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LE REGIME JURIDIQUE DE LA GARANTIE AUTONOME

A- Déclenchement

1- Conditions de validité

Les conditions sont à la fois de fond (1) et de forme (2).

a- Les conditions de fond

Ce sont celles du droit commun des contrats posées par l’art. 1108 c. civ. : Consentement, capacité, objet et cause.

· Consentement : Voir définition de la garantie autonome fournie (art. 39 AUS ; comparer avec art. 28 AUS).

Question : alors la garantie autonome est-elle une convention ou un engagement unilatéral ?

La garantie autonome est un contrat conclu entre le bénéficiaire et la banque garante et fait naître, à la charge de celle-ci, l’obligation de payer une certaine somme d’argent au créancier bénéficiaire. La convention entre le donneur d’ordre et le garant pouvant être appréhendé comme une ouverture de crédit.

*Existence du consentement :

-En premier lieu, il faut qu’il existe un consentement, ce qui suppose une offre acceptée. En l’occurrence, l’offre est faite par le garant et l’acceptation émane du bénéficiaire.

-Le consentement des parties doit être expressément donné (cf. art. 41 al. 1 AUS « Les garantie et contre-garantie autonomes ne se présument pas. Elles doivent être constatées par un écrit mentionnant, à peine de nullité »). On en déduit donc que la garantie autonome ne peut résulter d’un engagement tacite.

-La contre-garantie autonome est également un contrat conclu entre le garant et le contre-garant par lequel ce dernier s’engage à payer une somme déterminée au garant. Ce contrat nécessite donc un consentement exprès du garant et du contre-garant, (cf. art. 41 al. 1 AUS).

-Exigence spécifique : L’acte uniforme exclut les personnes physiques parmi celles qui souscrivent la garantie ou la contre-garantie autonomes (art. 40 al. 1er AUS « Les garantie et contre-garantie autonomes ne peuvent être souscrites par les personnes physiques sous peine de nullité. »). Sont considérées comme « souscrivant » la garantie ou la contre-garantie, les personnes qui ont la qualité de « débitrices » dans ce contrat. Donc, ne peuvent être des personnes physiques : le donneur d’ordre, le garant et le contre-garant. Par contre, le créancier bénéficiaire peut être une personne physique.

*Consentement exempt de vices : en second lieu, le consentement doit être exempt de vices (erreur, dol, violence). Il est difficile d’imaginer une violence exercée sur le garant en raison de l’absence d’une véritable contrainte exercée sur le garant. Quant à l’erreur, elle peut être invoquée quant à la nature de l’engagement souscrit (on peut penser à l’hypothèse de l’engagement d’une personne qui, pensant souscrire un cautionnement, se voit impliquer dans une véritable garantie autonome). En revanche, l’erreur sur la solvabilité du donneur d’ordre ou du garant de premier rang ne peut être invoquée en raison de l’indépendance de l’engagement du garant ou du contre-garant. La cause la plus plausible d’annulation de la garantie est donc le dol, à condition qu’il émane du cocontractant, c’est-à-dire du bénéficiaire. Cependant, la jurisprudence est contradictoire dans la mesure où a été admis le dol émanant du bénéficiaire (Com. 18 déc. 1990, D. 1991, Som. 193, obs. M. Vasseur). Par ailleurs, ont été annulées des garanties autonomes au motif d’un manquement du donneur d’ordre à son obligation de contracter de bonne foi (Com. 3 mai 2000).

· Capacité :

*La garantie autonome est un engagement de payer une somme d’argent ; on exige donc que le garant soit en mesure d’engager son patrimoine.

*Pouvoir : le garant ne peut invoquer le défaut de pouvoir du représentant de la personne morale donneur d’ordre pour faire annuler la garantie autonome.

*Les engagements pris au nom d’une société : les distinctions opérées en ce qui concerne le cautionnement s’appliquent mutatis mutandis. Toutefois, analyser plus calmement la question des conventions interdites (explication du terme « avaliser ». On peut penser que ce terme s’applique, largement, aux garanties autonomes dans la mesure où il s’agit d’une sûreté personnelle tout aussi dangereuse qu’un cautionnement voire plus dangereuse en raison de son caractère autonome).

*Le mandat de se porter garant : il faut un mandat spécial conformément aux dispositions des art. 1988 et s. du code civil.

