiées comme telles par le législateur.

Une incertitude se situe cependant au niveau du critère du but visé. En effet, en dehors des deux critères ci-dessus exposés, on considère comme étant d’ordre public toutes les règles visant à la protection de valeur jugée comme fondamentale.

En matière de procédure, on pense également au caractère contradictoire. Et c’est au sein de ce troisième critère de l’ordre public qu’il y a le plus d’incertitude, dans la mesure où quand une disposition n’est ni qualifiée expressément par le législateur d’ordre public, ni ne se rapporte à une règle d’organisation juridictionnelle, il devient difficile de déterminer au-delà de la protection de l’intérêt immédiat d’une partie, si cette règle a un but d’intérêt général que l’on entend privilégier. Et c’est la spécificité de l’ordre public dans la procédure que d’être avant tout relatif.

JAPIOT disait à ce propos : « La règle d’ordre public, n’a pas une nature essentiellement distincte de celle de la règle d’intérêt privé, les intérêts supérieurs eux même comportent des degrés divers d’importance. La notion d’ordre public, est une notion comparative ».

L’ordre public processuel, se rapporte à des règles jugées fondamentales pour le système de la justice, au-delà des intérêts particuliers qu’il peut au passage protéger.

Exemple : Le principe de la libre contradiction et de la liberté de la défense, le principe de la publicité des débats et des jugements, la motivation des décisions, etc.

En matière de compétence d’attribution, l’article 9 du code de procédure civile qui prévoit que les règles de compétence d’attribution sont d’ordre public, fait donc de la compétence d’attribution une règle d’ordre public.

Mais, il semble nécessaire de trouver un critère moins fluctuant et un peu plus précis qui ne fasse pas dépendre du caractère plus ou moins fondamental à déterminer par le juge pour chaque règle.

Or en l’état actuel des choses, il y a malheureusement un abus de la notion d’ordre public, qui favorise des jugements au cas par cas, ce qui est dangereux pour la procédure.

Cette analyse est valable en ce qui concerne l’article 34, que nous venons d’examiner, mais aussi pour d’autres dispositions.

Il a été ainsi jugé que l’exploit qui ne comporte, ni la profession, ni le domicile du représentant d’une société et ne précise pas le motif du refus de signer, est sanctionné par la nullité absolue. Sur ce point, il a encore été jugé qu’aux termes de l’article 250 alinéa 3 du code de procédure civile, après la remise de la copie à la personne trouvée au domicile, l’huissier avise sans délai de cette remise la partie que l’exploit concerne. Ainsi, l’huissier, après la remise de son exploit le 04 avril 1984 a la personne trouvée au domicile élu de la personne, n’a pas avisé la personne concernée. Il en résulte que ladite signification est entachée d’une nullité absolue pour n’avoir pas été suivie d’un avis fait par lettre recommandée avec avis de réception.

Les dispositions des articles 164 et 165 du code de procédure civile, sont d’ordre public et leur inobservation entraine la nullité absolue de l’exploit d’appel selon une certaine jurisprudence. On note également que, la plus part des formalités des remises des exploits sont sanctionnées par une nullité d’ordre public. Il en est de même, des requêtes en cassation qui ne comportent pas les noms et domicile des parties. Ici, il s’agit d’une personne morale et de son représentant statutaire (article 209). Le caractère d’ordre public de toutes ces dispositions sanctionnées ne parait pas toujours évident.

Bien entendu, les juges ne s’expliquent pas sur les raisons de ces variations, mais dans tous les cas, il ne s’agit pas d’une nullité expresse du texte.

A titre comparatif, on peut noter que même en France, les parties n’ont pas l’obligation d’indiquer la représentation de la personne morale, au contraire une telle indication semble même dangereuse pour le cas où le représentant légal de la personne morale viendrait à changer au cours de l’instance.

En quoi cette indication par exemple est-elle fondamentale qu’elle ne peut être suppléée ?

Il est de même des formalités de remise des exploits très sévèrement sanctionnées par la jurisprudence, alors même que les dispositions de l’article 9 alinéa 2 de l’ancienne loi sur les huissiers indiquait que : « tous les vices relatifs à l’exploit sont facultatifs », autrement dit, relatifs.

