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1ère espèce : CCJA, arrêt n°011/2002, 28 mars 2002 Société M. c/ DDCI... 2ème espèce : CCJA, arrêt..

1ère espèce : CCJA, arrêt n°011/2002, 28 mars 2002 Société M. c/ DDCI

2ème espèce : CCJA, arrêt n°012/2004, 18 mars 2004 BCN c/ H.


1. CCJA, arrêt n° 011/2002, 28 mars 2002, Société M. c/ DDCI (…) Sur le premier moyen, pris en sa première branche Vu l’article 246 alinéa 1-2° du code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative ; Vu l’article 25 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique ; Attendu que le pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir fait une mauvaise application de l’alinéa 1-2° de l’article 246 du code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative et de l’article 25 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, en ce que la cour d’appel a retenu « que l’absence de l’indication du domicile du représentant légal de la société D. et D. de Côte d’Ivoire et de l’imprécision du siège social de ladite société est suffisamment suppléée par l’élection de domicile faite par la société DDCI en l’étude de son conseil, de sorte que le moyen tiré de la violation des dispositions des articles 246 alinéas 2 et 25 du Traité OHADA (sic) relatif aux recouvrements de créance, n’apparaît pas fondé et doit être comme tel » (sic), alors que dans l’acte du représentant légal de la société, ledit acte mentionnant simplement que le siège social est à Abidjan Vridi, zone industrielle, 01 BP 3552 Abidjan 01 ; que ladite société agit aux poursuites et diligences de son représentant légal, Monsieur A., président directeur général, de nationalité française, demeurant en cette qualité au siège de ladite société ; et que selon le requérant, « il est de doctrine et de jurisprudence moderne que le domicile d’un représentant légal, tel dans le cas d’espèce, doit être différent de celui du siège de la société » ; Mais attendu qu’aux termes de l’alinéa 1-2° de l’article 246 du code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative susvisé, « les exploits dressés par les huissiers de justice contiennent notamment : - le nom du requérant, ses prénoms, profession, nationalité et domicile réel ou élu, et le cas échéant, les nom, prénoms, profession et domicile de son représentant légal ou statutaire ; si le requérant est une personne physique, la date et le lieu de sa naissance » ; qu’aux termes de l’article 25 de l’Acte uniforme susvisé, « le siège social ne peut pas être constitué uniquement par une domiciliation à une boîte postale. Il doit être localisé par une adresse ou une indication géographique suffisamment précise » ; Attendu qu’il ne résulte d’aucune des dispositions citées ci-dessus que l’indication du domicile du représentant d’une société et les précisions relatives à son siège social dans les exploits dressés par les huissiers de justice soient des mentions prescrites à peine de nullité ; que l’absence de ces mentions ne peut, dès lors, être sanctionnée par la nullité qu’à la condition que le requérant rapporte la preuve que ladite absence lui ait causé un quelconque préjudice ; que la requérante n’ayant pas rapporté la preuve de l’existence d’un quelconque préjudice subi par elle, il y a lieu de déclarer le moyen tiré de la violation des articles 246 alinéa 1 et 2° et 25 sus-indiqués, non fondé et de le rejeter ; (…) Sur le second moyen Vu l’article 11 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; Attendu que le pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir « péché par la violation des formes légales prescrites à peine de nullité ou de déchéance » par l’article 11 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, en décidant « que la notification au greffe faite dans l’original de l’exploit d’opposition, comme en l’espèce, est en conformité avec le texte précité, de sorte que le moyen manquant de pertinence sera rejeté également » ; Mais attendu qu’aux termes de l’article 11 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, « l’opposant est tenu, à peine de déchéance et dans le même acte que celui de l’opposition : - de signifier son recours à toutes les parties et au greffe de la juridiction ayant rendu la décision d’injonction de payer ; - de servir assignation à comparaître devant la juridiction compétente à une date fixe qui ne saurait excéder le délai de trente jours à compter de l’opposition » ; que ledit article n’impose donc pas que les notifications faites aux parties figurent obligatoirement sur la copie de l’exploit délaissée au greffe de la juridiction ayant rendu la décision d’injonction de payer et vice-versa, la seule obligation à la charge de l’opposant étant de signifier son recours et de servir assignation dans le même acte ; que par conséquent, en décidant que l’exploit de notification délaissé à la société, M. est en conformité avec l’article 11 susmentionné, la cour d’appel n’a en rien violé ledit article ; qu’il s’ensuit que le pourvoi doit également être rejeté sur ce point ...


