top of page
Photo du rédacteurExcellence Académie

ARRET CIVIL CONTRADICTOIRE N° 167 DU 07 MAI 2010


AFFAIRE :


SOCIETE TRACY LIMITED

(Me MOUSSA DIAWARA)

C/

CARENA, SARL

(Me KOUADIO KOUAME EUGENE)


Responsabilité civile – Préjudice – Préjudice n’étant manifestement pas le fait de l’intimé – Responsabilité (non).


La responsabilité de l’intimé ne peut être retenue, dès lors que les préjudices subis par l’appelant ne sont manifestement pas de son fait. En conséquence les différents préjudices subis par l’appelant ne lui sont pas imputables.


LA COUR


Vue les pièces du dossier ;

Ouï les parties en leurs demandes, fins et conclusions ;

Vu les conclusions écrites du Ministère Public ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;


DES FAITS, PROCEDURES ET PRETENTIONS DES PARTIES


Par exploit en date du 06 JUILLET 2009 comportant ajournement au 17 juillet 2009 la société TRACY a relevé appel du jugement n° 2322 rendu le 22 Novembre 2007 par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan qui a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la société CARENA, l’a déclaré responsable du préjudice subi par la société TRACY LIMITED pour procédure abusive, l’a condamné à lui payer la somme de 6 000 000 francs à titre de dommages et intérêts et dit la société CARENA mal fondée en son intervention forcée ;


Il ressort des énonciations de la décision entreprise que la société Armement LE DAUPHIN confiait pour des réparations à la société CARENA le navire LE PETIT CORYPHENE ; N’ayant pas reçu paiement du prix des travaux de réparation effectuée, la société CARENA faisait pratiquer une saisie conservatoire sur les trois navires affrétés par l’armement le DAUPHIN ; Le 17 Février 1998, par jugement n° 51 le tribunal de Première Instance d’Abidjan condamnait la société Armement le DAUPHIN à payer à la société CARENA la somme de 12 698 910 Francs représentant le reliquat de sa créance et validait la saisie conservatoire susvisée ; Monsieur J, propriétaire des navires BALEINE BLANCHE et REQUIN BLANC les cédait à la société TRACY LIMITED qui sur tierce opposition obtenait du Tribunal par jugement n° 63 du 08 Février 2000 la distraction des navires saisis à son profit et à celui de la société NORD GASGONE Armement ; La Cour d’Appel sur saisine de la société CARENA infirmait la décision entreprise et restituait au premier jugement son plein et entier effet ; Sur pourvoi en cassation formé par la société TRACY LIMITED, la Cour Suprême par arrêt en date du 11 Décembre 2003 cassait l’arrêt de la Cour d’Appel et ordonnait la main levée de la saisie pratiquée sur les navires litigieux ; Estimant que ladite saisie lui a causé de nombreux préjudices notamment le paiement de frais non répétitifs de 6 000 000 Francs, le manque à gagner lié au contrat d’affrètement avec la société THIALASSA de 184 000 000 Francs (8 000 000 francs x 23 mois), les frais de port de 16 760 000 francs, la perte de chance liée à la vente manquée des navires pour un montant de 400 000 000 Francs capitalisé lui aurait donné 50 666 666, 5 Francs , les frais de réparation liés à l’immobilisation prolongée de ses navires du fait de la saisie pour un montant total de 36 518 700 Francs soit un montant global de 293 976 055 Francs ;


Le Tribunal dans sa décision entreprise rejetait l’exception d’incompétence soulevée par la société CARENA, se déclarait compétent pour statuer sur l’action de la société TRACY LIMITED, a dit cette dernière partiellement fondée en son action, a déclaré la société CARENA responsable du préjudice subi par la société TRACY LIMITED pour procédure abusive et l’a condamné à lui payer la somme de 6 000 000 Francs en réparation de ce préjudice, a débouté la société TRACY LIMITED du surplus de sa demande et a dit la société CARENA mal fondée en son intervention forcée aux motifs que les procédures engagées par la société CARENA contre la société TRACY LIMITED à l’effet de faire maintenir la saisie conservatoire constituent un abus de droit donc une faute et celles- ci ont engendré des frais non répétitifs à la société TRACY LIMITED; Il décidait par ailleurs que les navires n’avaient pas été immobilisés par le fait de la société CARENA et la société TRACY LIMITED qui les a proposés à la vente ne peut valablement invoquer un manque à gagner ou un supplément de frais de port encore moins réclamer des frais de réparation dont elle ne rapporte d’ailleurs pas la preuve ;