On peut se demander pourquoi faire payer à une partie les errements de son huissier, dans un contexte où la procédure civile est mal appréhendée. Et cela lorsqu’on admet que l’essentiel est d’obtenir la comparution de la partie adverse.

On peut aussi, se demander comment alors qu’on admet la comparution volontaire comme mode de saisine, qu’une partie fût-elle représentante d’une personne morale puisse venir à l’audience et faire annuler un exploit d’assignation pour erreur sur les noms et domicile du représentant légal.

Le départ entre la nullité relative et la nullité d’ordre public, est de fait fragilisé. Une nullité est dite relative quand elle n’est pas absolue, c'est-à-dire lorsqu’elle n’est ni absolue, ni textuelle, ni d’ordre public.

Elle ne pourra être retenue que si elle entraine un préjudice et les juridictions ne s’embarrassent pas souvent des fondements de leurs décisions et ont même parfois semblé indiquer le caractère relatif de l’assignation.

Ainsi, la Cour d’Appel d’Abidjan, dès 1976 indiquait qu’en matière d’assignation, la nullité est relative. Et la Cour Suprême l’avait suivi dans ce sens dans une décision de 1981 en disant que le moyen tiré de la nullité de l’assignation ne peut être soulevé pour la première fois en cassation.

On peut émettre quelques réserves sur le caractère quelque peu général de ces affirmations, mais de manière globale, ces arrêts sont fondés sur les dispositions de l’article 9 alinéa 2 de l’ancienne loi sur les huissiers de justice. Les réserves sont justifiées par cette loi elle-même.

L’article 9 alinéa 1er prévoyait effectivement que les vices de compétence de l’huissier étaient sanctionnés par une nullité d’ordre public.

En dehors de toute disposition particulière de la loi, une autre réserve peut être admise et concerne l’absence de signature de l’huissier qui enlève à l’acte toute existence réelle. Mais rien n’empêche techniquement l’application de cet alinéa 1er de l’article 9 de l’ancienne loi sur les huissiers.

b-De la mise en œuvre de la nullité

Ont note que le débat le plus important quant au régime de la nullité, se situe en amont de la mise en œuvre de ladite nullité.

En effet, la mise en œuvre de la nullité dépend de la détermination des cas de nullité. Comme déjà vu, la nullité absolue est automatique, au contraire des nullités relatives.

Le plus important est de savoir si on a affaire à une nullité absolue ou s’il s’agit d’une nullité relative.

1-Le caractère automatique des nullités absolues

Aux termes de l’article 123 du code de procédure civile en son dernier alinéa, la juridiction saisie doit soulever d’office la nullité absolue.

On observe que sans cette disposition, un problème se serait posé dans la mesure où seuls les moyens d’ordre public peuvent être soulevés d’office par le juge. Or une nullité peut être textuelle sans être pour autant d’ordre public. Il s’ensuit que le juge peut soulever d’office une nullité absolue sans même se poser la question de savoir s’il s’agit d’une nullité textuelle ou d’une nullité d’ordre public.

Mais subsiste le problème de savoir si cette assimilation de régime est valable pour l’ensemble des conséquences procédurales liées au caractère d’ordre public d’un moyen.

Ainsi, l’article 125 du code de procédure civile indique, concernant les moyens d’ordre public, que les exceptions basées sur ce type de moyen peuvent être soulevés même après que l’on ait conclu au fond.

Les nullités textuelles qui ne seraient pas spécialement d’ordre public, pourront-elles alors être soulevées même après les conclusions sur le fond ?

La question reste valable pour les autres effets habituels liés au caractère d’ordre public à savoir :

-que toute partie intéressée peut soulever une nullité d’ordre public ;

-le moyen d’ordre public peut être soulevé à toute hauteur des débats et même pour la première fois en cassation.

Deux principes de solutions peuvent alors être dégagés :

-soit on se garde de faire une assimilation en dehors de celle expressément prévue par le législateur (cette assimilation elle-même est exceptionnelle de sorte que toute règle de ce caractère doit en principe être d’interprétation strict), et dans ce cas, on limite quelque peu le domaine extensif de l’ordre public tel qu’on l’a exposé plus haut ;

-soit on fait une assimilation ou plus de simplification en prolongeant l’unité du concept affiché par le législateur.