· Objet :

*Par la garantie, le garant ou le contre-garant s’engage à payer une « somme déterminée au bénéficiaire » ou « garant » soit sur première demande soit selon des modalités convenues. (Cf. art. 39 AUS). Ainsi, alors que dans le contrat de cautionnement, l’objet du contrat n’est autre que la dette du débiteur principal, l’objet de la garantie autonome est le versement d’une somme d’argent indépendante du contrat de base. Même s’il est évident que le garant ne souhaitera jamais garantir une dette du donneur d’ordre inexistante ou simplement éventuelle, il n’en reste pas moins que son engagement se distingue de l’objet de l’obligation de ce dernier.

*L’objet de l’obligation du garant doit être déterminé (art. 39 AUS) ou déterminable dans la mesure où la pratique des garanties glissantes est admise (art. 44 al. 2 AUS « Les garantie et contre-garantie autonomes peuvent stipuler que le montant de l’engagement sera réduit d'un montant déterminé ou déterminable à des dates précisées ou contre présentation au garant ou au contre-garant de documents indiqués à cette fin dans l'engagement »).

*De plus, l’objet doit être licite et moral. Ici, on peut appliquer pareillement les solutions retenues en matière de cautionnement.

Etendue de l’objet de l’obligation du garant ou du contre-garant : cf. art. 44 AUS.

· Cause :

Le garant s’engage au regard de l’opération commerciale garantie, c'est-à-dire par rapport au contrat de base. Cette seconde conception a été consacrée par la cour de cassation pour qui : « l’engagement d’un garant à première demande est causé, dès lors que le donneur d’ordre a un intérêt économique à la conclusion du contrat de base… » (Cass. Com. 19 avril 2005, JCP 2005.II.10075, note S. Piédelièvre) et retenue par l’acte uniforme (l’art. 41 AUS cite, parmi les éléments devant figurer dans le contrat : « la convention de base, l’acte ou le fait, en considération desquels la garantie ou la contre-garantie autonome est émise »).

La cause subjective, instrument de défense de l’ordre public et des bonnes mœurs n’est pas absente du régime de la garantie autonome. Ainsi, un contrat de garantie destiné à permettre l’organisation d’un circuit de contrebande ou l’établissement d’une entreprise de contrefaçon pourrait être annulé pour cause immorale ou illicite.

b- Les conditions de forme

Il faut déterminer les règles de forme stricto sensu et les règles de preuve.

-Règles de forme : dans l’AUS, la garantie et contre-garantie autonome a un caractère solennel. En effet, cet acte doit être passé par écrit et contenir un certain nombre de mentions à peine de nullité (cf. art. 41 AUS). L’écrit est donc voulu comme une condition de validité du contrat de garantie autonome à la différence du contrat de cautionnement. La garantie autonome ne peut donc être un contrat verbal.

-Règle de preuve : La garantie ne peut être prouvée que par l’écrit, ce dernier étant voulu ad validitatem. Les difficultés de preuve sont ainsi évitées.

-Utilité des mentions : l’indication des noms du garant, du bénéficiaire et du donneur d’ordre permet de distinguer les différentes parties au mécanisme de la garantie autonome et de les identifier ; la date d’expiration ou le fait entraînant l’expiration de la garantie est utile pour contourner la tentation du bénéficiaire de donner un caractère permanent à la garantie ; enfin, l’indication de la mention relative à l’impossibilité, pour le garant ou le contre-garant, de bénéficier des exceptions de la caution, permet de renforcer la rigueur de la garantie autonome et de la distinguer du cautionnement.

La garantie et la contre-garantie autonomes n’ont pas besoin d’une publicité particulière et « prennent effet à la date où elles sont émises sauf stipulation d’une prise d’effet à une date ultérieure » (art. 43 al. 1 AUS).

2- Effets de la garantie

- L’autonomie de la garantie ou de la contre-garantie autonome

Prévue par l’art. 40 al. 2 AUS «Elles créent des engagements autonomes, distincts des conventions, actes et faits susceptibles d'en constituer la base.»

- L’inopposabilité des exceptions :

Prévue dans l’art. 41 AUS. Elle est une conséquence de l’autonomie de la garantie.

- L’incessibilité du droit à garantie :

Cf. art. 42 AUS. : Sauf clause ou convention contraire expresse, le droit à garantie du bénéficiaire n'est pas cessible. Toutefois, l'incessibilité du droit à garantie n'affecte pas le droit du bénéficiaire de céder tout montant auquel il aurait droit à la suite de la présentation d’une demande conforme au titre de la garantie.

