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COURS D'INITIATION AU DROIT CONSTITUTIONNEL IVOIRIEN

NB- CE COURS EST UNE PRISE DE NOTE. CE N'EST DONC PAS UN COURS OFFICIEL. A CET EFFET, IL PEUT CONTENIR CERTAINES ERREURS, AUSSI BIEN DANS LE FOND QUE SUR LA FORME. PAR AILLEURS, IL PEUT NE PAS ÊTRE COMPLET. MERCI D'EN TENIR COMPTE DANS VOTRE LECTURE. POUR PLUS DE COURS SUR NOTRE SITE, VOUS POUVEZ CLIQUER SUR CE LIEN https://www.exacademie.com/coursdedroit



Cours d’initiation au droit constitutionnel Bibliographie indicative Francis WODIÉ, « Institutions Politiques et Droit constitutionnel en Côte d’Ivoire ». Abidjan, Presses Universitaires de Côte d’Ivoire. Djedjro Francisco MELEDJE, DROIT CONSTITUTIONNEL, Abidjan, ABC, 2017 Denis ALLAND et Stéphane RIALS (Sous la direction de), Dictionnaire de la culture juridique. Paris, Presses Universitaires de France, collection « Quadrige » Stéphane BAUMONT, L’enseignement : le nouvel objet fondamental du droit constitutionnel, in Henry ROUSSILLON, Xavier BIOY et Stéphane MOUTON (Sous la direction de), Les nouveaux objets du droit constitutionnel. Toulouse, Presses de l’Université des Sciences Sociales de Toulouse, 2006. Jean BOULOUIS, Les limites du droit constitutionnel. Revue Internationale de Droit Comparé, 1986. Olivier DUHAMEL et Guillaume TUSSEAU, Droit constitutionnel et institutions politiques. Paris, Editions du Seuil, 2013, 3e édition. Francis HAMON, Michel TROPER, Droit constitutionnel. Paris, Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence. Lextenso éditions. Francis DELPÉRÉE, L’enseignement du droit constitutionnel, in Académie Internationale de Droit Constitutionnel, Constitution et droit interne. Recueil des Cours. Volume 9. Pierre PACTET, Ferdinand MÉLIN-SOUCRAMANIEN, Droit constitutionnel. Paris, Éditions Dalloz. Introduction Le droit constitutionnel peut être envisagé sous deux approches. La première conduit à l’appréhender comme un ensemble de règles destinées à assurer l’organisation et le fonctionnement du pouvoir politique au sein de l’État. La deuxième approche l’envisage comme une science. C’est sous cette double approche, de science et de système de normes, que l’étude du droit constitutionnel est présentée par l’ensemble de la doctrine. Mais, « en tant qu’objet d’étude, le droit constitutionnel n’apparaît pas comme une construction toute faite. Il est le résultat d’un moment historique et procède du combat des hommes, plus précisément d’une volonté corporative, propre à un groupe social, de limitation et d’encadrement du pouvoir politique. Ce n’est que bien après son apparition, au XVIIIe siècle, qu’il sera théorisé et qu’on lui conférera un statut abstrait »[1]. I- LA SIGNIFICATION DU DROIT CONSTITUTIONNEL Le droit constitutionnel est attaché aux phénomènes de pouvoir, de domination et aux rapports de force entre acteurs politiques. Il repose sur deux réalités, qui bien que paraissant contradictoires ne sont pas moins conciliables : l’autorité et la liberté. Toute la problématique du droit constitutionnel gravite donc autour de la recherche du juste équilibre entre l’autorité et la liberté. L’expression « droit constitutionnel » est apparue en France, une quinzaine d’années avant la Révolution de 1789, lorsque s’est aggravée la crise politique entre la Grande-Bretagne et ses colonies d’Amérique du Nord qui sont devenues les États-Unis. Cette expression, qui a reçu un accueil favorable en doctrine, a été réceptionnée dans les systèmes de droit des États d’Afrique. Dans son évolution, la notion de droit constitutionnel a été employée dans trois sens différents. D’abord, le droit constitutionnel désigne avant tout un droit, une faculté ou même une prérogative qui appartient à une personne physique (citoyen, gouvernant) ou une personne morale (institution étatique, collectivité publique, association privée) en vertu de la constitution. Ainsi, la faculté de refuser de respecter une loi déclarée inconstitutionnelle est un droit constitutionnel pour tout citoyen. Ensuite, l’expression « droit constitutionnel » a désigné l’ensemble des règles de droit, des normes juridiques, se rattachant à la constitution d’un État. Enfin, l’expression « droit constitutionnel » a été utilisée pour qualifier la discipline intellectuelle, c’est-à-dire la science ayant pour objet l’étude des règles constitutionnelles. Marcel PRELOT et Jeans BOULOUIS ont pu relever que le droit constitutionnel est « la science des règles juridiques suivant lesquelles s’établit, s’exerce et se transmet le pouvoir politique ». II- LA MÉTHODE DU DROIT CONSTITUTIONNEL Le droit constitutionnel a pour objet l’étude de l’État dans son organisation et son fonctionnement. Dans la mesure où l’organisation et le fonctionnement de l’État sont déterminés par les règles constitutionnelles, on peut affirmer que le droit constitutionnel a principalement deux objets d’étude : l’État et la constitution. Le droit constitutionnel est une discipline juridique ; par conséquent, sa démarche de raisonnement est avant tout celle de la science juridique (1): l’étude des textes juridiques de portée constitutionnelle. Mais, il peut bien arriver que le constitutionnaliste, c’est-à-dire le spécialiste du droit constitutionnel recourt par ailleurs à la méthode des sciences sociales (2) à travers l’étude du fait politique. 1- L’affirmation de la méthode des sciences juridiques : l’étude des textes juridiques de portée constitutionnelle La méthode d’étude en droit constitutionnel est la même que celle utilisée par toutes les disciplines relevant de la science juridique. Elle consiste en : - L’interprétation des règles juridiques La méthode des sciences juridiques se résout à des techniques d'interprétation des règles juridiques en vigueur à un moment donné dans un État bien déterminé. - La détermination du sens des règles et des notions ou concepts juridiques L'étude des textes juridiques permet non seulement de dégager le sens des règles, mais aussi d'en extraire des notions ou concepts qui aident à élaborer des systèmes tenant compte du droit positif. Il s'agit plus précisément de l'étude des sources du droit constitutionnel. À côté des sources formelles classiques, apparaissent des sources informelles, notamment les accords politiques portant arrangements constitutionnels. Ces actes à caractère conventionnel se répandent de plus en plus et mettent en jeu un droit constitutionnel de crise. 2- La prise en considération de la méthode des sciences sociales : l’étude du fait politique Deux raisons principales peuvent justifier le recours à la méthode des sciences sociales : - Pour une bonne appréhension des faits ou phénomènes politiques Si le constitutionnaliste étudie les règles constitutionnelles, c’est pour une parfaite application aux faits politiques. La technique juridique exige ainsi une juste et précise qualification des faits ou phénomènes politiques afin de déterminer le régime juridique approprié applicable. - En raison des limites de la méthode (positiviste) exégétique Si le constitutionnaliste recourt à la méthode des sciences sociales, c'est parce qu’il est conscient que la méthode de l'exégèse utilisée par les juristes pour l'interprétation et la compréhension de la règle de droit, a connu des limites dans l'évolution des sciences juridiques. Les codes et les constitutions ne peuvent tout prévoir à l'avance. Il y a des situations dans lesquelles ni l'interprétation dite grammaticale, ni l'interprétation dite logique, ni le procédé palliatif proposé en guise de solution, qui consiste à rechercher, à travers la lettre des textes et dans les travaux préparatoires, l'intention du législateur ou du constituant, ne sont efficaces. Les relations que le droit constitutionnel entretient avec les autres disciplines scientifiques doivent être analysées en faisant une place particulière aux liens avec la science politique. Avec la science politique, le droit constitutionnel entretient des rapports de complémentarité : Droit constitutionnel et Science politique s’enrichissent mutuellement. Le droit constitutionnel est la discipline juridique qui se trouve être le plus en contact avec les autres sciences sociales : histoire, sociologie, anthropologie, géographie, économie, philosophie. La compréhension de l’esprit des lois et des institutions et de leur évolution est mieux assurée par la prise en compte de ces données non juridiques. En prenant pour exemple l’Histoire, on constate qu’elle n’est pas véritablement étrangère au Droit constitutionnel ; et pour preuve, il existe des enseignements dénommés Histoire du Droit, Histoire des Institutions et dans une certaine mesure, Histoire des idées politiques. La Constitution, matrice commune à toutes les branches du droit. Il faut dire que le droit constitutionnel se situe dans la branche du droit public, celle qui met en relief l’État, l’intérêt général et l’autorité. Le droit constitutionnel est au carrefour de toutes les disciplines juridiques ; surtout, il les irrigue par la constitutionnalisation de toutes les branches du droit. Il les surplombe, car comme l’écrit Louis FAVOREU « le droit constitutionnel est la constitution du droit. » Il en résulte donc que partie d’un sous-ensemble (le Droit public), le droit constitutionnel acquiert le statut d’essence de la totalité (le Droit). III- LA FINALITE DU DROIT CONSTITUTIONNEL Ayant pour objet l’organisation de l’État, le droit constitutionnel poursuit une certaine finalité sociale, un idéal social. Il s’agit de réaliser la démocratie par un État de droit constitutionnel. 1- L’instauration de l’État de droit Le droit constitutionnel a pour principale finalité l’instauration d’un État de droit. Dans son approche classique, l'État de droit apparaît comme un système de droit comprenant des normes organisées dans un rapport hiérarchisé avec au sommet la constitution, norme suprême dans l'État. C'est en cela que J.-P. HENRY le définit comme "un système d'organisation dans lequel l'ensemble des rapports sociaux et politiques sont soumis au droit"[2]. Ainsi, l’Etat de droit est celui dans lequel la règle de droit soumet aussi bien la puissance publique (Etat, collectivités publiques) que toutes les prétentions privées. 