En absence de jurisprudence publiée sur la question, l’on pourrait pencher pour la première solution, mais il reste fondamental que c’est la conception même de l’ordre public qu’il convient de revoir dans un sens plus restrictif et moins dommageable.

Au contraire des nullités absolues, la mise en œuvre des nullités relatives dépend de l’existence d’un préjudice.

2-De la nécessité d’un préjudice pour la mise en œuvre des nullités relatives

On doit reconnaître qu’en théorie, les nullités absolues ne sont séparées des nullités relatives que par le préjudice exigé pour leur mise en œuvre de manière artificielle. En effet, il n’est pas dit qu’une nullité absolue ne peut engendrer un préjudice pour une des parties litigante ou même qu’une nullité relative n’entraine de préjudice qu’à l’endroit de la partie à l’égard de laquelle la règle a été violée.

Et c’est pour cela que le professeur HEBRAUD disait : « Né en droit civil, et inspiré par les vices de fond, cette distinction (nullité absolue, nullité relative), s’adapte assez mal aux actes de procédure car il n’y a ni identité, ni dépendance nécessaire entre la nature de la nullité et la question du préjudice ».

A la suite du professeur HEBRAUD, Madame VEAUX-FOURNERIE citant le premier affirmait que : « L’on en arrive à penser que l’on pourrait parfaitement qualifier de relatives toutes les nullités de procédure ».

S’il est vrai que sur le plan théorique, ces critiques sont justifiés sur le plan pratique, en revanche, tout au moins pour la mise en œuvre des nullités, les choses sont assez claires.

Madame VEAUX-FOURNERIE indique en effet qu’il eu été plus simple d’opposer les nullités automatiques que le juge devrait d’office prononcer à la demande des parties sans que celles-ci ne soient obligées d’établir que l’irrégularité leur fait grief, donc d’opposer ces nullités, aux nullités dont l’existence est subordonnée à l’existence d’un préjudice.

Au-delà de ces réflexions, force est d’observer que c’est la réalité qui existe. Sans doute y a-t-il préjudice dans tous les cas que ce soient des nullités relatives ou nullités absolues.

Sans doute, les termes utilisés renvoient à des concepts ayant court en droit civil avec des sens précis. Mais dans le cadre de la procédure, le législateur a décidé d’ignorer le préjudice éventuel dans les nullités absolues au contraire des nullités relatives, de sorte que s’il y’a problème, c’est au niveau de la détermination des cas de nullités qui font abstraction du préjudice.

On ne fait pas de référence au préjudice éventuel pour savoir si une nullité est relative ou absolue, mais une fois cette détermination opérée, on regarde au préjudice pour sanctionner l’acte irrégulier. La violation de la règle étant qualifiée de nullité relative.

Pour le reste, le législateur aurait pu donner des indications sur la portée tant du grief que de l’annulation.

A ce stade, que peut-on retenir de l’étude des nullités ?

On peut retenir que les dispositions prévues pour réglementer la matière des nullités sont insuffisantes.

Le régime en place ne tient pas compte des actes de tous les acteurs judiciaires et ces actes sont sanctionnés sans base réelle, si non explicite.

Ensuite, le régime actuel des nullités ne tient pas compte, concernant les parties, de la sanction des conditions de fond, de la formation des actes de procédure.

La distinction nullité relative, nullité absolue, en dehors des critiques formelles sur des concepts utilisés qui font référence aux classifications du code civil, adapte au contexte procédural, l’absence de définition ou de critère de l’ordre public, favorisant un abus jurisprudentiel quant à l’utilisation de la notion d’ordre public.

En matière de procédure, toutes les nullités présentent la spécificité d’être d’abord et avant tout relatives.

L’ordre public est un indice de prévalence, mais à ce niveau, il faut déterminer des critères internes, faute de quoi, il devient trop facile de passer d’une nullité relative à une nullité d’ordre public et vis versa.

II / Les solutions envisageables à la théorie des nullités de procédure

Avant d’envisager des solutions concrètes à court terme, concernant la jurisprudence dans le cadre actuel des textes applicables et à moyen terme par rapport à ces textes précisément, il convient d’examiner les fondements théoriques sur lesquels pourraient reposer un tel système.

a-Fondement théorique de règlement du problème de la sanction des nullités

Il importe de tirer les leçons du droit comparé, afin d’en tirer les principes qui pourraient aider à l’ébauche d’une solution.