En cause d’appel la société TRACY LIMITED expose par le canal de son conseil maitre DIAWARA MOUSSA avocat à la Cour qu’elle a contrairement aux allégations de la société CARENA signifié à cette dernière l’ordonnance n° 426 en date du 22 juin 1998 par exploit d’huissier en date du 24 Juin 1998 de Maitre LEGRE SAZORO ;


Elle conclut au rejet de l’exception de communication de pièces soulevée par la société CARENA ;


Elle indique que sa qualité de propriétaire des navires litigieux ressort tant des procédures antérieures dans lesquelles les Premiers Juges lui ont reconnu cette qualité mais aussi de l’achat qu’elle a faite des navires ; Elle sollicite dès lors le rejet de la demande d’irrecevabilité soulevée par la société CARENA ;


Elle soutient qu’aux termes de la convention de BRUXELLES de 1958 la saisie conservatoire de navires emporte son immobilisation immédiate du navire à quai dans le port du lieu ou la mesure est prise et celle des navires REQUIN BLANC et BALEINE BLANCHE n’a pu se faire au départ que parce qu’ils ont obtenu une autorisation judiciaire de faire voile nonobstant saisie conservatoire sous cautionnement de 6 000 000 Francs ;

Elle précise que la société THALASSA affréteur des navires a payé ledit cautionnement et remis les navires à flot et au retrait des sommes payées par elle au titre du cautionnement, lesdits navires ont été à nouveau immobilisés faute de garantie bancaire disponible ;


Elle en conclut que la responsabilité de l’immobilisation incombe à la société CARENA auteur de la première saisie conservatoire ;


Elle explique que Janvier 2001 au 11 décembre 2003 date de l’arrêt de la Cour Suprême soit pendant 23 mois, les navires ont été immobilisés et les frais de port qui sont obligatoires dans ces cas, s’élèvent à la somme totale de 16 760 000 francs soit 365 000 Francs x 23mois x2 navires ; Elle ajoute que ladite immobilisation a constitué pour elle un manque à gagner au moins égal au fret mensuel de 4 000 000 Francs par navire équivalent à l’économie du contrat passé avec la société THALASSA ; Elle réclame la somme de 184 000 000 Francs de ce chef ;


Elle fait valoir que l’immobilisation des navires a exposé les appareils et instruments électroniques en proie aux grippages à des avaries qui nécessitent une remise en état dont le cout est estimé à la somme de 15 706 706 Francs pour la BALEINE BLANCHE et 20 812 000 Francs pour le REQUIN BLANC soit la somme totale de 36 518 700Francs ;


Elle fait remarquer que la saisie étant abusive, les Premiers Juges ne pouvaient rejeter sa demande relative à la perte de chance en se fondant sur l’antériorité de la saisie par rapport à la vente ; En effet selon elle le droit de propriété emporte le droit à une jouissance paisible de l’usufruit , de l’abusus et du fructus or argue-t-elle l’achat des navires étant postérieure à la saisie, celle-ci a nécessairement empêché qu’elle en dispose comme bon lui semble et cette saisie irrégulière lui a causé un préjudice qu’elle chiffre à la somme de 50 666 666 Francs ;


Elle fait remarquer enfin que s’il est exact que la société ARMEMENT LE DAUPHIN a pratiqué une saisie sur ces mêmes navires sur le fondement de l’ordonnance n° 4954 du 28 novembre 2000, un arrêt de la Cour Suprême a annulé lesdites saisies et seule a demeuré la saisie de la société CARENA qui a immobilisé les navires ;


Qu’elle sollicite pour tout cela la réformation de la décision et la condamnation de la société CARENA à lui payer les sommes de :

- 16 760 000 Francs au titre du paiement des frais de

port ;

- 184 000 000 Francs au titre du manque à gagner sur le fret ;

- 36 666 666 Francs au titre du paiement des frais de remise en état des navires ;


- 50 666 666 Francs au titre de la perte de chance


La société CARENA expose en réplique par le canal de Maitre KOUADIO KOUAME EUGENE, Avocat à la Cour que la société TRACY LIMITED ne lui a pas communiqué l’ordonnance n° 426 de cautionnement bancaire de 6 000 000 Francs ;


Elle sollicite la communication de la pièce et de la requête y relative ou à défaut la mise à l’écart desdites pièces du débat en application de l’article 120 du Code de Procédure Civile ;


Elle soutient que la société TRACY LIMITED s’acharne sur elle parce qu’elle est solvable comparativement aux autres intimés notamment la société ARMEMENT LE DAUPHIN qui en réalité a immobilisé les navires « BALEINE BLANCHE » et le « REQUIN BLANC » en vertu de l’ordonnance n° 4954 du 28/ 11/2000 et elle justifie son affirmation par l’omission volontaire faite par l’appelante des autres sociétés dans l’acte d’appel et ce quoique celles-ci aient régulièrement été assignées en intervention forcée en première instance et sont donc parties au procès ;Elle indique que la société TRACY LIMITED a continué à exploiter les navires litigieux avec les sociétés THALASSA et ARMEMENT LE DAUPHIN, toute chose qui induit que sa saisie conservatoire en date du 18 Août 1998 n’a pas pu immobiliser lesdits navires car par un courrier en date du 15 Décembre 2000 la société THALASSA a informé le Chef de Division du Port de l’arrêt de l’exploitation des navires litigieux en faisant référence à l’ordonnance n° 4954 du 28 Novembre 2000 ; Elle en conclut que l’immobilisation des navires n’est pas de son fait mais de celui de la société ARMEMENT LE DAUPHIN ;


Elle soutient que la société TRACY LIMITED ne justifie pas sa demande de condamnation à lui payer la somme de 16 760 000 Francs au titre du préjudice subi du fait de l’immobilisation des navires qui n’était pas de son fait ; Elle ajoute qu’elle ne doit également aucune réparation au titre du manque à gagner sur le fret parce que l’arrêt de l’exécution de ce contrat d’affrètement et d’exploitation desdits navires ne sont pas son fait mais plutôt de celui de la société ARMEMENT LE DAUPHIN ;


Elle fait valoir que si les navires ont subi des avaries et occasionné des frais de réparation celles-ci ne peuvent avoir été de son fait mais de celui des utilisateurs successifs ; Elle souligne que la société TRACY LIMITED qui n’ignorait pas que des saisies avaient été pratiqués sur les navires litigieux les a cependant vendus commettant ainsi une faute que les Premiers Juges ont sanctionné en rejetant ce chef de demande ;


Elle fait savoir incidemment que la société TRACY LIMITED ne produit pas les documents de la vente intervenue entre elle et monsieur M et qui établissent sa qualité de propriétaire alors que les différentes pièces produites établissent que lesdits navires sont la propriété de ce dernier et si elle ne l’a pas exigé dans les procédures antérieures cela ne peut être un frein à l’évocation de l’irrecevabilité de la société TRACY LIMITED devant la Cour d’Appel ;


Elle affirme par ailleurs que les Premiers Juges l’ont condamné à payer la somme de 6 000 000 Francs au titre des frais irrepetitifs sans que la société TRACY LIMITED n’ait produit des documents justificatifs à ces frais de procédure ;


Elle sollicite dès lors l’infirmation partielle de la décision entreprise, l’irrecevabilité de l’action de la société TRACY LIMITED, la communication de l’ordonnance n° 426 et le débouté de la société TRACY LIMITED de sa demande ;


Le Ministère Public a conclu à l’appréciation des faits par la Cour d’appel ;


DES MOTIFS

Considérant que la société CARENA qui a fait valoir devant les Premiers Juges que la société TRACY LIMITED n’était pas propriétaire des navires sans solliciter l’irrecevabilité de l’action entreprise ; Qu’en sollicitant pour la première fois devant la Cour l’irrecevabilité de l’action de la société TRACY LIMITED elle a formulé une demande nouvelle qui doit être rejetée ; Qu’il en résulte que l’appel de la société TRACY LIMITED est conforme à la loi ;

Qu’il y a lieu de le recevoir ;


Considérant que la société CARENA a conclu ;

Qu’il y a lieu de statuer contradictoirement ;

AU FOND



Considérant qu’il est constant que les navires litigieux LE REQUIN BLANC et LA BALEINE BLANCHE ont fait l’objet de saisies conservatoires de la part de la société CARENA par ordonnance n° 3692 en date du 31 Juillet 1997 et par la société ARMEMENT LE DAUPHIN par ordonnance n° 4954 en date du 28 Novembre 2000 ;


Que si l’ordonnance obtenue par la société CARENA ne mentionne pas l’immobilisation desdits navires celle de la société ARMEMENT LE DAUPHIN fait obligation à la société TRACY LIMITED de maintenir à quai lesdits navires ; Qu’il en résulte au regard de ces deux décisions que l’immobilisation des navires n’est pas imputable à la société CARENA ;


Considérant par ailleurs que selon les aveux de la société TRACY LIMITED elle-même, les deux navires lui ont été vendues alors même qu’ils faisaient l’objet de saisie conservatoire ; Que cette vente qui a pu se dérouler sans aucune opposition de la part de la société CARENA, prouve que lesdits navires n’avaient pas fait l’objet de maintien à quai encore moins d’interdiction de naviguer ; Que par ailleurs la société TRACY LIMITED ne conteste pas non plus qu’elle a disposé des deux navires qu’elle a par la suite loué à la société THALASSA pour affrètement ;


Qu’il en résulte que les préjudices subis par la société TRACY LIMITED ne sont manifestement pas le fait de la société CARENA qui ne peut dès lors être condamnée à les réparer ; Que c’est donc à bon droit que les Premiers juges ont rejeté sa responsabilité ; Qu’il ya lieu de confirmer la décision sur ce point et de dire conséquemment que les différents préjudices subis par la société TRACY LIMITED ne lui sont pas imputables notamment la capitalisation des fruits de la vente, les frais de remise en état des navires et le manque à gagner fondé sur la perte de chance ;


SUR L’APPEL INCIDENT DE LA SOCIETE CARENA

Considérant qu’il est constant que la saisie conservatoire pratiquée par la société CARENA a été levée par arrêt n° 322 du 11 Avril 2002 ; Que les dépens de toutes les procédures lui ont été imputées de sorte que c’est à bon droit que la société TRACY LIMITED les réclame ; Que la société CARENA qui conteste le montant invoqué par ladite société ne détermine pas le quantum des frais tels que par elle réellement dus ;


Qu’il ya dès lors lieu de confirmer la décision sur ce point ;

SUR LES DEPENS


Considérant que la société TRACY LIMITED succombe ;


Qu’il y a lieu de la condamner aux dépens ;


PAR CES MOTIFS


Statuant sur le siège, publiquement, contradictoirement, en matière civile et commerciale et en dernier ressort ;


Déclare les sociétés TRACY LIMITED et CARENA recevable en leurs appels principal et incident respectifs relevés du jugement n° 2322 du 22 novembre 2007 rendu par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan ;


Les dit mal fondées et les en déboute ;


Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;


Condamne la société TRACY LIMITED aux dépens ;


PRESIDENT : MADAME YAO-KOUAME ARKHURST H. MARIE-FELICITE



Posts récents

Voir tout

DÉLAI. RETARD.

le délai est un laps de temps accordé ou prévu pour accomplir une action ou pour s’en abstenir

Comments


bottom of page