2- La réalisation de la démocratie Dans les États d'Afrique, les différents constituants des premières années des indépendances s'étaient limités à établir une constitution en affirmant sa suprématie formelle ; ils croyaient ainsi parvenir à réaliser un État de droit. Or, il est clair que l'État de droit n'est pas seulement un système de normes, il est également un système de valeurs. La prise en compte des valeurs (liberté, égalité, dignité humaine, responsabilité citoyenne) dans le régime de l'État de droit a eu pour implication l'affirmation de l'idéal de démocratie et plus récemment de bonne gouvernance. IV- LES SOURCES DU DROIT CONSTITUTIONNEL 1- Les sources écrites du droit constitutionnel Le droit constitutionnel comprend toutes règles écrites ayant ou pouvant avoir un objet constitutionnel, c’est-à-dire l’organisation de l’État. De ce point de vue, toutes les règles juridiques font, a priori, partie intégrante du droit constitutionnel. Car toutes ont vocation à assurer l’organisation de la vie en société ; donc l’organisation de l’État. Mais, seules les règles qui ont directement et formellement pour objet l’organisation de l’État forment les sources écrites du droit constitutionnel. a- Les règles constitutionnelles Les règles constitutionnelles sont celles qui forment la constitution. Plus précisément, il s’agit des règles de valeurs constitutionnelles. Toutes les règles établies dans la constitution (préambule et corpus constitutionnel) n’ont pas nécessairement et matériellement un objet constitutionnel. Les règles constitutionnelles portent généralement sur l’organisation structurelle et fonctionnelle des pouvoirs publics. Si formellement, toutes les règles établies dans la constitution sont des règles constitutionnelles, matériellement elles n’en sont nécessairement pas. A titre d’illustrations, la constitution de la Suisse de 1874 prescrivait l’interdiction de l’abattage des animaux sans étourdissement préalable. Une telle disposition, qui n’intéresse pas l’organisation du pouvoir politique, n’est pas matériellement une règle constitutionnelle. b- Les règles infra-constitutionnelles Les règles infra-constitutionnelles sont toutes celles qui ont une valeur juridique inférieure à la constitution. En réalité, ce sont toutes les autres règles juridiques applicables dans l’ordre juridique interne des États : les règles conventionnelles internationales, les règles législatives et les règles règlementaires. - Les règles conventionnelles internationales Les conventions internationales ou traités internationaux peuvent être des sources du droit constitutionnel lorsqu’ils sont régulièrement ratifiés et intégré dans l’ordre interne de l’État. On a ainsi l’exemple de la convention africaine des droits de l’homme et des peuples qui a été intégrée dans l’ordre juridique de la majorité des États. - Les règles législatives Les règles législatives sont celles qui ont valeur législative. Elles sont édictées par le pouvoir législatif dans des matières relevant de son domaine de compétence. Les articles 101 de la Constitution ivoirienne du 8 novembre 2016 répartissent les domaines de compétence entre la loi et le règlement. - Les règles réglementaires Les règles réglementaires sont celles qui ont valeurs réglementaires. Ce sont les règles édictées par les autorités gouvernementales et administratives. 2- Les sources non écrites du droit constitutionnel Les règles non écrites du droit constitutionnel sont : les règles jurisprudentielles et les règles coutumières. a- Les règles jurisprudentielles ou la jurisprudence constitutionnelle La jurisprudence constitutionnelle est l’ensemble des décisions rendues par les tribunaux ou par les hautes juridictions en matière constitutionnelle. b- Les règles coutumières ou la coutume constitutionnelle La coutume constitutionnelle est un ensemble d’usages ou pratiques, portant sur l’organisation et le fonctionnement du pouvoir, qui se répètent dans le temps et qui finissent par apparaitre comme des règles obligatoires, donc des règles de droit. La coutume comprend deux éléments constitutifs et peut assumer généralement trois fonctions. En définitive, il existe une théorie générale du droit constitutionnel (PARTIE 1) qui permet de découvrir aussi bien les concepts essentiels, mais aussi les éléments fondamentaux de la matière. Cette théorie est construite autour de l’État (Titre I), de la Constitution (Titre II). En outre, il importe également d’aborder dans ce cours la question des régimes politiques (PARTIE 2) Première partie. Théorie générale du droit constitutionnel Titre 1 : L’État L’État est un artifice qui sert de support au pouvoir politique ; c’est une entité abstraite qu’on qualifie de fiction juridique. Il est le support abstrait du pouvoir et permet de fonder le pouvoir politique en dehors de la personne des gouvernants. Le pouvoir est exercé au nom de l’État et non comme un attribut personnel des gouvernants. Ainsi, on évite la patrimonialisation du pouvoir politique pour assurer son institutionnalisation. Le terme « État » connait plusieurs acceptions : - L’État, c’est d’abord le pouvoir central par opposition aux collectivités locales : communes, départements, régions. - L’État désigne aussi les gouvernants pour les différencier des gouvernés ; il évoque les pouvoirs publics dans leur ensemble. On oppose ainsi l’État à la société civile. - Enfin, on appelle État une société politique organisée : L’État ivoirien, L’État français.


Chapitre 1 : définition et organisation de l’Etat Traditionnellement, on définit l’État à un double point de vue. Dans une approche sociologique, l’État est une collectivité humaine vivant sur un territoire donné et soumise à un pouvoir politique. Par contre, dans son acception juridique, selon la célèbre formule de Carré de Malberg, « l’État est une personne morale souveraine ». De ce point de vue, l’État comprend un certain nombre d’éléments constitutifs, de caractères juridiques et de formes juridiques. Section 1. L’existence de l’état Par quels éléments pouvons-nous reconnaître l’existence de l’État étant étendu que l’État est une forme particulière d’organisation politique ? Il faut savoir que l’État est d’abord une construction sociale. Il convient également de comprendre la distinction entre la notion d’État de celles de « Nation » et « Peuple ». §1. L’état, une construction sociale Nous l’avons vu dans les théories que nous avons passées en revue précédemment, l’État est présenté soit comme un phénomène volontaire résultant du contrat social, soit comme un phénomène naturel. Ce sont dans l’ensemble des conceptions plutôt théoriques puisqu’elles ne sont pas forcément assises sur des réalités objectives ou historiques. En fait, nous réalisons que les États ne sont pas des phénomènes naturels, mais plutôt des créations humaines. Si l’État est défini dans la conception occidentale majoritaire comme une évidence, construction déjà achevée, c’est parce que sous la forme qu’on lui connait actuellement, l’État est le produit de l’histoire. « En vérité la formation de l’État n’est jamais un fait simple, anodin et instantané. C’est un processus historique, le produit d’une construction sociale qui se manifeste en général par une domination de toutes sortes, mais en même temps une volonté de s’émanciper ». Particulièrement pour les États africains la formation est plus complexe du fait du processus de colonisation et de décolonisation. 1. Formation de l’État en général L’Etat n’est pas un don du ciel, il résulte de rapports dialectiques entre groupes politiques et groupes sociaux. Le pouvoir est au cœur de la quête d’une identité politique dont on estime que l’aboutissement doit être la formation de l’État. En tant que collectivité humaine qui est en quête d’une identité ou même dont l’unité est déjà constituée, le groupe social qui entend se constituer en Etat est sujet à des processus divers de domination ; cette domination touche au politique, à l’économique, au social et au culturel. L’explication wébérienne de formation de l’État en Europe à partir du phénomène bureaucratique — lui-même en partie lié à des facteurs économiques » est construit sur des réalités historiques. Ces réalités montrent à la fois le processus de domination, mais aussi les efforts accomplis à divers niveaux par les uns pour se libérer, pour s’émanciper. Ce qui explique une double dialectique : d’une part, la tension, la lutte entre l’autonomie et la volonté de perpétuer la dépendance ; d’autre part, la confrontation à l’intérieur des Etats, et au-delà de la relation gouvernants/gouvernés, entre groupes sociaux dominants et groupes sociaux dominés ; sans négliger les identités individuelles et surtout communautaires qui se montrent irrédentistes. Il est extrêmement important de connaitre ces dynamiques si l’on veut appréhender le degré d’attachement des collectivités humaines et de leurs dirigeants à l’égard de la souveraineté et si par ailleurs l’on veut mieux saisir un certain nombre de phénomènes tels que les équilibres sociaux et politiques, l’acceptation de l’idée même de l’État, l’assentiment à l’égard du pouvoir politique, la stabilité de l’État et des institutions. On peut ainsi comprendre l’échec ou le succès des tentatives de constitutions des Etats, la permanence de formes de domination, les visées néocoloniales, etc. Tous ces phénomènes s’expriment plus ouvertement lorsque vient s’y ajouter un processus de colonisation/décolonisation 2. La particularité africaine La colonisation n’est pas un phénomène quelconque ; la décolonisation ne peut par conséquent pas être banale. La formation de l’État par le processus de décolonisation place forcément les peuples (anciennement) dominés ainsi que leurs dirigeants, les institutions des nouveaux concernés dans des rapports ambivalents (ie. La dialectique du traditionnel et du moderne, ou si l’on veut de l’ancien et du nouveau dans la construction de l’ordre juridique ou alors à travers l’idée que la Constitution écrite est « un article imposé ». Lorsque l’État est socialement construit ou en voie de construction, il est alors impossible de l’identifier par les éléments qui permettent de l’appréhender matériellement. Section 2. Les éléments constitutifs de l’État § 1. La population L’État se présente d’abord et avant tout comme une collectivité humaine. Ainsi, il se dégage deux traits essentiels de l’État. En plus, une différenciation doit être faite dans la composante humaine de l’État. Ce qui conduit à distinguer entre la population, la nation et le peuple ; entre les nationaux et les non-nationaux. 1- Les deux traits essentiels de l’État en rapport avec son élément humain L’État revêt deux traits essentiels en rapport avec son élément humain. Il n’est une société primaire et un phénomène de masse : - Le premier trait essentiel de l’État est qu’il n’est pas une société primaire. L’État rassemble une population comprenant des hommes et des femmes aux diverses étapes de leur vie : enfance, adolescence, maturité, vieillesse. Ceux-ci se trouvent bien souvent déjà réunis en famille, en village, en bourgade, en ville et participent au processus de formation de l’État : la forme la plus achevée de l’organisation sociale. - - Le deuxième trait essentiel de l’État est d’être un phénomène de masse. L’État est impressionnant par le nombre d’hommes qui le composent. C’est d’ailleurs ce qui le différencie des autres collectivités telles que les cités, la commune, la région. On sait que la collectivité humaine de l’État est variable. Mais lorsqu’elle ne dépasse pas la population d’une ville ou d’une région donnée, elle peut tout en présentant les caractères juridiques de l’État, ne point avoir le poids politique. C’est le cas notamment de l’État du Vatican. 