2. CCJA, arrêt n°012/2004, 18 mars 2004, affaire BCN c/ H. (…) Sur le moyen unique Vu l'article 100 de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution ; Attendu qu'il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir violé l'article 100.5) et .11) de l'Acte uniforme susvisé en ce que ces dispositions prescrivant respectivement que l'acte de saisie vente doit contenir à peine de nullité «si le débiteur est présent, la déclaration de celui-ci au sujet d'une éventuelle saisie antérieure des mêmes biens» et «la reproduction des articles 143 à 146 ci- après» ; en l'espèce, l'acte de saisie-vente délaissé ne contient ni la déclaration du débiteur au sujet d'une éventuelle saisie antérieure, encore moins la reproduction des articles 143 à 146 ; que le juge, dans ses motivations, a lui- même constaté que les formalités ci-dessus spécifiées n'ont pas été accomplies ; qu'au lieu d'en tirer les conséquences, c'est-à-dire prononcer la nullité de l'acte de saisie, le juge s'est plutôt « évertué » à justifier les omissions des mentions de l'article 100.5) et .11) qu'il a précédemment reconnues, ce qui ne lui était pas demandé ; que par ailleurs, la nullité prescrite par ledit article est une nullité de «plein droit» pour laquelle il n'est pas nécessaire d'apporter la preuve d'un grief ; que le juge doit, dès lors qu'il constate l'absence de l'une des mentions prescrites, prononcer la nullité de l'acte ; qu'en ne le faisant pas, les juges de la cour d'appel ont violé l'article 100.5) et .11) et l'arrêt attaqué mérite de ce fait d'être censuré ; Attendu que l'article 100 de l'Acte uniforme dispose : « l'huissier ou l'agent d'exécution dresse un inventaire des biens. L'acte de saisie contient, à peine de nullité (...) 5) Si le débiteur est présent, la déclaration de celui-ci au sujet d'une éventuelle saisie antérieure des mêmes biens ; (...) 11) la reproduction des articles 143 à 146 ci-après.» ; Attendu en effet que l'examen du «procès-verbal de saisie-vente» en date du 25 janvier 2002 établi par l'huissier instrumentaire à la requête de Monsieur H., défendeur au pourvoi, révèle que ledit acte ne mentionne ni la déclaration de la BCN au sujet d'une éventuelle saisie antérieure des mêmes biens ni ne contient la reproduction des articles 143 à 146 de l'Acte uniforme susvisé; que ces mentions étant, selon les termes mêmes de l'article 100.5) et .11) sus énoncé, prescrites à peine de nullité, leur absence ou omission dans ledit acte rend celui-ci nul sans qu'il soit besoin, pour prononcer cette nullité, de rechercher la preuve d'un quelconque grief ou préjudice ; Attendu que pour débouter la BCN de ses demandes de nullité de l'acte de saisie-vente et de mainlevée de ladite saisie, la cour d'appel, après avoir relevé «qu'effectivement il ne résulte pas du procès-verbal de saisie que la mention prévue à l'article [100.5) et 11)] ait été portée et que s'agissant de la reproduction des articles 143 à 146, le procès-verbal mentionne qu'une photocopie des dispositions de ces articles est jointe sans jamais l'annexer; », et par suite, «qu'il y a lieu de constater que les formalités prévues à l'article [100.5 et .11)] ne sont pas remplies », a cependant soutenu, d'une part, que les omissions des mentions de l'article [100.5) et .11)] constituent ... des erreurs de rédaction de l'acte de saisie», qu' ' « il n' y a eu qu'oubli à annexer la photocopie des articles 143 et 146 d'autant plus que l'acte de saisie mentionne que la photocopie en sera jointe ;», et d'autre part, «qu'en tout état de cause, la BCN n'apporte pas la preuve de l'existence d'une saisie antérieure, ni celle de la non présentation de sa demande en nullité, avant la vente, situations qui peuvent lui porter préjudice... » ; Attendu qu'en statuant ainsi alors, d'une part, qu'elle devait non pas justifier les omissions qu'elle a constatées dans l'acte de saisie-vente, mais plutôt sanctionner celles-ci en prononçant la nullité dudit acte et alors, d'autre part, que contrairement à ses énonciations, l'article 100 de l'Acte uniforme susvisé n'a assorti la nullité qu'il a prévue d'aucune exigence de preuve d'un grief ou préjudice, la cour d'appel a violé ledit article ; qu'il échet en conséquence de casser l'arrêt attaqué et d'évoquer ; Sur l'évocation Vu les articles 136 et 144 de l'Acte uniforme susvisé ; Attendu que par exploit en date du 20 mars 2002 la BCN a relevé appel de l'ordonnance de référé n° 63 rendue le 19 mars 2002 par le président du tribunal régional de Niamey; que le dispositif de cette ordonnance est le suivant : «Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en premier ressort, - reçoit BCN en sa requête ; - la déboute au fond ; - la condamne aux dépens.» Attendu qu'au soutien de son appel, la BCN soulève la violation de l'article 100.5) et .11) de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution en ce que l'acte de saisie-vente établi à son préjudice à la requête de Monsieur H. -ne contient respectivement ni «la déclaration du débiteur, s'il est présent, au sujet d'une éventuelle saisie antérieure des mêmes biens» ni « la reproduction des articles 143 à 146» ; que ces mentions devant être intégralement reproduites dans ledit acte, à peine de nullité, dès lors leur absence doit entraîner la nullité de l'acte de saisie ainsi que celle de la saisie-vente dont elle demande également la mainlevée ; Attendu que pour sa part, Monsieur H., intimé, conclut à la confirmation de l'ordonnance entreprise motif pris de ce que les nullités invoquées par l'appelante n'ont aucune incidence sur la validité des saisies pratiquées en vertu d'un titre exécutoire ; Attendu que pour les mêmes motifs que ceux ci-dessus développés lors de l'examen du moyen unique de cassation, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance entreprise ; que l'acte de saisie en date du 25 janvier 2002 étant nul, la saisie-vente pratiquée par Monsieur H. est également nulle et il y a lieu dès lors d'en ordonner la mainlevée… OBSERVATIONS En cas d’irrégularité des actes de procédure, la sanction à laquelle l’on pense en premier lieu est la nullité. Encore faudrait-il déterminer les hypothèses dans lesquelles cette nullité peut être prononcée. Le régime des nullités tel que prévu dans le droit OHADA envisage tantôt que la nullité soit prononcée de plein droit, tantôt qu’elle soit subordonnée à l’existence d’un préjudice. Les deux arrêts de la Cour commune de justice et d’arbitrage ci-dessus cités illustrent clairement cette dualité de régime. Dans le premier arrêt, la société M. se pourvoit en cassation contre l’arrêt de la Cour d’Appel d’Abidjan (CA Abidjan, 3ème Chambre civile et commerciale, arrêt n° 101 du 19 janvier 2001) qui a rétracté l’ordonnance d’injonction de payer condamnant la société D. à lui payer une somme d’argent. En effet, elle reproche à la cour d’appel de n’avoir pas annulé l’exploit d’huissier qui ne contenait ni l’indication du domicile du représentant légal de la société D., ni les précisions relatives à son siège social. Selon la requérante, la décision de la cour d’appel viole l’article 246 alinéa 1-2 du code ivoirien de procédure civile et l’article 25 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique. Dans le deuxième arrêt, M. H. procède à la saisie des biens meubles appartenant à la Société Banque Commerciale du Niger (BCN) en exécution de décisions de justice faisant naître à son profit des créances contre cette dernière. La BCN porte l’affaire devant le président du tribunal régional de Niamey statuant en matière de référé afin que ladite saisie soit annulée et la mainlevée ordonnée. Débouté de ses prétentions par l’Ordonnance n° 063 du 19 mars 2002, elle interjette appel devant la cour d’appel de Niamey sans plus de succès (arrêt n°52 du 10 avril 2002). Sans démordre, la BCN se pourvoit en cassation devant la CCJA au motif que l’arrêt de lacour d’appel de Niamey a été rendu en violation des articles 100.5) et 11) de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution. Selon la BCN, l’acte de saisie-vente ne contient ni la déclaration du débiteur au sujet d’une éventuelle saisie antérieure, ni la reproduction des articles 143 à 146 de l’AUPSRVE, toutes formalités exigées à peine de nullité. Dans les deux espèces, la CCJA était appelée à se prononcer sur le point de savoir si l’omission de certaines formalités devrait nécessairement entraîner la nullité des actes de procédures visés.


La réponse apportée par la haute cour à la question diffère selon les hypothèses. Dans la première espèce, elle décide que lorsque la nullité n’est pas formellement prévue, son prononcé est subordonné à l’existence d’un préjudice ; dans la deuxième espèce, elle pose que lorsque la nullité est prescrite de plein droit, elle doit être prononcée sans qu’il soit besoin d’apporter la preuve d’un grief ou préjudice. Ce faisant, la CCJA proclame que le juge est obligé de prononcer les nullités textuelles (I), mais qu’en dehors de ces hypothèses, le prononcé de la nullité est subordonnée à la preuve préalable de l’existence d’un grief (II). I. L’obligation du juge de prononcer les nullités de « plein droit » en cas d’irrégularité des actes de procédure Saisi d’une demande en nullité d’un acte de saisie, le juge doit systématiquement prononcer la sanction lorsque celle-ci est expressément prévue par l’AUPSRVE (A). Dans cette hypothèse, il est tout à fait inopérant de rechercher la preuve de l’existence d’un grief ou préjudice (B). A. Le caractère systématique du prononcé de la nullité Le débiteur saisi a la possibilité de demander la nullité de la saisie en arguant de la violation des conditions de fond ou des conditions de forme de la saisie-vente. Par exemple, le débiteur saisi peut se prévaloir de l’extinction de la dette par l’effet d’un paiement antérieur, de la compensation ou de la prescription. Il peut aussi demander la nullité de la saisie parce qu’une ou plusieurs des mentions légales ont été omises dans les différents actes. Tel est le cas notamment dans l’arrêt de la CCJA du 18 mars 2004. En effet, l’article 100.5) et 11) qu’il est reproché à la cour d’appel de Niamey d’avoir violé, prévoit expressément que, lorsque les opérations de saisie sont effectuées entre les mains du débiteur, « l’huissier ou l’agent d’exécution dresse un inventaire des biens. L’acte de saisie contient à peine de nullité : (…) 5) si le débiteur est présent, la déclaration de celui-ci au sujet d’une éventuelle saisie antérieure des mêmes biens ; (…) 11) la reproduction des dispositions des articles 143 à 146 ci- après ». La décision de la cour d’appel de Niamey constate d’ailleurs que ces différentes formalités n’ont pas été accomplies. Ainsi qu’elle le relève « effectivement », il ne résulte pas du procès-verbal de saisie que la mention prévue à l’article 100.5) et 11) ait été portée et s’agissant de la reproduction des articles 143 à 146, « le procès-verbal mentionne qu’une photocopie des dispositions de ces articles est jointe sans jamais l’annexer ». La cour d’appel en conclut naturellement que les formalités prévues à l’article précité ne sont pas remplies.


Il lui incombait dès lors, de manière systématique, de prononcer la nullité de l’acte de saisie sans autre forme de procédure. En ne l’ayant pas fait, il a privé sa décision de base légale et c’est pour cela que la CCJA a dû la casser. L’on peut entrevoir en filigrane dans l’arrêt du 28 mars 2002 une solution identique. En décidant que l’indication du domicile du représentant d’une société et les précisions relatives à son siège social dans les exploits dressés par les huissiers de justice ne sont pas des mentions prescrites à peine de nullité, la CCJA signifie que si cela avait été le cas, la nullité devrait systématiquement être prononcée. En réalité, la solution de la CCJA n’innove pas. Elle s’inscrit en droite ligne de l’interprétation adoptée par la haute juridiction dans son Avis n° 1/99/JN du 7 juillet 1999 rendu sur la même question. La CCJA y précisait que : « l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution a expressément prévu que l’inobservation de certaines formalités prescrites est sanctionnée par la nullité ». Cette position est constamment suivie par la jurisprudence (Voir par exemple CCJA, arrêt n° 08 du 26 février 2004, affaire BCN c/ HBN, Recueil de jurisprudence de la CCJA, n°3, janvier-juin 2004, p. 90). Les formalités prescrites à l’article 100 de l’AUPSRVE à peine de nullité s’inscrivent dans un vaste éventail de près de 50 articles sur les 334 que compte l’Acte Uniforme, et qui sanctionnent par la nullité la violation des mentions obligatoires (Voir Ipanda F., « Le régime des nullités des actes de procédure depuis l’entrée en vigueur de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution », in Revue camerounaise du droit des affaires, janv-mars 2001, p. 36). En tout état de