1-Droit comparé

Le droit comparé fait apparaître la nécessité de rejeter un système de sanction purement comminatoire qui a échoué au profit d’une tendance à l’exigence pratique généralisée d’un grief consécutif à l’irrégularité.

-Le rejet d’un système purement comminatoire ou potestatif

Un système purement comminatoire de la sanction de la nullité suppose que ladite sanction reste à l’état de menace permanente en cas d’irrégularité de l’acte de procédure, comme une épée de Damoclès qui ne deviendra effective que par la seule volonté du juge.

Le système était particulièrement en vue dans certains parlements en France, avant une ordonnance de LOUIS XIV de 1667, et repris par certaines législations étrangères notamment Germanique. C’est également le système adopté pendant la souveraineté française dans les pays de l’Afrique Occidentale Française (AOF) et qui a eu court en Côte d’Ivoire jusqu’à l’intervention du code de 1972.

Cette dernière règle bien qu’ignorée dans la pratique jurisprudentielle Ivoirienne actuelle, a été reprise par l’article 9 alinéa 2 de l’ancienne loi de 1969 sur le statut de huissiers de justice. Ce système à cause de sa souplesse avait l’inconvénient de faire dépendre du juge qui n’est pas toujours à l’abri de tout arbitraire, de la sanction de la nullité.

Pour remédier à ce principal inconvénient, il a été introduit une autre pratique de certains parlements en France qui exigeaient l’existence d’un grief en cas de l’irrégularité de l’acte pour appliquer la sanction.

La jurisprudence dans le cas de l’Afrique Occidentale Française a sans doute tenue compte de cette évolution et a consacré le caractère facultatif de l’article 6 du décret du 30 novembre 1931, traduisant le caractère comminatoire de la sanction, dans le sens du grief.

La nullité facultative devait dès lors plus être tributaire du bon vouloir du juge mais du préjudice particulier causé par l’irrégularité alléguée.

-La généralisation de l’exigence du grief

Partant de l’ordonnance royale de 1667, les rédacteurs du code de procédure civile français de 1806 par les dispositions des articles 1029 et 1030, ont condamnées le système des sanctions purement comminatoire et établis la règle « pas de nullité sans texte ».

A l’inverse du système comminatoire rejeté, ce dernier système avait un inconvénient.

D’une part, en lien le juge qui n’avait de la sorte aucune marge d’appréciation, de favoriser de par la rigidité du système la chicane et des abus de toutes sortes, de la part des plaideurs.

Par ailleurs, ce système supposait, pour réussir que le législateur prenait sur lui le soin d’édicter pour chaque règle la sanction adéquate, ce qui en réalité est impossible.

La loi du 12 janvier 1953 et le décret-loi du 30 Octobre 1935, recueillant cette expérience, ont institué d’une part l’exigence d’un grief en présence d’une cause de nullité, et d’autre part, à côté des nullités textuelles, ont établi un système de nullité pour vice de formalités substantielles.

L’harmonie du système ainsi établi n’a malheureusement été rompue que par la Cour de Cassation qui a volontairement exclu l’exigence du grief en cas de nullité jugée substantielle.

Les dispositions actuelles du code de procédure civile Ivoirien, sans généraliser l’exigence du grief, l’envisage pour les nullités relatives. Mais il aurait fallu que ces nullités soient définies pour être déterminables car le préjudice n’est alors nécessaire qu’en aval.

Cependant, à supposer déterminantes les nullités dites absolues, les nullités relatives sont des nullités subsidiaires.

Sont absolues, les nullités soient textuelles, soient d’ordre public. Or si on peut cerner aisément la nullité textuelle, ce n’est pas toujours le cas pour les nullités d’ordre public, pour lesquelles en l’absence de critères légaux ou jurisprudentiels, on observe comme une casuistique (cas par cas) insécuritaire qui ressemble bien au système comminatoire que l’on croyait définitivement rejeté.

Le nouveau code de procédure civile français, à partir des dispositions du décret du 20 juin 1972, a l’avantage de simplifier le problème et de permettre d’aller à l’essentiel, en généralisant le grief du moins par la forme des actes de procédure, sans distinguer à ce niveau le caractère d’ordre public ou privé de la règle de forme viciée.