- L’irrévocabilité de la garantie

Aux termes de l’art. 43 AUS, al. 2 et 3,« Les instructions du donneur d’ordre, la garantie et la contre-garantie autonomes sont irrévocables dans le cadre d’une garantie ou d’une contre-garantie autonome à durée déterminée.

Les garanties ou contre-garanties autonomes à durée indéterminée peuvent être révoquées par le garant ou le contre-garant respectivement ».

3- L’appel en garantie

L’appel en garantie a lieu lorsque le bénéficiaire de la garantie autonome demande au garant de lui verser la somme convenue. Il est encadré par les articles 45 et 46 AUS. Il ressort de ces dispositions que l’appel en garantie doit être justifié (1) et que le garant est tenu de l’examen de la demande en paiement (2).

a- Appel justifié

-L’appel à la garantie doit « résulter d’un écrit du bénéficiaire accompagné de tout autre document prévu dans la garantie » (art. 45 al. 1er AUS).

-En sus, le bénéficiaire doit justifier des motifs de son appel en indiquant « le manquement reproché au donneur d’ordre dans l’exécution de l’obligation en considération de laquelle la garantie a été souscrite » (art. 45 al. 1 AUS).

-Quant à l’appel à la contre-garantie, il doit aussi « résulter d’un écrit du garant mentionnant que le garant a reçu une demande de paiement émanant du bénéficiaire et conforme aux stipulations de la garantie » (art. 45 al. 2 AUS).

En tout état de cause, « toute demande de paiement doit être conforme aux termes de la garantie ou de la contre-garantie autonome au titre de laquelle elle est effectuée et doit, sauf clause contraire, être présentée au lieu d’émission de la garantie autonome ou, en cas de contre-garantie, au lieu d’émission de la contre-garantie autonome » (art. 45 al. 3 AUS).

b- Examen de la demande en paiement

Le garant ou le contre-garant doit exécuter deux types d’obligations : celle d’apprécier la conformité de la demande et celle d’informer le donneur d’ordre.

- L’obligation d’apprécier la conformité de la demande en paiement : le garant, dans la garantie autonome et le contre-garant dans la contre-garantie autonome, doivent procéder à l’examen de « la conformité de la demande en paiement aux termes de la garantie ou de la contre-garantie autonome » (art. 46 al.1 AUS). Il ne s’agit pas de mettre à la charge du garant une obligation de vérification de l’exécution du contrat de base, le garant étant simplement tenu de s’enquérir de la conformité des documents au contrat de garantie. Son appréciation est donc limitée à la matérialité des documents et ne peut pas porter sur la véracité ou le contenu des documents.

-Délai : Cette obligation à la charge du garant ou du contre-garant doit être accomplie dans le délai de « cinq jours ouvrés » à partir de la réception de la demande.

- L’obligation d’informer le donneur d’ordre : après examen de la demande, le garant doit informer le donneur d’ordre de l’appel en garantie. Aux termes de l’al. 2 art. 45 AUS, « le garant doit transmettre une copie de la demande du bénéficiaire et tous documents accompagnant celle-ci au donneur d’ordre ou, en cas de contre-garantie, au contre-garant, à charge pour ce dernier de les transmettre au donneur d’ordre ». De même, « le garant doit aviser le donneur d’ordre ou, en cas de contre-garantie, le contre-garant, qui en avisera le donneur d’ordre, de toute réduction du montant de la garantie et de tout acte ou événement mettant fin à celle-ci autre qu’une date de fin de validité » (art. 46 al. 3 AUS).

L’obligation d’information a pour but de permettre au donneur d’ordre de s’entourer de toutes les garanties possibles et aussi, de préparer éventuellement ses recours. Il semble que cette obligation d’information est contenue dans le même délai de « cinq jours ouvrés » prévu par l’al. 1 de l’art. 46 AUS.

Article 46

Le garant et le contre-garant disposent chacun de cinq jours ouvrés pour examiner la conformité de la demande en paiement aux termes de la garantie ou de la contre-garantie autonome. Ils ne peuvent rejeter la demande qu'à la condition de notifier au bénéficiaire ou, en cas de contre-garantie, au garant, au plus tard à l’expiration de ce délai, l’ensemble des irrégularités qui motivent ce rejet.

Le garant doit transmettre une copie de la demande du bénéficiaire et tous documents accompagnant celle-ci au donneur d’ordre ou, en cas de contre-garantie, au contre-garant, à charge pour ce dernier de les transmettre au donneur d’ordre.

Le garant doit aviser le donneur d’ordre ou, en cas de contre-garantie, le contre-garant, qui en avisera le donneur d’ordre, de toute réduction du montant de la garantie et de tout acte ou événement mettant fin à celle-ci autre qu’une date de fin de validité.

B- Développement

Le développement de la garantie nécessite de s’intéresser au paiement du garant (A) et aux recours après paiement (B).

1- Paiement du garant

Il est utile d’envisager, non seulement l’obligation de payer (1) mais aussi la possibilité d’un refus de payer (2).

a- L’obligation de payer

Elle est une conséquence du principe d’inopposabilité des exceptions.

*L’inopposabilité des exceptions : selon l’al. 2 de l’art. 40 AUS, la garantie et la contre-garantie autonomes « créent des engagements autonomes, distincts des conventions, actes et faits susceptibles d’en constituer la base ». Par conséquent, le contrat doit contenir la mention explicite de « l’impossibilité, pour le garant ou le contre-garant, de bénéficier des exceptions de la caution » (art. 41 AUS). Cette affirmation du principe d’inopposabilité des exceptions est l’élément primordial du régime de la garantie autonome : le garant ne peut opposer aucune exception liée à l’obligation garantie, c'est-à-dire au contrat de base, pour refuser de payer.

-Relation donneur d’ordre/bénéficiaire : Le garant ne peut opposer d’exceptions tirées du contrat de base pour refuser de payer. Qu’il s’agisse de l’exécution ou de l’inexécution de celui-ci, l’indépendance de l’engagement du garant lui interdit de s’en prévaloir. Ainsi jugé que le garant ne pouvait invoquer ni l’exécution (Com. 21 mai 1985, Bull. civ. IV, n° 160) du contrat garanti, ni le fait que son inexécution serait due à un cas de force majeure ou à une faute du créancier bénéficiaire de la garantie (Com. 17 oct. 1984, Bull.civ, IV, n° 265). De même, le garant ne saurait arguer de l’extinction de la dette garantie, que ce soit par compensation, confusion, novation (Paris, 7 nov. 1983, D. 1984, IR. 205), par défaut de déclaration de créance dans la procédure collective du débiteur (Com. 30 janv. 2001, Bull. civ. IV, n° 25), ni de la nullité du contrat de base (Com. 20 déc. 1982, Jur. 365, note M. Vasseur) ou encore de sa résiliation ou résolution (Paris, 13 févr. 1987, D. 1987, Som. 172, obs. M. Vasseur).

-Relation garant/donneur d’ordre : Par l’effet relatif des contrats, la règle de l’inopposabilité des exceptions trouve à s’appliquer également à la relation garant/donneur d’ordre. Il s’ensuit que le garant ne peut opposer au bénéficiaire des exceptions tirées de cette relation.

*Paiement libératoire : Toutefois, pour être libératoire, le paiement doit être fait « conformément aux termes de la garantie ou de la contre-garantie autonome » (art. 48 AUS). Ainsi jugé qu’effectuait un mauvais paiement qui l’obligeait à remboursement et à dommages-intérêts, le garant qui, dès réception de la demande en paiement du bénéficiaire, remettait les fonds à celui-ci sans transmettre la demande au donneur d’ordre (Cour d’appel d’Abidjan, arrêt n° 184 du 21 févr. 2003, SIB c/ Société Coreca, www.ohada.com, Ohadata J-05-126).

b- Le refus de payer

Il peut prendre deux formes : soit le rejet de la demande de paiement par le garant ou le contre-garant, soit la défense de payer adressée par le donneur d’ordre au garant ou au contre-garant.

-Le rejet de la demande en paiement par le garant ou le contre-garant : lorsque, après examen, le garant ou le contre-garant constate le défaut de conformité de la demande avec les stipulations de la garantie ou de la contre-garantie, ils peuvent rejeter la demande en paiement « à condition de notifier au bénéficiaire, ou en cas de contre-garantie, au garant, au plus tard à l’expiration de ce délai, l’ensemble des irrégularités qui motivent ce rejet » (art. 46 al. 1 AUS). Ce rejet correspond à un refus de payer la somme garantie, du moins tant que les irrégularités qui motivent le rejet n’auront pas été corrigées.

-La défense de payer adressée par le donneur d’ordre au garant et par le contre-garant au garant : aux termes de l’art. 47 al. 1 AUS : « le donneur d’ordre ne peut faire défense de payer au garant que si la demande de paiement du bénéficiaire est manifestement abusive ou frauduleuse. Le contre-garant dispose à l’encontre du garant de la même faculté dans les mêmes conditions ».

Cette défense de payer est restrictivement encadrée par l’AUS. Ainsi, elle n’est possible qu’en cas de « demande manifestement abusive ou frauduleuse » de la demande en paiement du bénéficiaire. Il peut être utile de saisir les notions d’abus ou de fraude manifestes.

+L’abus de droit : Planiol écrivait déjà « là où il y a abus de droit, il n’y a plus de droit ». Classiquement, l’abus de droit est un détournement du droit de sa finalité supposant l’existence d’un droit dont le titulaire en fait un usage anormal, créant à autrui un préjudice. Dans le cas de la garantie autonome, le droit en cause est le contrat de base, l’abus résultant d’un appel en garantie alors que le donneur d’ordre ne doit plus rien au bénéficiaire, le risque garanti n’existant plus.

+La fraude : « la fraude corrompt tout » ; elle suppose l’utilisation ou le détournement d’une règle de droit pour acquérir un droit dont on est normalement privé. La fraude suppose, par conséquent, des manœuvres de la part du bénéficiaire.

Ainsi, traditionnellement, la fraude se caractérise par l’intention de nuire alors que l’abus de droit suppose simplement la conscience de causer un préjudice à autrui.

On exige que la fraude et l’abus soient manifestes, c’est-à-dire qu’ils doivent être « irréfutables ». On a parlé de fraude « qui crève les yeux ».

$Hypothèses de fraude : la fraude est reconnue lorsque l’appel a des motifs autres que ceux qui doivent présider à la mise en jeu de la garantie. Ainsi, en est il de l’appel fait par le bénéficiaire pour obtenir une réfaction du prix alors que les marchandises ont été déjà livrées (CA Paris, 18 nov. 1986, SA BFCE c/ SA Thirode, D. 1998). Il y a encore fraude à appeler une garantie après en avoir cédé le bénéfice mais avant d’avoir signifié cette cessionqui était interdite par la garantie (Cass. Com. 6 nov. 1990, Bull. civ. IV, n° 258, D. 1991, jur. P. 109).

$Hypothèses d’abus : il y a appel manifestement abusif lorsque la garantie est appelée au titre d’un contrat de base qui n’est pas celui pour lequel elle avait été consentie (Cass. Com. 18 avril 2000) ; il y a également appel manifestement abusif lorsque l’appelant avait auparavant renoncé à la garantie (Tb commerce de Paris, 14 déc. 1990, SA Francap Technique c/ Bank of credit and commerce international et autres, D. 1991, somm. P. 201, obs. Vasseur). Dans toutes les hypothèses d’abus, les juges se contentent de constater que l’appelant savait qu’il n’avait aucun droit à la garantie.

Cependant, généralement, dans la jurisprudence, fraude et abus sont assimilés. L’emploi de la préposition « ou » par l’art. 47 al. 1 AUS manifeste cette option.

- La défense de payer adressée par le donneur d’ordre au contre-garant :

Cette défense ne peut prospérer que « si le garant savait ou aurait dû savoir que la demande de paiement du bénéficiaire avait un caractère manifestement abusif ou frauduleux » (art. 47 al. 2 AUS).

2- Recours après paiement

Il y a lieu de distinguer les recours du garant ou du contre-garant (1) de ceux du donneur d’ordre et du bénéficiaire (2).

a- Les recours du garant ou du contre-garant

*Les recours contre le donneur d’ordre : Aux termes de l’art. 48 AUS : « le garant ou le contre-garant qui a fait un paiement conformément aux termes de la garantie ou de la contre-garantie autonome dispose des mêmes recours que la caution contre le donneur d’ordre ».

L’assimilation faite par ce texte avec les recours de la caution indique que le garant ou le contre-garant dispose à la fois, d’un recours personnel et d’un recours subrogatoire. Toutefois, l’exercice de ces recours est soumis au respect de certaines conditions.

-Conditions : Le garant ou le contre-garant doit avoir fait un paiement conforme « aux termes de la garantie ou de la contre-garantie autonome ». Sur ces termes, v. les art. 39 AUS (soit sur première demande de la part du bénéficiaire, soit selon des modalités convenues) et 45 AUS (cette disposition précise les modalités de l’appel en garantie ou en contre-garantie).

-Le recours personnel : Le garant ou le contre-garant dispose d’un recours personnel contre le donneur d’ordre. En effet, c’est sur l’ordre du donneur d’ordre que le garant ou le contre-garant s’est engagé à payer une somme déterminée au bénéficiaire ou au garant en cas de réalisation d’un risque précisé dans le contrat les unissant. Il est alors admis, qu’au titre de cette relation contractuelle, le garant (ou le contre-garant) peut se retourner contre son donneur d’ordre en vue de demander le remboursement des sommes payées au bénéficiaire en principal, intérêts et frais.

-Le garant (ou le contre-garant) dispose ensuite d’un recours subrogatoire contre son donneur d’ordre. En effet, bien que les conditions de l’art. 1251.3e du c.civ. ne soient pas réunies, garant et donneur d’ordre n’étant pas tenus à la même dette, la jurisprudence admet classiquement que « celui qui s’acquitte d’une dette qui lui est personnelle peut néanmoins prétendre bénéficier de la subrogation s’il a, par son paiement, libéré envers leur créancier commun ceux sur qui doit peser la charge définitive de la dette » (Civ. 1ère, 23 févr. 1988, Bull. Civ. I, n° 50).

*Le recours contre le bénéficiaire : Outre le recours contre le donneur d’ordre, il est admis que le garant peut agir selon le droit commun contre le bénéficiaire qui lui a causé un préjudice par sa faute dans l’exécution du contrat qui les lie. Il s’agit d’une action en restitution ou indemnisation des sommes versées au titre d’une mise en jeu injustifiée de la garantie ou de la contre-garantie. Ainsi, il est admis que le garant qui paie sa propre dette peut exercer, par l’action oblique, le recours que le donneur d’ordre négligerait d’exercer. De même, en cas de fraude ou d’abus manifestes, le garant peut, sur le fondement de l’inexécution du contrat de base, demander la restitution de ce qu’il a dû verser en exécution de son engagement autonome (Cass. com. 4 juil. 2006, n° 04-19.577, Bull. civ. IV, n° 164).

b- Les recours du donneur d’ordre ou du bénéficiaire

Quoique ces recours ne soient pas expressément prévus par l’acte uniforme, ils sont généralement reconnus.

*Les recours du donneur d’ordre : Le donneur d’ordre dispose de recours contre le bénéficiaire et, éventuellement, contre le garant ou le contre-garant.

-Dans la première hypothèse, le donneur d’ordre a un recours contre le bénéficiaire dès lors que ce dernier aura reçu un paiement indu, le risque couvert n’étant pas réalisé. Le fondement de ce recours réside dans le contrat de base, mais le donneur d’ordre aura la charge de la preuve de l’imputabilité de son inexécution, sans avoir à rapporter celle d’un abus ou d’une fraude. En effet, il a été jugé que « le donneur d’ordre d’une garantie à première demande est recevable à demander la restitution de son montant au bénéficiaire, à charge pour lui d’établir que celui-ci en a reçu indûment le paiement, par la preuve de l’exécution de ses obligations contractuelles, ou par celle de l’imputabilité de l’inexécution du contrat à la faute du cocontractant bénéficiaire de la garantie, ou par la nullité du contrat de base, et ce sans avoir à justifier d’une fraude ou d’un abus manifeste, comme en cas d’opposition préventive à l’exécution de la garantie par le garant » (Cass. com. 7 juin 1994, Bull. civ. IV, n° 202).

-Le donneur d’ordre dispose également de recours contre le garant ou le contre-garant qui paie en dépit d’une défense formelle qu’il leur a faite. Il s’agit d’une action en responsabilité afin de se faire indemniser de son préjudice. Le garant ou le contre-garant qui aura payé l’a alors fait à ses risques et périls et s’expose conséquemment à indemniser le donneur d’ordre (cour d’appel d’Abidjan, arrêt n° 184 du 21 févr. 2003, SIB c/ Société Coreca, www.ohada.com, Ohadata J-05-126).

*Les recours du bénéficiaire :

-En vertu du contrat de garantie, le bénéficiaire dispose d’un recours en responsabilité contre le garant en cas de refus d’exécution de la garantie nonobstant la présentation d’une demande et de documents conformes aux stipulations de la garantie.

-De même, le bénéficiaire dispose d’un recours contre le garant en cas de retard dans l’exécution de la garantie, le retard étant nuisible à la rigueur de la lettre de garantie.