2— La différenciation dans la composante humaine de l’État Dans la composante humaine de l’État, il faut distinguer entre la population, la nation et le peuple ; les nationaux et les non-nationaux. - La distinction Population – Nation – Peuple La Population est l’ensemble des personnes (hommes, femmes et enfants) vivant (exclusion des morts et des naissances futures) dans un État donné, quel que soit leur état de santé (malade ou non) ou leur statut social (travailleurs, chômeurs, pauvres, riches). Pour que la Population puisse assurer sa pérennité et sa cohésion sociopolitique, elle est appelée à se valoriser en se constituant en une Nation. La Nation est une forme de valorisation de la population qui n’est plus seulement un ensemble d’hommes, mais surtout une unité ou une universalité sociale. En doctrine, on a deux conceptions de la nation : la conception allemande ou objective et la conception française ou subjective. La conception allemande, forgée par Fichte et Treitschke, appréhende la Nation sur la base d’éléments objectifs. La Nation serait ainsi un ensemble de personnes unies par la géographie, la langue, la religion, l’idéologie, et surtout la race. Cette conception germanique de nation-race est à l’origine du génocide du peuple juif et de l’épuration ethnique déclenchée dans l’ex-Yougoslavie à partir de 1991. La conception française, élaborée par Ernest Renan et Fustel de Coulanges, appréhende la Nation sur la base d’éléments subjectifs. La Nation est alors définie comme une mentalité (Maurice HAURIOU), le vouloir-vivre collectif (Renan). En effet, Ernest RENAN écrit : « Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une est le consentement actuel au désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à maintenir l’héritage qu’on a reçu indivis. La nation en bref, c’est le vouloir-vivre collectif. » Au demeurant, il est certes utile de prendre en compte les éléments objectifs dans la définition de la Nation, mais ils ne sont pas à eux seuls déterminants. Il y a lieu de les combiner avec les éléments subjectifs. C’est en cela que Jean GICQUEL et Jean-Éric GICQUEL relèvent : « On entend généralement par nation, un groupement humain dans lequel les individus se sentent unis les uns aux autres par les liens, à la fois, matériels et spirituels et se conçoivent comme différents des individus qui composent les autres groupements nationaux »[3]. La Nation dépasse alors le destin personnel de ceux qui la composent, elle comprend également les générations passées et celles à venir. Le peuple apparaît comme un concept opératoire des systèmes démocratiques qui est bien souvent utilisé comme un moyen de revendication de l’autodétermination d’une communauté politique. Il peut être défini comme l’universalité des citoyens. Selon Philippe ARDANT et Bertrand MATHIEU, « en simplifiant, on peut dire que le peuple est un concept sociologique, la Nation un concept politique et l’État un concept juridique »[4] - La distinction Nationaux – Non nationaux. Au sein de la Population, on distingue généralement les Nationaux des non-Nationaux. Bien que la Population soit un tout comprenant aussi bien les Nationaux que les Non nationaux, il est utile d’établir une distinction sur la base du lien de nationalité. La nationalité est le lien juridique et politique qui unit un individu à un État. Les Nationaux sont donc ceux qui détiennent la nationalité de l’État. Les non-nationaux sont au contraire ceux qui n’ont pas la nationalité de l’État dans lequel ils vivent. § 2. Le territoire L’État est une corporation à base territoriale (Maurice HAURIOU). C’est dire qu’il ne peut se concevoir en dehors d’une emprise géographique délimitée par des frontières ; car le territoire est à la fois le cadre de cohabitation de la population et d’exercice des compétences étatiques. Sans territoire, il n’existe guère de population moins encore de pouvoir politique effectif et souverain. En cela, Carré de MALBERG lui accorde une importance primordiale dans l’existence de l’État. Le territoire se compose d’un espace terrestre, d’un espace maritime et d’un espace aérien. §3. Le pouvoir politique Le pouvoir politique est le phénomène d’autorité par excellence ; il s’agit d’un pouvoir de contrainte ou pouvoir de commandement par lequel les gouvernants, agissant au nom de l’État et dans l’intérêt de la collectivité, exercent leur autorité sur les gouvernés. Il est un facteur permanent de cohésion de la société politique, puisque celle-ci est une association obligatoire pour ses membres, qui lui appartienne d’ordinaire, non par adhésion, mais par situation. 1. Un pouvoir souverain Bodin et sa doctrine de la souveraineté Dans ces antagonismes, Jean Bodin, célèbre philosophe français de l’État, est venu en aide aux princes par sa doctrine de la souveraineté. « La République est un droit gouvernement de plusieurs ménages et de ce qui leur est commun avec puissance souveraine. » La souveraineté signifie dans ce contexte le pouvoir de commandement le plus élevé, « la souveraineté est la puissance absolue et perpétuelle d’une République que les Latins appellent “majestas” ». Selon Bodin, on ne peut parler de souveraineté que lorsque quelqu’un détient durablement le pouvoir de commandement suprême. Cela est le cas du monarque héréditaire, mais encore du monarque à vie ; tous deux ne doivent rendre des comptes à personne. En revanche, le monarque élu pour un temps donné n’est pas souverain ; il revêt seulement une charge. Dans ce dernier cas, la souveraineté réside dans l’aristocratie ou dans le peuple, selon que l’un ou l’autre est habilité à élire le monarque pour une période déterminée. De la souveraineté du monarque à celle du peuple Depuis Bodin, les conceptions de la souveraineté se sont profondément modifiées. L’évolution démocratique, notamment la doctrine du contrat social a fait passer la souveraineté du monarque, souverain traditionnel, au peuple, nouveau détenteur de la souveraineté. Bodin, dont la pensée a marqué de façon décisive la conception de la souveraineté pour les siècles suivants a assimilé – consciemment ou non – la souveraineté organique du monarque à la souveraineté tout court. Par la suite, Rousseau transféra la souveraineté des mains du monarque dans celles du peuple. Chez lui, la souveraineté s’incarne dans la « volonté générale » qui est toujours équitable et juste ; cette idéologie recèle toutefois en elle le danger d’aboutir à une démocratie absolue et totalitaire ou, à tout le moins, d’être interprétée dans ce sens. On ne doit cependant pas perdre de vue que, dans ses réflexions sur la démocratie, Rousseau est toujours parti de l’idée d’une petite communauté restreinte et n’a jamais songé à une grande démocratie centralisée et bureaucratique. Un fait revêt toutefois une importance certaine dans le passage de la souveraineté du monarque à la souveraineté populaire. En effet, alors que chez Bodin les liens du monarque avec le droit divin sont encore essentiels, cette relation transcendantale disparaît avec l’avènement de la souveraineté populaire. Cela conduit à des affirmations du genre de celles qui suivent : le peuple a toujours raison ; les intérêts du peuple prévalent systématiquement ; le peuple ou l’État ne commet jamais d’injustice lorsque la décision est prise dans l’intérêt de l’État ou de la nation. Avec de telles affirmations, les régimes totalitaires, tant fascistes que communistes, ont poussé la souveraineté populaire jusqu’à l’absurde. Implication interne de la souveraineté La souveraineté implique la suprématie absolue du pouvoir politique. Ce pouvoir impose sa volonté à l’intérieur du territoire non seulement aux individus (nationaux, étrangers), mais également à tous les groupements publics et privés (syndicats, partis politiques, organisations religieuses, groupement associatif) et aux activités. Il s’agit de la souveraineté dans l’État. Cependant, cette souveraineté n’est ni omnipotente ni arbitraire. L’État se doit d’appliquer les principes qui fondent le pouvoir. Il ne peut s’affranchir de ces principes qu’en les modifiant ; c’est-à-dire qu’en créant de nouveaux principes qui continueront de le lier ; en d’autres termes, le pouvoir politique, pouvoir suprême, reste soumis aux lois (au Droit). On parle alors d’État de droit. La souveraineté se conjugue avec la légalité et l’État de Droit. Implication externe de la souveraineté Les États qui entraient en relation, échangeaient des ambassadeurs, concluaient des contrats et même se faisaient la guerre durent forcément créer un régime juridique concernant leurs droits et devoirs réciproques. Ce fut Grotius, le grand érudit hollandais du xviie siècle qui a développé pour ces rapports entre les États un droit des gens (gens = la nation) fondé sur le droit naturel. Sa doctrine de la juste guerre, sa distinction entre conflit privé et guerre d’État ainsi que son illustre principe « pacta sunt servanda », tout cela part de l’idée qu’il doit aussi y avoir entre les États un droit qui lie les monarques absolus. Entre eux, les citoyens sont liés par le droit interne de leur État. Dans leurs rapports, les États souverains s’en tiennent, quant à eux, aux règles du droit des gens qui, lui, n’est pas directement applicable aux citoyens. Ledroit des gens, appelé aujourd’hui droit international public, est celui qui est valable pour les États, tandis que le droit interne est celui qui vaut pour les citoyens résidant dans le pays. Le droit des gens légitime les États à conclure des traités entre eux ; en vertu dudit droit, les États signataires des traités sont liés par ceux-ci. Cependant, toujours selon Grotius, les États peuvent également mener une juste guerre, occuper des pays étrangers et traiter les prisonniers de guerre comme des esclaves. Des droits prévus par le droit des gens, seuls les différents États peuvent en jouir. Ceux-ci sont donc les sujets de droit du droit des gens. Les traités permettent d’étendre le droit international public et de créer de nouvelles règles. De la sorte, la doctrine de la souveraineté prend une autre dimension que Grotius n’a toutefois pas encore complètement explicitée. Même Bodin qui parle certes de « ius gentium », mais entend par là aussi bien le droit commun à tous les Etats que celui en vigueur entre eux, n’a pas analysé le droit des gens au sens moderne de cette expression. Cela s’explique par le fait qu’à cette époque un certain consensus régnait encore au sujet des relations entre les États de la communauté chrétienne d’Occident et qu’au Moyen Âge les rapports avec les États qui n’étaient pas chrétiens étaient tout simplement interdits et, par voie de conséquence, échappaient à toute règle de droit. Avant que la doctrine et la jurisprudence ne confèrent aux États le droit de créer de nouvelles règles de droit dans le domaine des relations entre États, il a pourtant fallu énoncer et reconnaître le principe de l’égalité des États. En effet, seul celui qui reconnaît aux États le droit d’établir entre eux des rapports sur un pied d’égalité pourra aussi leur reconnaître la capacité de légiférer sur le plan des relations bilatérales (traités et accords bilatéraux). Ce principe de l’égalité des États fut énoncé par un représentant d’un petit État, à savoir le Neuchâtelois Emer de Vattel(1714-1767). Ce principe a été notablement édulcoré au sein de la communauté moderne des nations et avant tout dans les organisations internationales (cf. W. Schwander ; Th. Fleiner), par exemple sous forme du droit de veto dont disposent les grandes puissances au Conseil de sécurité des Nations unies ou encore par la pondération des voix des Etats aux Communautés européennes (cf. H. P. Ipsen). Malgré cela, ce principe, selon lequel tous les Etats sont souverains et, partant, égaux en tant que sujets du droit des gens, continue d’être reconnu. 2. Un pouvoir effectif et exclusif On dit d’un pouvoir politique qu’il est effectif lorsqu’il exerce son autorité sur un territoire de façon réelle. L’effectivité du pouvoir s’accompagne d’exclusivité. Autrement, il ne peut exister sur un même territoire deux pouvoirs exécutifs concurrents. Il a existé des cas où le pouvoir politique n’exerçait pas son pouvoir sur la totalité de l’espace territorial en raison de mouvement (Côte d’Ivoire, Sierra Leone, Soudan…) ; dans ces cas le pouvoir central s’est engagé dans une lutte pour étendre son autorité à l’ensemble du territoire. L’effectivité du pouvoir est le plus souvent présumée, c’est-à-dire elle est présentée comme existante. 3. Un pouvoir légitime Un pouvoir politique doit être légitime. Dans la conception démocratique, le pouvoir est défini comme légitime s’il est accepté par l’ensemble des gouvernés, ou en tout cas de la majorité de ceux-ci. Dès lors la légitimité apparaît comme une condition de longévité du pouvoir politique. « L’autorité du pouvoir repose sur une base psychologique de consentement ». En effet, peu importe l’angle d’appréciation théorique de la constitution de l’État, il faut reconnaître que le pouvoir a été consenti. Au moins depuis le moyen âge européen, philosophes et théologiens ont préconisé l’idée d’un consentement au pouvoir de l’État. Ce qui diffère dans ces théories se sont les figures de cette légitimité : Pour les partisans de la théorie du contrat social, la logique repose sur l’existence d’un pacte qui fonde l’État et qui justifie l’autorité de l’État ; Pour la théorie institutionnaliste (le Doyen Maurice HAURIOU, Prof. Jean GICQUEL) la naissance de l’État se trouve dans l’idée d’institution. L’État est un organisme collectif créé par un faisceau de volontés qui sont animées par une idée commune : l’idée d’entreprise. L’entreprise dans cette hypothèse est la réalisation de l’ordre social et politique. Pour Max WEBER, il y a trois formes de légitimités par lesquelles se justifie le pouvoir. - La légitimité traditionnelle : fondée sur le pouvoir traditionnel, sur les pratiques ancestrales/les coutumes anciennes - La légitimité charismatique fondée sur le prestige personnel du gouvernant. À l’ère des conquêtes et des guerres, cette légitimité était fondée sur la force et sur l’héroïsme. Dans les États modernes, elle renvoie au pouvoir personnel. - La légitimité légale fondée sur le droit et la compétence Il s’agit d’idéaux, qui ne s’opposent pas en soi, d’ailleurs il peut y avoir une convergence de ces types de légitimité. La légitimité vient comme un discours de qualification pour déterminer le gouvernement consensuel, dès lors le gouvernement même le plus autocratique recherchera toujours les moyens de légitimer son pouvoir. Ainsi le concept de légitimité s’universalise. Pour la majorité des auteurs, le meilleur sinon le seul déterminant de la légitimité c’est la démocratie. Une distinction doit être faite entre les régimes démocratiques (consentis, identifiables par le fait qu’ils reconnaissent l’égalité et la liberté des citoyens ; ils proposent des procédés concurrentiels de conquête du pouvoir) ; et régimes non démocratiques qui ne reconnaissent pas ces principes. Section 3. L’Existence juridique de l’État « L’État est une personne morale souveraine ». Dans cette définition juridique de l’État, telle que proposée par Raymond Carré de MALBERG, l’État revêt deux caractères importants : - L’État est une organisation dotée de la personnalité juridique - L’État est une entité souveraine §1. La personnalité juridique A. Définition de la personnalité juridique Cette personnalité juridique confère à l’État des droits, en même temps qu’il lui impose des obligations. De plus il le place en position d’assumer des responsabilités. Il fut un temps où il y a eu des controverses sur l’existence de cette personnalité juridique ; Aujourd’hui le débat est clos et nul ne conteste ni l’existence ni l’utilité de la personnalité morale dans les systèmes juridiques. B. Implications de la personnalité juridique L’État est une collectivité organisée juridiquement. À ce titre, il est doté de la personnalité juridique. C’est ce qui lui confère l’aptitude à jouir de droit et à être soumis à des obligations. Étant une collectivité publique, l’État est une personne morale de droit public, par opposition aux personnes physiques ou même aux personnes morales de droit privé. À ce titre, il peut ester en justice, avoir un patrimoine et être partie à des traités internationaux. L’État n’est certes pas la seule personne morale de droit public. On a aussi les démembrements de l’État : commune, département, district, qui sont également des personnes morales de droit public. Mais, l’Etat est une personne morale particulière, en ce qu’il est doté de la souveraineté tant interne qu’externe. Le recours à la notion de personnalité morale permet de rendre compte de certains aspects du statut de l’État : - La personnalité de l’État ne se confond pas avec la personnalité de ses dirigeants. Cela a trois conséquences majeures : les dirigeants ne sont pas les titulaires du pouvoir, ils n’en sont que des agents d’exercice ; les décisions prises par les autorités étatiques dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions sont réputées prises non par elles personnellement, mais par l’État ; le patrimoine des gouvernants est distinct du patrimoine de l’État. - La personnalité morale permet à l’État de posséder des biens, passer des conventions, contracter des dettes, engager sa responsabilité. - Enfin, la personnalité morale symbolise l’existence de l’État à l’extérieur et assure la survie de la communauté étatique au-delà de la succession des individus qui la composent. Les gouvernants changent, des citoyens meurent, d’autres naissent, l’État demeure. La personnalité juridique assure la pérennité et la continuité de l’Etat et du pouvoir, via le principe de continuité (les modifications dans les éléments constitutifs de l’Etat). - §2. L’État une entité souveraine La souveraineté est un pouvoir originaire (initial), inconditionné, suprême et juridique. La souveraineté est un pouvoir. Elle n’est pas une simple faculté, elle est un phénomène d’autorité qui se manifeste par la toute-puissance. C’est d’ailleurs le pouvoir des pouvoirs, c’est-à-dire le pouvoir politique dans toute sa plénitude. La souveraineté est un pouvoir originaire (initial). Elle est un pouvoir initial, elle est au début et la fin. C’est dire non seulement qu’elle ne tire son existence d’aucun autre pouvoir, mais qu’au surplus elle est la source de tous les autres pouvoirs de l’État, dans l’État et hors de l’État. La souveraineté est un pouvoir inconditionné. Elle ne dépend d’aucun autre pouvoir ; elle n’est soumise à aucun autre pouvoir. C’est en cela qu’on dit que la souveraineté est un pouvoir absolu, un pouvoir illimité. La souveraineté est un pouvoir suprême. Elle est un pouvoir non subordonné, c’est-à-dire un pouvoir supérieur à tout autre. La souveraineté est un pouvoir de droit. Elle est certes un pouvoir suprême, mais pas un pouvoir arbitraire. Dans un État de droit, la souveraineté tire son autorité du droit. C’est la constitution qui détermine les pouvoirs du souverain. 2— Les formes de la souveraineté On peut envisager les formes de la souveraineté sous deux aspects : les formes de définition et les formes d’expression. - Les formes de définition de la souveraineté : souveraineté interne et souveraineté externe ou internationale Traditionnellement, dans la définition de la souveraineté, les auteurs opèrent une distinction entre la souveraineté interne et la souveraineté internationale. La souveraineté interne. Elle est celle que l’État exerce sur son territoire, à l’intérieur de ses frontières. La souveraineté externe ou internationale. Elle est celle que l’État exerce à l’extérieur de ses frontières dans ses relations avec les autres États. Aucun État ne peut imposer unilatéralement ses intérêts à un autre. Toute ingérence dans les affaires intérieures des États est interdite. - - Les formes d’expression de la souveraineté : souveraineté populaire et souveraineté nationale La souveraineté s’exprime sous deux principales formes. La doctrine distingue la souveraineté populaire et la souveraineté nationale. La souveraineté populaire. C’est dans la théorie « du contrat social » de Jean-Jacques ROUSSEAU que se trouve le fondement de cette forme de souveraineté. Selon cette théorie, la souveraineté se trouve dans une entité concrète, le peuple, constitué par l’addition des individus. La souveraineté se trouve donc dans l’universalité des citoyens. Cette théorie, assurément plus attrayante pour l’idéal démocratique, présente des implications opposées à celles de la souveraineté nationale : la souveraineté s’exprime par la participation ; la souveraineté est divisible en autant de fractions qu’il y a de citoyens ; l’électorat est un droit ; le mandat est impératif. La souveraineté nationale. C’est à l’Abbé SIEYES que l’on doit d’avoir élaboré dans « Qu’est-ce que le tiers État ? », cette théorie qui postule que la souveraineté est l’attribut d’une personne morale qui est la nation. Selon SIEYÈS, la souveraineté appartient à une entité abstraite, une fiction : la nation. Cela entraine certaines implications : la souveraineté doit s’exprimer par des représentants, puisque la nation, entité abstraite ne peut s’exprimer par elle-même ; la souveraineté est indivisible et inaliénable ; l’électorat est une fonction et non un droit ; le mandat est représentatif. Les systèmes constitutionnels combinent la souveraineté populaire et la souveraineté nationale. Mais, dans leur grande majorité, ils accordent une primauté à la souveraineté nationale. Par exemple, l’article 31 de la constitution ivoirienne de 2000 à l’image de l’article 3 de la constitution de 1960 dispose : « La souveraineté appartient au peuple. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice ». Section 4. Les formes de l’État Distinction entre formes d’État et formes de gouvernements. La forme du gouvernement est déterminée par le nombre de titulaires du pouvoir et la manière dont ces titulaires sont désignés. Quant à la forme d’organisation de l’Etat, elle est définie comme « la forme de l’ordre juridique de l’Etat, l’espace de validité territoriale de ses normes et la manière dont elles sont posées ». Autrement dit la question des formes de l’État renvoie à la structure du pouvoir étatique. §1. État unitaire 1. La notion d’État unitaire L’État unitaire appelé également État simple est la forme la plus simple d’organisation de l’État. C’est une forme d’État caractérisée par l’unicité de chacun de ses éléments constitutifs. De cette unicité découle une simplicité de fonctionnement. Dans ce type d’État, en effet, il existe un seul centre d’impulsion politique et un ordonnancement juridique unique. Une seule volonté politique s’impose à l’ensemble des citoyens. Sur le territoire de l’État, l’ensemble de la population est soumis aux mêmes lois. La Côte d’Ivoire est un exemple d’État unitaire. En effet, toute la populaire vit sur un territoire unique et est soumise aux lois. Le principe d’unité de l’État impose des limites aux pouvoirs des collectivités territoriales, y compris lorsqu’il leur est reconnu une certaine autonomie ; ces collectivités s’administrent elles-mêmes, elles ne gouvernent pas comme c’est le cas pour les entités fédérées. Le principe d’unité de l’État a des implications quant aux éléments constitutifs, de même qu’il a également des conséquences relativement à la révision constitutionnelle. La très grande majorité des États africains adopte également ce type d’État qui peut toutefois être diversement aménagé ; ce qui signifie que le fédéralisme en Afrique a un caractère exceptionnel (ex. : le Nigéria, l’Éthiopie). 2. L’organisation de l’État unitaire Il peut être centralisé ou décentralisé L’État unitaire centralisé : l’État unitaire est centralisé, les décisions aussi bien politiques qu’administratives relèvent du pouvoir central. Il n’y a pas d’intermédiaire entre le pouvoir central et les gouvernés. Les variantes sont la concentration (l’État concentré met directement en relation le pouvoir central et la population. Il n’existe pas de relai entre ces deux niveaux, même lorsqu’il s’agit de l’application des décisions gouvernementales, une approche pas assez réelle) et la déconcentration (le pouvoir central nomme les agents qui le représentent dans les localités. Les agents ainsi nommés sont soumis à l’autorité hiérarchique du pouvoir central). L’État unitaire décentralisé : technique par laquelle l’Etat reconnaît à des collectivités territoriales (décentralisation territoriale) et services publics (décentralisation technique) qu’il crée, le pouvoir de s’auto-administrer. La décentralisation est régie par un certain nombre de principes notamment : - La reconnaissance d’affaires propres (compétences propres) - L’attribution d’une personnalité juridique aux collectivités décentralisées - L’élection des organes décentralisés par les citoyens - L’existence d’un rapport de tutelle entre le pouvoir central et les collectivités territoriales Le plus souvent, la décentralisation se superpose généralement à l’existence d’autorités déconcentrées §2. État composé ou État complexe Les formes composées d’État posent un véritable problème dans leur identification ; cela dans la mesure où il existe plusieurs niveaux intermédiaires entre l’État unitaire et l’État fédéral ou fédérations. Ces situations intermédiaires dans l’organisation étatique conduisent à relativiser la classification traditionnelle des États composés, qui consiste à distinguer la fédération et la confédération. Cela pour deux raisons fondamentales. La première raison est qu’au regard des critères juridiques de l’État, seul l’État fédéral ou fédération a la nature d’État composé. La confédération d’État n’étant qu’un composé d’État. La deuxième raison est que des situations nouvelles sont apparues dans l’existence des États ; celles-ci ne peuvent être ignorées dans l’Étude des formes d’État. C’est le cas des États régionaux ou États autonomiques. 1- L’État fédéral La spécificité de l’État fédéral tient à son processus de formation et à sa structure organisationnelle. Le processus de formation de l’État fédéral L’État fédéral ou fédération est un État à part entière et composé dans sa structure de plusieurs entités dites Etats fédérés. L’État fédéral est une union d’États constituée sur la base d’un acte juridique de droit interne, une constitution dite constitution fédérale ou encore pacte fédéral. L’État fédéral apparaît en 1787 aux États-Unis : des États préexistants décident de s’unir pour constituer ensemble un État fédéral. Ce processus de formation de l’État fédéral est désigné par le terme de fédéralisme par association ou par intégration, qui s’oppose au fédéralisme par dissociation ou par désintégration. Le fédéralisme par intégration est le fait d’une union entre plusieurs États unitaires qui décident de former un seul et même État. C’est l’exemple de la plupart des États fédéraux occidentaux : Canada, Confédération helvétique, États-Unis d’Amérique. La fédération par association se construit le plus souvent entre des États unitaires qui conviennent dans un premier temps de constituer une confédération et, dans une seconde phase, de passer à la fédération en tentant de réaliser un équilibre entre d’une part le rapprochement des intérêts et des structures étatiques et d’autre part la préservation des formes étatiques plurielles. On parle de fédéralisme par dissociation lorsque par exemple à la suite d’une décentralisation réussie, les collectivités décentralisées se transforment en Etat fédéral dans le souci d’une meilleure organisation. Ainsi que le résume bien un auteur : « ce mode de passage au fédéralisme convient particulièrement aux États qui comptent sur leur territoire des nationalités diverses et dont les modes de vie ou la langue sont différents et parfois dont l’antagonisme est traditionnel (l’Union soviétique en 1924) » et l’auteur poursuit : « il convient aussi aux États qui souhaitent accorder à leurs régions ou provinces une autonomie nettement plus large que celle qui pourrait résulter des mesures de décentralisation territoriale »[5]. L’organisation structurelle et fonctionnelle de l’État fédéral L’État fédéral est organisé sur la base de trois principes fondamentaux qu’on appelle les principes (organisateurs) ou les lois du fédéralisme : le principe d’autonomie, le principe de participation et le principe de supériorité ou de suprématie. Le principe d’autonomie. Il prescrit que les entités fédérées s’organisent de façon autonome. À ce titre, elles se dotent d’une constitution et d’institutions propres. Elles ont ainsi un gouvernement, un parlement et des tribunaux. L’autonomie signifie que chaque État fédéré a des compétences propres qui sont distinctes des compétences de l’État fédéral. Les procédés de distribution des compétences sont de trois sortes. De façon générale, on reconnaît aux entités fédérées une compétence de principe en attribuant aux organes fédéraux des compétences limitativement énumérées. Les États fédérés disposent ainsi de compétences de principe ou de compétences résiduelles alors que la fédération bénéficie de compétences d’attribution. Exemple : les États-Unis d’Amérique. Le principe de participation. Ce principe postule que tous les États fédérés doivent participer à la vie de la fédération. Cette participation est organique et fonctionnelle. La participation organique implique que les États fédérés envoient des représentants au sein des organes de l’État fédéral, notamment au parlement. C’est en cela que le parlement dans l’État a une structure bicamérale. On parle du bicaméralisme ou bicamérisme. Il s’agit d’un parlement à deux chambres. Une chambre qui représente les États : Sénat aux États-Unis d’Amérique. Une chambre qui représente les populations de la fédération : la Chambre des représentants aux États-Unis d’Amérique. La participation fonctionnelle est réalisée à travers la participation des représentants des États fédérés au processus de décision, d’élaboration des lois… Le principe de supériorité ou de suprématie. Il énonce que l’ordre juridique de l’État fédéral est au-dessus, c’est-à-dire supérieur aux ordres juridiques des États fédérés. L’État fédéral apparaît alors comme un super-État dont la constitution, constitution fédérale, sert de base à l’organisation juridique des États fédérés. Le juge constitutionnel est ainsi appelé à veiller sur la suprématie de la constitution fédérale sur les constitutions des entités fédérées. C’est dire que la souveraineté internationale n’est reconnue seulement qu’à l’État fédéral. Les États fédérés sont certes investis d’une autonomie, mais demeurent relier à l’État fédéral. Ils ne sont donc pas indépendants de l’État fédéral. 2- L’État confédéral ou confédération est un composé d’État La confédération est une association d’Etats composée sur la base d’un acte juridique de droit international en vue d’exercer, par l’intermédiaire d’organes communs, un certain nombre de compétences dans divers domaines, notamment en matière douanière, financière ou économique. L’acte constitutif de la confédération est un traité qu’on désigne sous l’expression de pacte confédéral. Dans cette association, chaque État membre conserve sa souveraineté aussi bien interne qu’internationale. Les décisions sont prises à l’unanimité des membres et sous réserve de ratification ; car les décisions prises par la confédération ne sont pas directement applicables dans l’ordre juridique interne des États membres. Les structures à caractère intergouvernemental de la fédération sont sommaires et fragiles : il s’agit de la Diète ou de l’Assemblée de délégués des États. Tout État membre peut se retirer de la confédération à tout moment. C’est dire que la confédération n’est pas un État composé, mais plutôt un composé d’États. La confédération constitue une forme assez particulière d’État composé, qui n’est pratiquement plus représentée dans la société internationale d’aujourd’hui. On distingue ainsi les confédérations anciennes ou géographiques (la Confédération des États-Unis de l’Amérique du Nord de 1778 à 1787, la Confédération helvétique du XIVe siècle à 1848, la confédération germanique de 1815 à 1866) et les confédérations actuelles ou économiques (Conseil de l’entente, la Communauté européenne du charbon et de l’Acier...). 3- L’État régional L’État régional ou Etat autonomique ou encore Etat des autonomies se situe dans une position intermédiaire entre l’État unitaire classique et l’État fédéral. Il se caractérise par la reconnaissance d’une véritable autonomie politique au profit d’entités, régions ou communautés autonomes, qui sont dotées d’un pouvoir normatif autonome. À cet égard, l’État régional se rapproche de l’État fédéral et correspond à la prise en compte de certaines spécificités ethniques, culturelles, linguistiques, religieuses. Mais à la différence de l’État fédéral, la structure étatique reste unitaire, en ce qu’il existe un contrôle sur les actes des collectivités régionales et que celles-ci ne disposent pas d’un pouvoir constituant ou d’auto-organisation. C’est le cas de l’Espagne et de l’Italie. Aujourd’hui, il faut noter qu’il ne reste plus que deux types principaux d’États composés qui se rejoignent sous le concept de fédéralisme. Ces deux variantes sont constituées par l’État fédéral et la confédération d’États. Chapitre 2. Les fonctions de l’État Section 1. Fonctions politico-sociales : de l’État gendarme à l’État providence §1. État gendarme La notion d’État « gendarme » qui a prévalu au cours du XIXe siècle et jusqu’à la Première Guerre mondiale est fondée sur la restriction du rôle de l’État. Celui-ci ne doit intervenir que pour assurer un minimum de règles indispensables à l’organisation sociale. Sur le plan économique, l’État et ses collectivités dérivées devraient s’interdire à toute activité économique sous l’effet du principe du laisser-faire, laisser-aller. Sur le plan social, l’intervention de l’État s’inscrit plus particulièrement dans un souci de maintien de l’ordre public. Le rôle de l’Etat se limite donc aux fonctions de souveraineté : maintien del’ordre, défense nationale, politique étrangère, justice, protection de l’ordre économique…. Les tenants de cette doctrine estiment que tout autre le positionnement minimal de l’État sur ses fonctions régaliennes est défendu par les libéraux de l’école classique et néo-classique et les libertariens monarchistes. Intervention del’État est abusive, dangereux pour la liberté, pour le progrès social. Au cours de la première moitié du XXe siècle, avec l’avènement de l’Etat moderne, celui-ci étend ses domaines d’intervention à l’économie et au social. C’est la transition de l’État gendarme à l’État-Providence. §2. État providence L’État-Providence est une conception de l’État où celui-ci étend son champ d’intervention et de régulation dans les domaines économiques et sociaux. Elle se traduit par un ensemble de mesures ayant pour but de redistribuer les richesses et de prendre en charge différents risques sociaux comme la maladie, l’indigence, la vieillesse, l’emploi, la famille... L’État-Providence est fondé sur la solidarité entre les différentes classes sociales et la recherche de la justice sociale. Les premiers systèmes d’assurances maladie et vieillesse ont été mis en place à la fin du XIXe siècle dans l’Allemagne de Bismarck, avec l’objectif d’éviter la propagation des idées révolutionnaires dans la classe ouvrière. Dans les années 1930, après la grande crise de 1929, l’Etat-Providence, sous le nom de « Welfare State », s’est développé au Royaume-Uni, aux États-Unis et dans les pays scandinaves afin d’éviter l’implosion du capitalisme, par l’instauration d’un système de redistribution des richesses vers les plus pauvres. Les économistes keynésiens présentent l’État-Providence comme un système efficace, car l’augmentation des revenus des plus démunis se traduit automatiquement par une augmentation équivalente de la consommation et donc de la demande, facteur de croissance engendrant un cercle vertueux. Le principe de l’État-Providence a été remis en question au début des années 1980 à cause du niveau élevé des prélèvements obligatoires qu’il implique et de son effet néfaste sur l’initiative. L’objectif de l’État providence est d’assurer la justice sociale, il s’agit de créer les conditions de l’épanouissement de tous les individus en leur reconnaissant des droits économiques et sociaux et en luttant contre les inégalités les plus criantes. Le système s’est bâti sur deux logiques différentes : — Une redistribution horizontale (ou système d’assurance) : les individus cotisent par leur travail pour s’assurer contre un risque (maladie, chômage, retraite...). C’est le système principal en France. — Une redistribution verticale (ou système d’assistance) : les ménages subissent des prélèvements obligatoires pour financer l’aide aux plus démunis ou ceux qui ont un besoin particulier (bourses d’études, RSA...). Section 2. Fonctions juridiques : théorie de la séparation des pouvoirs Si l’on convient que la démocratie directe, c’est-à-dire le gouvernement par le peuple lui-même, est en pratique difficilement réalisable dans les États modernes, le recours à la démocratie représentative devient alors inévitable. De ce point de vue, la séparation du pouvoir se présente comme le principe qui offre la meilleure organisation du gouvernement. Ce qui suppose une précision de la signification de ce principe et la détermination de sa portée. §1 – les origines de la théorie 1. Les origines historiques Précurseurs lointains : Aristote. Il distinguait « l’Assemblée générale délibérant sur les affaires publiques, les corps des Magistrats et le corps judiciaire » Politique, IV, 8 — Marsile de Padoue Il stigmatise la concentration des fonctions principales de l’État dans les mêmes mains (DéfensorPacis 1377) Le véritable précurseur : John LOCKE (1632-1704) Le philosophe anglais développera sa conception dans son « Traité du gouvernement civil » (1690). Elle est proche de celle de Montesquieu puisque : — il distingue trois fonctions : — législative : élaborer les lois — exécutive : « parce que les lois qui sont une fois et en peu de temps faites, ont une vertu constante et durable, qui oblige à les observer et à s’y soumettre continuellement, il est nécessaire qu’il y ait toujours quelque puissance sur pied qui fasse exécuter ces lois » — fédérative : le pouvoir fédératif « est chargé de la sécurité et des intérêts extérieurs » — il constate la nécessité d’une séparation : « La tentation de porter la main sur le pouvoir serait trop grande si les mêmes personnes qui ont le pouvoir de faire les lois avaient aussi entre les mains le pouvoir de les faire exécuter, car elles pourraient se dispenser d’obéir aux lois qu’elles font » 2. Origine idéologique De toute évidence, chez Aristote comme chez John LOCKE, il s’agissait d’une analyse des tâches de l’État. Ces deux auteurs ont mis en évidence un certain nombre de fonctions du pouvoir ou de l’État. Pour Aristote, la séparation des fonctions tient à : délibérer, commander, juger. Pour John LOCKE, elle renvoie à : faire la loi, exécuter la loi, mener les relations avec l’étranger. Si Aristote avait entrevu la distinction des tâches, il revient à John LOCKE d’avoir compris qu’elles peuvent être exercées par des organes distincts. Mais, la théorie de la séparation des pouvoirs n’a été véritablement développée et systématisée que par Charles-Louis DE SECONDAT dit MONTESQUIEU. Le pouvoir est l’ennemi de la liberté : la liberté est la chose la plus précieuse pour un citoyen : « La liberté politique, dans un citoyen, est cette tranquillité d’esprit qui provient de l’opinion que chacun a de sa sûreté » MONTESQUIEU L’esprit des lois Livre XI Chapitre VI. C’est le pouvoir qui peut porter atteinte à cette liberté : « La démocratie et l’aristocratie ne sont point des états libres par leur nature. La liberté politique ne se trouve que dans des gouvernements modérés. Mais elle n’est pas toujours dans des gouvernements modérés. Elle n’y est que lorsqu’on n’abuse pas du pouvoir : mais c’est une expérience éternelle, que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites. Qui le dirait ! la vertu même a besoin de limites » Livre XI Chapitre IV Comme le pouvoir appelle le pouvoir, il faut limiter le pouvoir, le modérer. Seul le pouvoir peut arrêter le pouvoir : les stratégies de limitation du pouvoir sont multiples. On pourrait penser à la limitation par le Droit. Mais le magistrat qu’est Montesquieu sait qu’elle n’est pas toujours efficace, aussi, en empiriste qu’il est également, préfère-t-il opposer du pouvoir au pouvoir. « Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses le pouvoir arrête le pouvoir. » Livre XI Chapitre IV Afin d’en arriver là, il faut diviser le pouvoir, c’est-à-dire séparer les pouvoirs. 3— Le principe et la justification de la séparation des pouvoirs Même si la lecture classique de Montesquieu telle que proposée par les auteurs tend à dénaturer sa pensée, en droit constitutionnel, le principe et la signification de la séparation résultent globalement de sa théorie. ⃰ Le principe La théorie de la séparation des pouvoirs repose sur le postulat de répartition des fonctions entre trois organes indépendants les uns des autres. Ces trois organes distinctement séparés forment chacun un démembrement du pouvoir. Montesquieu distingue ainsi le pouvoir de faire les lois (pouvoir législatif), le pouvoir de les exécuter (pouvoir exécutif) et le pouvoir de juger les crimes et les différends, ou conflits (pouvoir judiciaire). La justification On peut relever quatre arguments de justifications du principe de la séparation des pouvoirs. — Le principe de la séparation permet de repartir l’exercice de la souveraineté entre différents organes dont aucun ne peut avoir le monopole de la représentation de la Nation dans son entier. — Le principe de la séparation des pouvoirs permet de réaliser la modération du pouvoir : « c’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser. Il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites. Qui le dirait ? La vertu même a besoin de limites […] Pour former un gouvernement modéré, il faut combiner les puissances, les régler, les tempérer, les faire agir, donner pour ainsi dire un lest à l’une pour le mettre en état de résister à une autre ». En effet, séparés et distribués, les pouvoirs vont se limiter les uns des autres par ce que les Américains appellent un système de « freins et de contrepoids » (checks and balances) — Le principe de la séparation des pouvoirs ne conduit pas à un isolement des pouvoirs. Ils sont plutôt appelés à agir de concert. Il y a donc une nécessité de la collaboration entre les pouvoirs. — Le principe de la séparation des pouvoirs emporte égalité, mais aussi indépendance des pouvoirs. Cependant, l’égalité n’est pas totale, car Montesquieu accorde une certaine supériorité du pouvoir législatif sur les deux autres pouvoirs. D’ailleurs, il estime même que l’autorité politique du pouvoir judiciaire est « en quelque façon nulle ». Pour éviter que cette suprématie du pouvoir législatif ne devienne une domination, il faut donner au Gouvernement et au juge les moyens de défendre leur indépendance. Section 3- Les institutions étatiques Paragraphe 1- La légitimation des institutions : la légitimité démocratique Pour que le pouvoir politique puisse s’imposer convenablement, il est utile qu’il soit légitime, c’est-à-dire conforme à la volonté du peuple aussi bien dans sa dévolution que son exercice. En effet, « Certains auteurs estiment à juste titre aujourd’hui que le meilleur et sans doute, le seul déterminant de la légitimité, c’est la démocratie »[6] Ainsi, l’idée semble être acquise qu’on s’achemine de plus en plus, aussi bien dans l’ordre interne que dans l’ordre international, vers une légitimité démocratique[7]. En droit constitutionnel, l’acte solennel par lequel le peuple traduit sa volonté suprême est la constitution ou loi fondamentale de l’Etat. C’est donc la constitution qui définit les règles de dévolution et d’exercice du pouvoir. Le pouvoir légitime est donc celui qui est conforme aux exigences constitutionnelles[8] : On pourrait ainsi parler d’une légitimité constitutionnelle. De ce point de vue, le droit constitutionnel apparait comme une technique de légitimation du pouvoir d’Etat en ce qu’il en définit le régime juridique. Dans un Etat de droit, la dévolution du pouvoir politique s’opère par les procédés établis par la constitution selon des modalités déterminées. A- Les procédés de dévolution constitutionnelle du pouvoir Bien qu’il existe plusieurs procédés possibles de dévolution du pouvoir ; les constitutions contemporaines n’en consacrent que deux principaux tout en déployant des mécanismes d’endiguement de l’auto-investiture. 1- Deux principaux procédés : l’élection et l’hérédité L’élection est aujourd’hui le procédé démocratique le plus fréquemment utilisé pour la dévolution constitutionnelle du pouvoir, même s’il a coexisté avec d’autres procédés qui, dans le temps, ont presque perdu de leur intérêt ; notamment, l’hérédité, la cooptation, le tirage au sort. - L’hérédité a été historiquement le moyen le plus courant d’accession au pouvoir ; - La cooptation : les gouvernants eux-mêmes choisissent leurs successeurs. Toute intervention des citoyens est écartée dans la dévolution du pouvoir. - Le tirage au sort : Les charges de l’Etat sont tirées au sort entre tous les citoyens et celui désigné par le tirage devient le titulaire du pouvoir. Les constitutions modernes ne retiennent que le procédé de l’élection et le procédé de l’hérédité. ⃰ La dévolution du pouvoir par le procédé de l’élection. L’élection (du latin, electio : choix) est l’opération par laquelle plusieurs individus ou groupes, formant un collège électoral, investissent une personne d’un mandat ou d’une fonction par un vote. Etant entendu que le vote est lui-même l’action par laquelle un membre d’une assemblée délibérante ou un électeur participe au scrutin en exprimant son opinion selon la procédure prévue. ▪ Généralité sur l’élection Les considérations générales sur l’élection permettent de mettre en évidence les notions voisines, les différents types d’élections, les fonctions de l’élection, les rapports entre élections et conflits sociaux. - Les notions voisines : Le Collège électoral désigne l’ensemble des personnes disposant du droit de participer au processus électoral ou même à un référendum ; Le Référendum est une votation qui soumet une loi (ordinaire ou constitutionnelle) à l’approbation de l’ensemble du corps électoral. Le Scrutin renvoie à l’ensemble des actes constituant l’opération électorale proprement dite : il comprend le dépôt par les électeurs de leur vote, le dépouillement et la proclamation des résultats. Le Suffrage est, dans un régime démocratique, le moyen par lequel le peuple ou la nation manifeste sa volonté. - Les différents types d’élections On distingue traditionnellement : les élections politiques, les élections administratives et les élections sociales. Les élections politiques sont celles tendant à la désignation des autorités politiques et dont le contentieux relève de la compétence du Conseil constitutionnel. Il en va ainsi de l’élection des députés (élection législative) et de l’élection du Président de la République (élection présidentielle). L’élection administrative est l’opération électorale par laquelle sont désignés les représentants des organes dirigeants des collectivités territoriales ou autres structures administratives. Les élections sociales sont toutes les autres formes résiduelles d’élections (élections syndicales, élections associatives…). - Les fonctions de l’élection Dans les sociétés politiques, le processus électoral exerce deux fonctions : une fonction politique et une fonction sociale. Une fonction politique et constitutionnelle qui est la légitimation du pouvoir. Le pouvoir issu est des élections est un pouvoir démocratiquement consenti et donc constitutionnellement légitime. Une fonction sociale qui est cohésion sociale. L’élection réunit les citoyens pour le choix à faire en commun et rassemble la nation autour de son destin commun : la continuité de l’Etat. ▪ Le système électoral Le système électoral est constitué par l’ensemble des règles juridiques qui déterminent la manière dont il est possible de se porter candidat (individuellement, en liste, avec ou sans parrainage) et d’être élu (règles de majorité). En théorie, il existe plusieurs types de suffrage et de modes de scrutin parmi lesquels chaque Etat est amené à faire un choix. - Les différents types de suffrages On distingue généralement deux principaux types de suffrages (le suffrage restreint et le suffrage universel) et des catégories secondaires. Le suffrage restreint limite le droit de vote à certaines catégories de personnes selon des critères ou des conditions de fortune, d’instruction et de sexe : Le suffrage censitaire est le système qui subordonne la capacité électorale des citoyens au paiement par eux d’un minimum d’impôt direct (le cens)[9], c’est-à-dire à la possession d’une certaine fortune ou d’un certain revenu. Le suffrage capacitaire est le système qui fait coïncider la capacité électorale avec l’aptitude intellectuelle du citoyen à comprendre et à participer en toute responsabilité au vote (scrutin). Le suffrage masculin a prévalu, pendant longtemps en divers lieux, excluant le suffrage des femmes. Le suffrage universel accorde le droit de vote à un nombre important de citoyens, excluant ou réduisant ainsi au minimum les restrictions fondées sur la fortune, les aptitudes intellectuelles et le genre. Le suffrage universel est apparu dans le régime électoral ivoirien avec la loi-cadre de 1956 et appliqué pour la première fois aux élections de 1957. Les catégories secondaires de suffrages sont des modalités d’exercice du droit de suffrage. Ce sont : Le suffrage direct qui permet à l’électeur de participer directement à la désignation des gouvernants ou au processus de prise d’une décision politique. Le suffrage indirect permet aux citoyens de désigner les personnes (grands électeurs aux Etats-Unis d’Amérique) habilitées à élire les gouvernants. Ces catégories secondaires se combinent généralement avec les formes principales de suffrage et exercent une certaine portée politique. On a par exemple, le suffrage universel direct et le suffrage universel indirect. - Les modes de scrutin Le mode de scrutin est le système selon lequel sont répartis, dans une assemblée élective, les sièges, entre les circonscriptions et entre les candidats. Il existe plusieurs modes de scrutin : ▪ Scrutin uninominal / Scrutin de liste (ou scrutin plurinominal). Cette distinction se fonde sur le nombre d’élus à désigner ou sur le nombre de sièges à pouvoir dans une circonscription donnée. Dans le scrutin uninominal, l’électeur vote pour un seul candidat : chaque bulletin de vote ne porte qu’un seul nom. Au contraire, dans le scrutin de liste, l’électeur vote pour plusieurs candidats qui figurent sur une même liste ou sur un même bulletin de vote. Lorsque l’électeur est tenu de voter une liste entièrement sans aucune possibilité de réaménagement, l’on parle de scrutin de listes bloquées. Par contre, dans les scrutins de listes réaménagées, l’électeur peut réaménager l’ordre de présentation à l’intérieur d’une liste, par exemple en intervertissant l’ordre de disposition des candidats, le scrutin est dit de liste avec vote préférentiel. ▪ Scrutin majoritaire / scrutin proportionnel. Cette deuxième distinction est fondée sur le nombre ou le pourcentage de voix requis pour qu’un candidat soit déclaré élu : Le scrutin majoritaire permet l’élection du candidat (scrutin majoritaire uninominal) ou de la liste (scrutin majoritaire de liste) qui a obtenu le plus grand nombre de voix (suffrages exprimés) Le scrutin majoritaire peut être à un tour ou à deux tours. Dans le premier cas, est immédiatement élu le candidat ou la liste de candidats qui a obtenu le plus grand nombre de voix, même à la majorité relative ou simple. Ce système est certes efficace en ce qu'il produit une majorité politique stable et homogène ; mais il produit : · Une déformation de la représentation parlementaire en raison de l'inégalité entre les deux partis politiques venant en tête et de l'effacement du parti tiers. · Une divagation du scrutin. En effet, des résultats aberrants peuvent être obtenus si les suffrages ne sont pas harmonieusement repartis. On peut être majoritaire en nombre de sièges obtenus sans forcement l’être dans l'opinion. En résumé, le scrutin majoritaire à un tour : - est injuste, brutal et peu représentatif. - donne au paysage politique une stabilité et une homogénéité : l’électeur sait ce qu’il doit faire de son bulletin de vote. - favorise le bipartisme. - favorise l’alternance au pouvoir, c’est-à-dire la rotation de deux partis entre les positions majoritaire et minoritaire. Dans le second cas, est élu au premier tour, le candidat ou liste de candidats qui a obtenu la majorité absolue, c’est-à-dire la moitié des voix plus une. Lorsqu’il y a un ballottage entre les candidats, cela signifie que la majorité absolue n’a pu être obtenue au premier tour par aucun d’entre eux ; le candidat qui obtient la majorité simple ou relative des voix au second tour est déclaré élu. - Les effets sur la psychologie de l’électeur : les réactions et les stratégies des partis politiques à l’occasion du deuxième tour ont un effet incontestable sur l’électeur. Ce qui est bien résumé par les auteurs d’un manuel : " au premier tour, il est possible à l’électeur de se prononcer pour le candidat de son choix même si celui-ci n’a aucune chance de l’emporter. Il fait ainsi connaître son opinion et apporte son soutien à l’une des forces politiques en compétition. Mais entre le premier et le deuxième tour, des retraits, des maintiens et des désistements interviennent et ont généralement, pour peu que les électeurs suivent les consignes données par les candidats, un effet décisif. Au deuxième tour, l’électeur doit se déterminer en fonction des conditions nouvelles et particulières du rapport des forces en présence ; et c’est ce qui explique, s’il n’a pas la chance de voir son candidat du premier tour demeurer en course, qu'il soit conduit à porter son suffrage sur le candidat le moins éloigné de ses opinions ou encore sur le candidat le mieux placé pour tenir en échec le candidat à qui il veut absolument barrer la route. Au premier tour, c’est la sympathie pour le candidat que manifeste l'électeur. Au deuxième tour, et à défaut de son candidat, c’est l’antipathie qu'il manifeste pour certains candidats. (Pierre PACTET et Ferdinand MELIN-SOUCRAMANIEN, Institutions politiques et Droit constitutionnel). C'est pourquoi selon l’expression bien connue : " au premier tour, on choisit ; au deuxième tour, on élimine. - Les effets sur la représentation parlementaire et sur le système des partis : les effets du scrutin majoritaire à deux tours sont identiques à ceux du scrutin à un tour ; mais moins atténués. Certes, ce mode de scrutin favorise le multipartisme, mais dans des proportions raisonnables. En raison des désistements et des coalitions, on assiste à une bipolarisation progressive du champ politique (voir système des partis) de sorte que le parti politique qui refuse de se placer dans une logique de coalition, se marginalise et il risque ainsi de disparaître du champ politique. Le scrutin majoritaire à deux tours est un scrutin quelque peu injuste, mais relativement efficace. Il suscite des coalitions capables de gouverner, à condition que les partis politiques qui les composent soient solidaires et disciplinés. Le scrutin proportionnel est un scrutin de liste ou scrutin plurinominal qui permet d’attribuer les sièges entre les listes en présence proportionnellement au nombre de voix qu’elles ont recueillies. Le calcul des sièges s’opère selon différentes méthodes. Les plus usitées sont la méthode des plus forts restes et la méthode de la plus fortes moyennes. La représentation proportionnelle aboutit à une plus grande justice puisque l'opinion est proportionnellement représentée. La classe politique est la représentation fidèle des convictions du pays. Mais elle conduit à un multipartisme " sauvage " qui rend le pays difficilement gouvernable. Les coalitions politiques nécessaires à la mise en place du gouvernement sont fluctuantes, instables, éphémères et conjoncturelles. Ce sont même les petits partis qui ont tendance à dicter leurs lois. Ce système conduit à une emprise des partis sur la démocratie puisque ce sont eux qui arrêtent les listes, en établissant par ailleurs l'ordre de préséance de leurs candidats respectifs. ⃰ La dévolution du pouvoir par le procédé de l’hérédité La dévolution du pouvoir par le procédé de l’hérédité est en perte de vitesse et paraît par conséquent, à ce jour, est peu répandue. Ce procédé de la dévolution héréditaire du pouvoir se pratique dans les monarchies constitutionnelles, notamment en Grande-Bretagne où la couronne se transmet par voie héréditaire. En Afrique, trois Etats connaissent une forme monarchique du gouvernement : - L’article 1 (1) de la Constitution du Lesotho du 25 mars 1993 dispose : « Le Lesotho est un royaume démocratique et souverain ». - L’article 1er de la Constitution du Maroc du 13 septembre 1996 dispose : « Le Maroc est une Monarchie constitutionnelle, démocratique et sociale ». - Le troisième cas est tiré du système politique du Royaume du Swaziland fondé sur le système traditionnel d’administration, le « Tinkhundla ». Dans ces Etats monarchiques, la dévolution du pouvoir est héréditaire. C’est ainsi que l’article 43 de la Constitution du Maroc prescrit : « La Couronne du Maroc et ses droits constitutionnels sont héréditaires et se transmettent de père en fils aux descendants mâles en ligne directe et par ordre de primogéniture de sa Majesté le Roi Mohammed VI, à moins que le Roi ne désigne, de Son vivant, un successeur parmi Ses fils, autre que Son fils aîné. Lorsqu’il n’y a pas de descendants mâles en ligne directe, la succession au Trône est dévolue à la ligne collatérale mâle la plus proche et dans les mêmes conditions ». 1- Les mécanismes d’endiguement de l’auto-investiture Dans le cadre du processus démocratique, les Etats africains se sont dotés d'un ensemble de dispositifs politiques et constitutionnels tendant à garantir l'ordre institutionnel. Ils ont pour objet d'empêcher toute dévolution autocratique du pouvoir politique, notamment l'auto-investiture par coups d'Etat. Les mécanismes d'endiguement des procédés autocratiques de dévolution du pouvoir sont prévus aussi bien au plan national que supranational. - Les mécanismes nationaux En rupture avec les pratiques autocratiques résultant de l'irruption de l'Armée sur la scène politique, les nouvelles constitutions africaines proclament solennellement le caractère démocratique du pouvoir politique[10]. Les constituants africains proscrivent toutes les formes de dévolution non démocratique du pouvoir[11]. L'article 65 de la Constitution de la République du Bénin du 11 décembre 1990 dispose explicitement : "Toute tentative de renversement du régime constitutionnel par les personnels des Forces Armées ou de Sécurité Publique sera considérée comme une forfaiture et un crime contre la Nation et l'État et sera sanctionnée conformément à la loi". - Les mécanismes supranationaux Dans le cadre des regroupements interétatiques, plusieurs mécanismes sont établis à l'effet d'endiguer l'expansion des processus autocratiques d'accession au pouvoir. Ainsi, l'engagement de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et l'Union Africaine (UA) tend à consacrer les voies démocratiques d'accession au pouvoir. A contrario, les voies anti-démocratiques d'établissement et d'exercice du pouvoir sont formellement proscrites. L'article 1er de ce Protocole additionnel prévoient les principes constitutionnels communs à tous les Etats membres de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Il dispose entre autres : " b) Toute accession au pouvoir doit se faire à travers des élections libres, honnêtes, et transparentes. c) Tout changement anticonstitutionnel est interdit de même tout mode non démocratique d'accession ou de maintien au pouvoir… e) L'armée est apolitique et soumise à l'autorité politique régulièrement établie ; tout militaire en activité ne peut prétendre à un mandat politique électif…". Paragraphe 2- Le contrôle des institutions : la responsabilité des gouvernants A- La responsabilité politique La responsabilité politique des gouvernants peut être mise en jeu à travers les différentes formes de réprobation politique du pouvoir. Elle peut être surtout plus légalement par la révocation populaire des gouvernants à l’issue d’une élection ou d’une votation démocratique permettant au peuple de manifester sa volonté. 1- Les différentes formes de réprobation politique du pouvoir Le contrôle politique est celui qui est exercé par des organes ou mécanismes politiques. Ce contrôle tend à mettre en jeu la responsabilité politique des gouvernants. Il peut être exercé au sein des pouvoirs publics eux-mêmes ou sur les pouvoirs publics par le peuple. Par exemple, lorsque le président est accusé de haute trahison, c’est le parlement qui est compétent pour le jugé. Dans le régime présidentiel, le premier ministre et les ministres sont responsables devant le Président de la République. Dans le régime parlementaire, le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif exercent un contrôle réciproque l’un sur l’autre. Toutes les formes de manifestation et de contestation populaires du pouvoir constituent un contrôle politique. Les soulèvements populaires, les coups d’Etat, les insurrections, les rebellions (qui peuvent être excessivement nuisibles à la bonne marche de l’Etat). C’est en cela que dans de nombreux cas, la constitution proscrit les formes de contestation qui peuvent être incompatibles avec la nécessité de préservation des institutions étatiques et l’ordre constitutionnel. L’article 65 de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990 prescrit : « Toute tentative de renversement du régime constitutionnel par les personnes des forces armées ou de sécurité publique sera considérée comme une forfaiture et un crime contre la nation et l’Etat et sera sanctionnée conformément à la loi ». Plusieurs formes de contestation sont ainsi qualifiées d’atteintes à la sûreté de l’Etat. Par contre, d’autres sont bien acceptables lorsqu’elles s’inscrivent dans les procédures légales. Quoi qu’il en soit les manifestations spontanée sous forme de mobilisations collectives sont bien concevables même si elles ne s’inscrivent dans les procédures ordinaires de manifestations publiques (grèves, arrêt de travail, meetings…). 2- La révocation populaire Dans les régimes démocratiques, le peuple détient un pouvoir de révocation populaire à l’égard des gouvernants. Ce pouvoir peut s’opérer dans le cadre des manifestions publiques spontanées ou des révolutions populaires. C’est le cas au cours de l’année 2011 dans certains Etats arabes tels que la Tunisie, l’Egypte. Bien évidemment, ces formes de révocations populaires du pouvoir ne sont pas très souhaitables, car elles sont nuisibles à l’ordre constitutionnel et peuvent conduire à la déliquescence de l’Etat. La mise en cause de la responsabilité du chef de l’Etat est également susceptible de se produire à la faveur des élections nationales et des votations. En effet, la logique républicaine veut, au nom du parallélisme des procédures et des formes, que l’élu de la Nation soit responsable devant elle au moment du renouvellement du mandat électif. B- La responsabilité pénale 1- Le principe de l’irresponsabilité pénale La question de la responsabilité personnelle des dirigeants est au centre de la justice pénale contemporaine. La majorité des constitutions semble avoir consacré le principe de l’irresponsabilité pénale des dirigeants politiques. C’est dire que dans l’ordre interne des Etats, il est difficile d’engager la responsabilité pénale des gouvernants ; cela d’autant plus qu’ils bénéficient dans l’exercice de leur fonction de privilèges de juridiction et des immunités pénales. D’ailleurs, en général, en ce qui concerne le président de la république, il est n’est pas responsable des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions ; sauf en cas de haute trahison. Mais, dans le système constitutionnel français, cette responsabilité exceptionnelle pour haute trahison n’est qu’une responsabilité politique et non pénale ou juridictionnelle. Cependant, il n’est pas exclu que la responsabilité pénale des membres du gouvernement soit consacrée par le texte constitutionnel. L’article 68-1 de la Constitution française du 4 octobre 1958 dispose : « les membres du Gouvernement sont pénalement responsables des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions et qualifiés crimes ou délits au moment où ils ont été commis. Ils sont jugés par la Cour de justice de la République ». 2- La mise en place de la haute cour de justice La mise en place d’une Haute Cour de justice tend à conférer des pouvoirs spéciaux au parlement. On note ainsi une extension du pouvoir parlementaire dans le domaine judiciaire ou juridictionnel à travers aussi la formation, les attributions, que la procédure de la Haute Cour de justice. - La formation de la haute cour En France, la Haute Cour de justice « est composée de membres élus, en leur sein et en nombre égal, par l’Assemblée nationale et par le Sénat après chaque renouvellement général ou partiel de ces assemblées. Elle élit son président parmi ses membres ». Cette composition est bien différente de celle de la Haute Cour de justice établie par l’article 135 de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990 : « La Haute Cour de Justice est composée des membres de la Cour Constitutionnelle, à l'exception de son Président, de six députés élus par l'Assemblée Nationale et du Président de la Cour Suprême. La Haute Cour élit en son sein son Président ». On observe bien que, par sa composition, la Haute Cour de justice du Bénin est un organe mixte (politico-juridictionnel). De même que dans le cas de la Côte d’Ivoire, « La Haute Cour de Justice est composée de députés que l'Assemblée nationale élit en son sein, dès la première session de la législature. Elle est présidée par le Président de la Cour de Cassation ». - Les attributions de la haute cour La Haute Cour de justice est compétente pour juger le Président de la République et les membres du Gouvernement. En France, le Président de la République ne peut être jugé devant la Haute Cour de Justice que pour haute trahison. En Côte d’Ivoire, au Bénin, au Burkina Faso, outre sa compétence pour juger le Président de la République pour Haute trahison, la Haute Cour de justice est compétente pour juger les membres du Gouvernement pour les crimes ou délits commis dans l’exercice ou à l’occasion de leur fonction. Certes, en France, les membres du Gouvernement sont pénalement responsables pour les crimes ou délits commis dans l’exercice de leur fonction, mais ils sont jugés devant une autre juridiction, la Cour de justice de la République. - La procédure de la haute cour La Constitution ivoirienne de 2000 définie la procédure suivie devant la Haute Cour de justice.La Haute Cour de Justice est compétente pour juger les membres du Gouvernement à raison des faits qualifiés crimes ou délits commis dans l'exercice de leurs fonctions (art. 110). La mise en accusation du Président de la République et des membres du Gouvernement est votée au scrutin secret, par l'Assemblée nationale à la majorité des 2/3 pour le Président de la République, et à la majorité absolue pour les membres du Gouvernement (art. 111). La Hautes Cour de Justice est liée par la définition des crimes et délits et par la détermination des peines résultant des lois pénales en vigueur à l'époque des faits compris dans les poursuites (art. 112). Cette procédure montre bien que la Haute Cour de justice est un organe juridictionnel spécial. Cela n’est pas le cas en France où la Haute Cour de justice apparaît principalement comme un organe politique. TITRE 2 : la Constitution Carl Schmitt, Professeur de droit public sous la République de Weimar, a consacré un ouvrage, paru en 1928, à la théorie de la Constitution. Cet ouvrage traduit en français par Liliane Deroche et préfacé par Olivier Beaud retrace la notion de constitution, la composante libérale et politique de la constitution moderne et la théorie constitutionnelle de la fédération. Pour Carl Schmitt : Une constitution représente la totalité réelle ou idéelle de l’unité politique du peuple. Elle est en quelque sorte l’âme de l’État. Ce ne sont pas les normes qui font l’État, mais l’État qui produit les normes. La constitution définit aussi la nécessaire subordination et l’ordre hiérarchique au sein de la société. Elle est la forme des formes politiques (monarchie, démocratie, aristocratie, oligarchie, etc.). Ces deux premières définitions sont d’ordre statique. Mais, il est possible de voir la constitution comme le principe du devenir dynamique de l’unité politique, à savoir la somme des volontés des personnes libres en droit en vue d’aller vers l’unité. Dans ce sens, l’ordre consiste en l’exécution d’une volonté commune formée. Une quatrième acception serait de faire de la constitution la norme des normes ou comme diraient les allemands la norme fondamentale (Grundgesetz). À l’inverse des autres définitions, la constitution est dans ce cas l’État qui est alors considéré comme un devoir-être. Toutefois, certains auteurs critiquent la thèse, qui autorise les références scientifiques à l’œuvre de Schmitt. Ainsi, Hugues Rabault soutient qu’à l’arrière-plan de la Théorie de la constitution se trouve le fascisme italien comme modèle. Nonobstant les débats sur l’engagement politique de Carl Schmitt, on voit cependant encore des auteurs se fonder sur la Théorie de la constitution, pour y puiser des définitions, ou s’y référer comme à une source fiable. En tout état de cause, il convient d’analyser les notions de constitution et de constitutionnalisme.


Chapitre 1 — La notion de constitution L’État n’existe juridiquement que dès lors qu’il se dote d’une constitution. Tout État a nécessairement une constitution ; et toute constitution a pour vocation en principe de régir un État. Cela s’opère par la détermination des règles d’organisation et de fonctionnement, ainsi que par la fixation des règles de désignation des gouvernants de l’État. On sait que le mot « constitution » peut prendre plusieurs sens d’un point de vue historique, géographique, géologique, physique. Mais, le concept de constitution a un contenu ou un sens bien précis pour le juriste. Les constitutionnalistes restent attachés à la notion de constitution (A) et également à celle du constitutionnalisme (B). Section 1 — La notion de constitution La notion de constitution a une définition juridique qu’il convient d’exposer afin d’identifier ses différentes formes. Mais, il est aussi utile d’appréhender le sens de la constitution dans la doctrine constitutionnelle. Paragraphe 1 — La définition de la constitution On retient traditionnellement deux critères de définition de la constitution. Un critère matériel et un critère formel. Le premier critère conduit à une définition matérielle et le second à une définition formelle. A — La définition matérielle Dans cette définition matérielle, on s’attache au contenu (substance) de la constitution. Elle est ainsi envisagée comme l’ensemble des règles, quelle que soit leur nature (règles proprement juridiques ou usages politiques) ou leur forme (règles écrites ou règles coutumières), relatives aux principaux organes de l’État, à leur désignation, à leur compétence et à leur fonctionnement[12]. Mais, cette définition est extensive et imprécise, en ce qu’elle ne tient aucun compte de la forme de la constitution, ni de l’autorité qui établit la constitution : le pouvoir constituant est bien distinct du pouvoir législatif. Il n’y a donc pas de différence entre une loi constitutionnelle et une loi ordinaire. