Dans le récit d’Arthur Conan Doyle, Flamme d’argent, Sherlock Holmes élucide un crime en s’attachant à ce qui n’est pas arrivé : le chien de la famille n’a pas aboyé. Cela signifie que l’assassin était connu du chien. Ce que cette histoire illustre, c’est que les hommes ordinaires n’accordent en général nulle attention à ce que nous appellerons les indices négatifs, c’est-à-dire ce qui aurait dû arriver mais n’est pas survenu. Nous avons une tendance naturelle à nous polariser sur l’information positive et à ne remarquer que ce que nous voyons et entendons. Il faut quelqu’un d’aussi créatif qu’Holmes pour réfléchir de façon plus large et rigoureuse en évaluant les informations manquantes dans un événement, et en visualisant cette absence aussi facilement que nous remarquons la présence de quelque chose. Pendant des siècles, les médecins n’ont considéré les maladies que comme les conséquences d’attaques venues de l’extérieur du corps : un microbe contagieux, un courant d’air froid, des vapeurs chargées de miasmes, etc. Pour soigner, il fallait trouver des médicaments capables de contrer les effets dommageables de ces agents pathogènes présents dans l’environnement. Puis, au début du XXe siècle, le biochimiste Frederick Gowland Hopkins, qui s’intéressait aux effets du scorbut, eut l’idée de renverser cette perspective. Il fit l’hypothèse que la cause de cette maladie particulière n’était pas une attaque provenant de l’extérieur, mais une carence dans le corps lui-même : en l’espèce, ce que l’on appelle aujourd’hui la vitamine C. Grâce à une réflexion créative, il ne se pencha pas sur ce qui était présent, mais précisément sur ce qui était absent, pour résoudre le problème. Cela le conduisit à des recherches révolutionnaires sur les vitamines, qui modifièrent radicalement le concept de santé.
Loi du jour : La capacité à élargir son esprit et à changer de point de vue est fonction de notre imagination. Apprenez à imaginer davantage de possibilités que vous en avez l’habitude. Évitez de tenir compte de ce qui est présent. Réfléchissez à ce qui est absent.
ROBERT GREENE
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