cause, la législation OHADA semble donner à la règle « pas de nullité sans texte » un contenu large. Si la nullité pour être prononcée doit avoir été prévue par la loi, il faut encore s’assurer que la nullité sera « toujours » prononcée chaque fois que les textes en disposent ainsi. Elle devra être prononcée même en l’absence de preuve d’un quelconque grief qu’aurait éventuellement subi le débiteur saisi. B. L’indifférence de la preuve de l’existence d’un grief ou préjudice Dans les hypothèses où la nullité est prévue de plein droit, il n’est nécessaire ni pour les parties ni pour le juge de rechercher la preuve de l’existence d’un préjudice ou grief. S’agissant d’un cas de nullité textuelle, le débiteur saisi n’a pas à démontrer pour invoquer la nullité, qu’il a subi un préjudice du fait de l’irrégularité qui entache l’acte de saisie attaqué. Cette démonstration est inopérante, que l’on soit en présence d’un vice de forme ou d’un vice de fond. Il ne saurait lui être reproché de n’avoir pas apporté la preuve du préjudice subi alors que l’Acte uniforme ne lui impose pas cette obligation. C’est cette argumentation que retient à juste titre la CCJA pour casser la décision de la cour d’appel de Niamey qui reprochait à la BCN de n’avoir pas apporté la preuve de l’existence d’une saisie antérieure, ni celle de la non présentation de sa demande en nullité avant la vente, situations qui peuvent lui porter préjudice. Le législateur OHADA s’écarte ainsi de la position adoptée par certaines législations nationales antérieures dans l’espace OHADA et par le législateur français actuel. En vertu de ces législations (notamment le nouveau code de procédure civile français), les nullités pour vice de forme ne peuvent être prononcées que si deux conditions cumulatives sont réunies. D’une part, il faut qu’un texte le prévoie expressément, sauf l’hypothèse de l’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public. En ce sens, les juges camerounais décident que l’omission de la demeure ou l’indication d’une demeure inexacte du défendeur dans un exploit d’ajournement constitue la violation d’une formalité substantielle ; l’assignation litigieuse doit être déclarée nulle et par voie de conséquence toute la procédure postérieure audit exploit (C.S., arrêt n°19/cc du 21 novembre 1973, RCD n° 8, 1975, p. 171). De même, ils décident qu’en application de l’article 39 du Code de procédure civile et commerciale (CPCC) camerounais, la non reproduction du dispositif des conclusions dans l’arrêt ou le jugement est prescrite à peine de nullité (C.S., arrêt n° 31/cc du 24 décembre 1981, RCD Série 2, n° 21-22, p. 132) ou encore que les arrêts de défense à exécution sont des décisions de justice et doivent être motivés en fait et en droit, à peine de nullité d’ordre public (C.S., arrêt n° 27/cc du 09 novembre 1995, inédit). D’autre part, la nullité ne peut être prononcée qu’à la charge pour l’adversaire qui l’invoque, de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public. On le constate, le prononcé de la nullité n’est pas automatique même lorsqu’elle est textuelle, le législateur français ayant pris le soin d’insister sur l’exigence d’un préjudice en vertu de la règle « pas de nullité sans grief ». La solution est différente s’il s’agit d’une irrégularité de fond. Dans cette hypothèse, l’acte de procédure entaché de vice devra être annulé sans que celui qui les invoque ait à justifier d’un grief et alors même que la nullité ne résulterait d’aucune disposition expresse. Dans cette hypothèse, sont donc écartées à la fois la règle « pas de nullité sans texte » et la règle « pas de nullité sans grief » (Voir par exemple Couchez G., Procédure civile, 14e édition, Sirey, 2006, pp. 189-196). La distinction ainsi opérée dans le régime des nullités selon qu’il s’agit d’un vice de forme ou d’un vice de fond n’a pas été consacrée par le législateur OHADA. Il faut dire que le litige opposant la BCN à M. H. a donné lieu à un précédent arrêt de la CCJA qui par un arrêt n° 08 du 26 février 2004, s’est prononcé de manière fort illustrative en ce sens. Il conviendrait de remarquer que les arguments des parties à l’occasion de cette affaire étaient différents de ceux de l’arrêt du 18 mars, quoiqu’au fond le problème soit passablement identique. En l’espèce, la saisie attribution des créances pratiquée par le sieur H. au préjudice de la BCN avait été dénoncée à cette dernière par acte d’huissier.


Pour attaquer cet acte de dénonciation, la BCN se prévaut de ce qu’en vertu de l’article 160(2) de l’AUPSRVE, il doit contenir à peine de nullité la mention de la date d’expiration du délai de contestation d’un mois suivant la signification de l’acte et la désignation de la juridiction devant laquelle les contestations pourront être portées. Par un arrêt confirmatif n° 41 du 20 mars 2002, la cour d’appel de Niamey déboute la BCN de ses prétentions au motif que : « les imprécisions qu’invoque la BCN constituent des vices de forme ; que les nullités de forme y compris substantielles comportent une condition de mise en œuvre à savoir l’exigence de la preuve d’un grief causé à celui qui se prévaut de la nullité » et qu’ « ayant comparu devant la juridiction compétente dans les délais légaux, la BCN ne peut valablement invoquer une quelconque nullité de l’acte de saisie attribution qu’autant qu’elle allègue et démontre le préjudice que lui ont causé les vices qu’elle allègue ». La Haute Juridiction Communautaire casse énergiquement cette décision. Elle déclare que la nullité qui sanctionne la violation de l’article 160(2) est « une nullité de plein droit pour laquelle il n’est pas nécessaire d’apporter la preuve d’un grief causé par l’absence de ces mentions, le juge devant, dès lors qu’il constate leur absence, prononcer la nullité de l’acte ». Le législateur OHADA s’attache donc particulièrement et sans aucune limitation principe du prononcé de la nullité textuelle qui doit s’imposer au juge. La CCJA ajoute en ce sens que l’article 160.2 « n’a assorti la nullité qu’il a prévue d’aucune exigence de preuve d’un grief ou préjudice ». Dans le sillage de cette même position, la CCJA précise par l’arrêt du 28 mars 2002 qu’il est inopérant pour le juge de rechercher si les omissions constatées dans l’acte de saisie ont porté préjudice au débiteur saisi. En décidant que « les omissions des mentions de l’article [100.5) et .11)] constituent… des erreurs de rédaction de l’acte de saisie [et] qu’il n’y a eu qu’oubli à annexer la photocopie des articles 143 et 146… », les juges du fond ont justifié les irrégularités commises au lieu de les sanctionner purement et simplement ainsi que l’exige l’Acte Uniforme. Or dans les hypothèses de nullités de plein droit, la CCJA a eu à affirmer sa position de manière claire et tranchée dans l’avis de 1999 précité : « (…) Le juge doit prononcer la nullité lorsqu’elle est invoquée s’il constate que la formalité prescrite n’a pas été observée, sans qu’il soit besoin de rechercher la preuve d’un quelconque préjudice ». L’obligation ainsi faite au juge de prononcer systématiquement les nullités textuelles le confine à un rôle marginal. Il devient en quelque sorte, pour reprendre les termes de Me Ipanda, « un simple distributeur automatique des nullités » sans réel pouvoir d’appréciation (Ipanda F., op. cit., p. 47). C’est que, la nullité demeure la règle en matière d’irrégularité des actes de procédures et ce n’est que de manière subsidiaire que son prononcé est subordonné à la preuve de l’existence d’un grief.


II. L’exigence subsidiaire d’un grief dans les autres cas de nullités En dehors des hypothèses de nullités systématiques, le législateur OHADA a prévu que d’autres irrégularités pouvaient être sanctionnées de nullité, à condition que la preuve de l’existence d’un préjudice soit apportée, admettant ainsi la règle « pas de nullité sans grief » (A). Encore faudrait-il s’assurer que le champ d’application de la règle est suffisamment étendu pour permettre au juge de retrouver son pouvoir d’appréciation (B). A. L’admission de la règle « pas de nullité sans grief» En l’absence de disposition expresse, la nullité perd son caractère automatique. Elle ne peut plus être prononcée qu’à la condition que soit apportée la preuve du préjudice subi du fait de l’irrégularité d’un acte de procédure. Il revient à la partie qui invoque la nullité de l’acte de rapporter cette preuve (voir par exemple C.S. du Cameroun, arrêt du 14 août 1980, RCD Série 2, n° 23-24, 1982, pp. 95-99 ; C.S., arrêt n° 60/cc du 28 février 1991, inédit ; C.S., arrêt n° 128/cc du 22 août 1991, inédit). C’est à ce titre que la CCJA rejette la demande en nullité de la société M. qui n’a pas rapporté la preuve de l’existence d’un quelconque préjudice qu’elle aurait subi du fait du non respect des prescriptions contenues dans les textes qu’elle invoque. Dans le même sens, la Haute Cour a eu à décider que les requérants ne justifiant pas du préjudice subi par eux du fait de la désignation d’un autre huissier pour procéder à une saisie immobilière, ne peuvent donc pas obtenir la nullité du commandement de saisie (CCJA, 2ème Chambre, arrêt n° 2 du 9 mars 2006, affaire Monsieur L.E., Société camerounaise de transformation dite SOCATRAF c/ Caisse commune d’épargne et d’investissement, dite CCEI-Bank SA, Ohadata J-07-09). La règle semble ainsi admettre une nullité relative qui ne profiterait qu’à la partie qui l’invoque et qui justifie du préjudice subi par elle. Cette dernière peut d’ailleurs toujours y renoncer. En revanche, l’adversaire qui est à l’origine de la cause de nullité ne peut pas s’en prévaloir. Le juge ne peut davantage soulever d’office cette nullité. On peut voir dans cette admission, certes pas générale, de la règle « pas de nullité sans grief », un souci du législateur OHADA d’assurer la sécurité juridique nécessaire au déploiement des investissements dans l’espace. C’est que, il faudrait éviter qu’une partie de mauvaise foi, cherchant à retarder ou à interrompre le cours du procès, oblige une juridiction à annuler un acte alors qu’elle n’a subi aucun préjudice du fait de l’irrégularité commise. La perspective d’une telle hypothèse est d’ailleurs l’un des éléments pertinents dont la réforme de la procédure civile en France et dans certains pays d’Afrique francophone avant l’AUPSRVE de 1998 a entendu tenir compte notamment en vue de corriger le caractère automatique des nullités dans les cas où cette sanction est édictée par la loi (Couchez G., op. cit., pp. 190-191 ; Ipanda F., op. cit., pp. 37-44). En vertu de l’article 602 du Code camerounais de procédure civile et commerciale (CPCC), « sauf les cas où les lois ou décrets en disposent autrement, les nullités d’exploits ou actes de procédure sont facultatifs pour le juge qui peut toujours les accueillir ou les rejeter ». Il en résulte qu’aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul lorsque la nullité n’en est pas formellement prévue par la loi (Voir par exemple C.S.C.O., arrêt n° 66 du 27 juin 1972, Bull. n° 26, p. 3640). La règle laisse une place significative au pouvoir d’appréciation du juge. Encore faudrait-il que la nullité ne soit pas invoquée tardivement, au risque d’encourir l’irrecevabilité (En jurisprudence camerounaise, voir C.S., arrêt n°6/cc du 24 décembre 1963 ; C.S., arrêt n° 42/cc du 21 janvier 1969 ; C.S., arrêt n°62/cc du 10 juillet 1986, inédits). En même temps, la subordination de la nullité des actes à la démonstration du préjudice que le requérant pourrait prétendre avoir subi permet d’éviter l’arbitraire des juges. Les juges camerounais précisent que, parce qu’il appartient au demandeur à l’action d’apporter la preuve des faits ou droits dont il entend se prévaloir, les juges du fond n’ont pas à se substituer aux parties dans la conduite de leur action (C.S.C.O, arrêt n°103/L du7 avril 1970, Bull. n° 22, p. 2691). Il y a lieu de penser, pour le moins, que la marge de manœuvre des juges dans le droit OHADA laisse entrevoir un risque très réduit d’arbitraire au regard du champ d’application limité de la règle. B. La limitation du champ d’application de la règle « pas de nullité sans grief» Que la nullité ne puisse pas être prononcée en l’absence de préjudice ne signifie pas que chaque fois que le préjudice est clairement démontré, le juge a le devoir de prononcer la sanction. Le législateur OHADA a énuméré des hypothèses « limitatives » dans lesquelles la nullité peut sanctionner le non- respect d’une formalité prescrite dès lors que la preuve de l’existence d’un préjudice ou grief est apportée. C’est ce que rappelle l’avis de la CCJA de 1999 : « Pour quelques unes de ces formalités limitativement énumérées, [la] nullité ne peut être prononcée que si l’irrégularité a eu pour effet de causer un préjudice aux intérêts de celui qui l’invoque ». Les formalités dont il s’agit sont énumérées à l’article 297 de l’AUPSRVE qui, en fait, renvoie à une série de dispositions du même acte uniforme. En vertu de cet article, « les délais prévus aux articles 259, 266, 268, 269, 276, 281, 287, 288 alinéas 7 et 8 ci-dessus sont prescrits à peine de déchéance. Les formalités prévues par ces textes et par les articles 254, 267 et 277 ci-dessus ne sont sanctionnées par la nullité que si l’irrégularité a eu pour effet de causer un préjudice aux intérêts de celui qui l’invoque ». La position de cette disposition dans l’AUPSRVE suscite la critique de certains auteurs qui ont pu y voir la consécration d’une théorie générale des nullités instituée par le législateur OHADA en matière de voies d’exécution (Issa-Sayegh J., Pougoué P.G., Sawadogo F.M., dir., Traités et actes uniformes commentés et annotés, 3e édition, Juriscope, 2008, p. 855). En réalité, il faut noter que l’article 297 a été placé dans les dispositions propres à la saisie immobilière. Il en résulte qu’il ne s’agit pas d’une règle de portée générale (Assi-EssoA.M., Diouf N., Recouvrement des créances, Bruylant, Bruxelles, 2002, p. 236, n° 557). En effet, si le législateur avait entendu faire de l’article 297 une règle ayant une portée générale, donc applicable aussi bien en matière immobilière qu’en matière mobilière, il l’aurait certainement placé dans les dispositions communes à toutes les saisies. L’on peut se demander, néanmoins, si le juge peut prononcer la nullité lorsque, en matière mobilière, un acte non sanctionné de nullité de plein droit cause un préjudice à l’une des parties au litige. En principe, la réponse est négative. Il résulte aussi bien de la lettre de l’AUPSRVE que de l’interprétation donnée par la CCJA dans son avis de 1999 que la nullité ne peut être prononcée en l’absence de texte, les hypothèses appelant à l’application de la règle « pas de nullité sans grief » ayant été elles aussi limitativement énumérées. En même temps, l’on ne saurait occulter l’embarras que suscite une telle approche. Le dispositif même de l’Arrêt du 28 mars 2002 est hautement éloquent. Ainsi précise-t-il que, puisqu’il ne résulte ni de l’article 246 alinéa 1-2° ni de l’article 25 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique « que l’indication du domicile du représentant d’une société et les précisions relatives à son siège social dans les exploits dressés par les huissiers de justice soient des mentions prescrites à peine de nullité », « l’absence de ces mentions ne peut, dès lors, être sanctionnée par la nullité qu’à la condition que le requérant rapporte la preuve que ladite absence lui ai causé un quelconque préjudice » (nous soulignons). Ce dispositif semble suggérer comme règle générale que la nullité est toujours possible lorsque l’irrégularité d’un vice de forme a causé préjudice au requérant. Ce qui conduirait à reléguer au second plan la règle « pas de nullité sans texte » au bénéfice de la règle « pas de nullité sans grief ». Mais il parait douteux qu’une telle interprétation puisse prévaloir en l’absence d’une révision appropriée des textes de l’OHADA en ce sens (avis n° 001/99/JN du 7 juillet 1999, Ohadata J-02-01, obs. J. Issa-Sayegh). Faut-il interpréter le choix du législateur OHADA comme la consécration d’un système trop rigide ? L’enjeu, classique, est d’établir un certain équilibre à défaut d’un équilibre certain, entre les inconvénients résultant de la consécration d’une nullité systématique en cas d’irrégularité des actes de procédure, traduction d’un formalisme que d’aucuns pourraient juger excessif, et l’arbitraire qui résulterait de l’octroi de pouvoirs étendus au juge dans l’appréciation des circonstances pouvant entraîner la nullité. Peut-être serait-il judicieux que le législateur revisite sa position à la lumière des enjeux sécuritaires qui ont présidé à l’adoption des textes de l’OHADA. Moïse Timtchueng, Chargé de cours, Université de Dschang.




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