En effet, quelque soit la valeur de la règle de forme violée, ces règles ayant pour but essentiel, la protection des parties, n’était-il pas plus logique de n’envisager cette sanction que dans le cas où l’irrégularité aurait définitivement consommée cette protection.

2-Le principe devant guider le régime des nullités de procédure

Il ne faut pas perdre de vue, que les règles de procédure n’ont pour but que de faciliter le débat au fond, de régler la situation de droit subjectif contestée.

Il est toujours frustrant que par suite d’une mauvaise utilisation de cette infrastructure, l’essentiel se perd, que la procédure par une étrange métonymie (négation de la méthode), aborde le fond du droit.

La seconde donnée est que le contexte juridique ou judiciaire Ivoirien semble préparer ou adapter au type procédural envisagé s’ils l’ont appliqué au moins pour ce qui concerne le très important domaine des sanctions des nullités.

A proprement parlé, le système comporte en son sein, des directives qui envisagées avec discernement inclinerait à une raréfaction, de la sanction en cause qui semble être l’objectif principal ou primordial à atteindre.

Il faut savoir que le système procédural actuel est hérité d’un système fondé sur le libéralisme juridique et judiciaire qui explique quelque peu les principes de dispositif ou de neutralité du juge.

Le procès est la chose des parties. Les règles qui leurs sont offertes en partage pour les protéger les unes contre les autres, ou contre un arbitraire éventuel du juge, dont la présence inquisitoriale rendue de plus en plus nécessaire pour cause de service public, de l’institution de la justice ne reste que définitivement marginal.

L’esprit du code qui invite à plus de simplification laissant même aux parties la latitude de mener toutes seules leurs procédures, reste incompatible avec cette intrusion intempestive des nullités d’ordre public.

Mais les huissiers de justice ne subissent pas encore en Côte d’Ivoire de formation particulière alors que ce sont eux qui ont la charge des principaux actes de procédure.

Faut-il dans ces conditions rendre les particuliers responsables de leurs actes en sachant que la plus part du temps l’insolvabilité de ces derniers leur sera opposée ?

Le système actuel fait la part trop belle à l’annulation qui dans ce domaine rend la procédure plus savante qu’en France, par exemple qui est un milieu et portant plus intellectuel, où la procédure de droit commun se fait obligatoirement par avocats interposés.

Et pourtant, nonobstant le caractère d’ordre public d’une règle de forme violée, le grief est une nécessité.

En France, en effet, pour toutes les irrégularités, la régularisation reste possible, même pour les nullités dites de fond.

On y peu même pas annuler un acte pour omission du nom du représentant de la personne morale, au contraire, cette mention qui est jugée dangereuse, peut se retourner contre son auteur si dans le temps de la procédure, le représentant de la personne morale changeait.

En s’inspirant de ces évolutions et des principes élémentaires exposés, il nous faut à présent adopter des solutions plus viables et plus adaptées.

b- Ebauche de solutions par une maitrise du système des sanctions des nullités

Les dispositions actuelles du code de procédure civile de 1972 renferment des éléments qui militent en faveur d’une solution plus cohérente pour la maîtrise du régime des nullités. La solution pour le juge est axée sur une généralisation du grief avec son corolaire de la possibilité de régularisation dans les limites de la loi.

Le juge ne peut plus malheureusement dans le cadre actuel, exiger le grief pour les cas de nullité qu’il aura lui-même retenu comme relevant du caractère d’ordre public.

1- La possibilité pour le juge de généraliser le grief et d’admettre la régularisation

Le juge peut agir sur la scène des nullités absolues et notamment de l’ordre public dans une approche restrictive, car une fois l’ordre public caractérisé, le juge est lié par une sorte d’automatisme. Il faut encourager la régularisation des actes nuls pour ce qui concerne les nullités dites relatives.

En l’état actuel de la législation, dans le régime juridique des nullités, les nullités absolues sont comme on le rappel, composées des nullités textuelles et des nullités d’ordre public. Les nullités textuelles étant définies comme celles relatives aux irrégularités sanctionnées comme tel par le législateur.

Il appartient aussi au juge de trouver dans l’acte réputé irrégulier, des mentions supplétives contenues dans l’acte.

La jurisprudence française, sur ce point, a introduit "la théorie dite des équipollents", mais en droit ivoirien, le juge n’a aucune marge de manœuvre en ce qui concerne les nullités textuelles. On considère que le fait que le législateur ait édicté expressément une disposition à peine de nullité est suffisant pour caractériser ce type de nullité sans qu’il soit nécessaire de chercher d’autres solutions.

Si les nullités textuelles sont entendues dans ce strict minimum, elles pourraient être alors maîtrisés et pas très nombreuses dans le code.

Le juge a beaucoup plus de possibilité pour ce qui concerne la détermination des nullités d’ordre public qui dans une certaine mesure, dépendent de lui. Il lui suffira alors de réorienter sa jurisprudence dans un sens plus favorable à la restriction de ce phénomène. On n’a vite fait d’affirmer qu’en matière de procédure, les règles sont impératives, si on y entend un caractère absolu et automatique de la sanction desdites règles.

En réalité, il y a matière à examiner la question plus en profondeur. On distingue en générale, trois critères de détermination des règles d’ordre public :

-Le premier critère, indépendant reste avant tout l’ordre de la loi, comme c’est le cas des règles en matière de compétence d’attribution. La loi dispose expressément que la règle est d’ordre public de sorte que cette détermination reste incontournable par le juge qui est ainsi lié.

-Le second critère traditionnellement donné de l’ordre public, est caractéristique des règles relatives à l’organisation juridictionnelle. Elles sont toutes aisées à distinguer et sont généralement relatives à la disposition des organes, à leur composition, à leurs attributions et au personnel judiciaire.

-En définitive, c’est par rapport au troisième critère indépendant de l’ordre public, que se produit la fluctuation et qui justifie certaines décisions de justice du type : « l’ordre public est seulement un indice de prévalence et ne permet pas de discerner le critère trop simple tiré du caractère général ou privé de l’intérêt en jeu ».

Suivant en effet ce dernier critère, le juge doit s’interroger pour déterminer le caractère d’ordre public ou d’ordre privé d’une règle, sur la valeur qu’elle protège et finalement si cette valeur lui paraît fondamentale pour la procédure, cette règle se verra conférer le caractère d’ordre public.

Or, le problème est justement de savoir par quel critère précis le juge peut évaluer ce fondamentalisme.

Toutes les règles de procédure, on pourrait le répéter, sont pratiquement relatives, comme l’a rappelé Madame VEAUX. C’est en référant certains intérêts privés à d’autres qu’on fera la différence.

Si au-delà de l’intérêt immédiat d’une partie, la règle est supposée reposer sur un principe fondamental de la procédure, alors, elle sera déclarée d’ordre public. A ce titre, le principe du contradictoire, creusé des droits de la défense, est considéré comme fondamental au point que très souvent, il justifie les annulations systématiques.

Mais là aussi, c’est insuffisant au-delà du principe. Tout dépend du contenu plus ou moins précis que l’on accorde à ce principe, car à bien y regarder, pratiquement toutes les règles du code de procédure civile peuvent s’expliquer par ce principe.

Citons à titre d’exemple, l’exception de communication de pièces, qui sera regardé sous cet angle comme étant d’ordre public.

Dans la mesure où par ce moyen, la partie pour exercer ses droits à la défense, doit être au minimum en possession des éléments de l’accusation. Et pourtant, la jurisprudence affirme plus souvent le caractère relatif et d’ordre public de cette règle.

Comme second exemple, concernant le délai d’ajournement et partant de là, les délais de distance prévus pour permettre à un plaideur de préparer sa défense dans le temps, de sorte que ces règles devraient être sanctionnées par l’ordre public. Mais là encore, il en est rien de pratique.

Dans le domaine de l’article 209 du code de procédure civile ivoirien, plusieurs arrêts ont été rendus en faveur du caractère d’ordre public, notamment du caractère d’ordre public de la mention du représentant légal de la personne morale.

Les requêtes en cassation qui omettent les mentions prévues à l’article 209 et qui au surplus ne font pas l’objet d’un rattrapage dans le mémoire en cassation, sont ainsi que les exploits de pourvoi en cassation systématiquement refoulés. Le caractère impératif de ces dispositions semble permettre de justifier ces rejets systématiques.

Et pourtant, la jurisprudence, dans ce sens a écarté la rigueur de cette interprétation lorsque la requête en cassation n’a pas été faite par un avocat.

Quand une disposition est d’ordre public, ce genre de discrimination ne devrait pas exister, la règle s’imposant à tous, même au juge.

On observe qu’au premier degré de juridiction, la comparution volontaire étant admise comme mode de saisine, la règle ne peut jouer non plus dans la mesure, où malgré l’annulation de l’acte qui ne respecte pas la mention prescrite, la seule présence du représentant de la personne morale devait suffire à engager le procès.

Comment donc, cette règle pourrait-elle n’être d’ordre public en hauteur, c'est-à-dire pour les autres juridictions plus haut placées ?

Si on s’était interrogé un peu sur la finalité de cette mention, les choses auraient été relativisées. Il est fâcheux et artificiel de constater que le représentant de la personne morale lui-même plaide que le caractère absolu l’empêche de plaider.

Une autre manière de réduire l’assiette de l’ordre public serait de mettre à l’ordre du jour, le texte de l’article 9 alinéa 2 de l’ancienne loi sur les huissiers de justice. Selon l’alinéa 1er de ce texte, seules sont d’ordre public, les règles de compétence de l’huissier. Hors dans ce cadre, tous les exploits d’huissier sont d’une nullité facultative qu’il faut entendre nullité relative par rapport à l’ancienne jurisprudence de l’Afrique Occidentale Française que nous avons déjà cité.

Cette loi sur les huissiers constitue un texte spécial par rapport au droit commun du code de procédure civile. Et entend que tel, il est dérogatoire au droit commun, sans que l’on ait à rechercher le fait de son antériorité par rapport à celui du droit commun.

La nullité relative de ce texte, actualise totalement ledit texte, qui doit s’appliquer aux actes d’huissier pour contribuer à limiter les nullités sans grief.

Notons toutefois que, l’absence de signature de l’huissier de justice constitue un cas d’inexistence de l’acte. En outre, l’huissier de justice reste avant tout plus un auxiliaire de justice qu’un mandataire des parties qui n’ont pas à subir l’incurie de cet auxiliaire de justice.

2- La restriction à la mise en œuvre de la sanction

Sans doute, le juge en présence d’une cause qu’il reconnait comme étant incontestablement de nullité absolue est-il quelque peu lié par l’autonomie de la sanction ?

Mais il existe une lacune des textes qui peut être profitable de la restriction de l’automatisme concernant la nullité textuelle.

Une nullité textuelle peut être absolue sans être d’ordre public. Or l’article 125 du code de procédure civile, ne parle que de l’exception d’ordre public qui peut être soulevé à tout moment.

Au contraire, la nullité textuelle, même si parce qu’elle est absolue doit être soulevée par le juge, doit l’être in limine litis, c'est-à-dire avant toute défense au fond ou avant toute exception ou fin de non recevoir d’ordre public ou lié au fond.

Ajouté à la théorie jurisprudentielle des équipollents ou de la régularisation des actes concernant les nullités relatives, que la jurisprudence applique quelques fois, nous avons là, un faisceau d’éléments permettant de réorienter le régime des nullités. Mais en définitive, il appartient au législateur de mettre de l’ordre dans ce domaine.

3- L’effort souhaité du législateur

En tenant compte du but essentiel judiciaire en générale comme voie de réalisation de lois subjectives qui restent d’abord et qui doivent demeurer la finalité du recours au juge, en tenant compte du contexte social, peut préparer à un procédé de type savant, hérité, alors même que l’objectif premier poursuivi et déclaré par le législateur est la simplification en enregistrant cette réalité de la pratique jurisprudentielle dans le domaine de la nullité, pratique finalement assez vaseuse, qui laisse entrevoir même au plus haut niveau des juridictions tout et son contraire.

En capitalisant l’expérience française dans la domaine des nullités qui pour ce qui concerne le fond du problème, nullité à travers d’une part, la généralisation du grief et d’autre part, celle de la régularisation des actes annulables et qui quant à la forme adopte un régime enrichi qui constate les dissensions nécessaires en tenant compte ainsi du fait de tous les auteurs impliqués dans la confection des actes (juge, parties, expert, huissier de justice, etc.), il y a lieu de définir un système commun claire et précis pour enfin de compte, relativiser ce phénomène de la nullité et permettre d’aller au but.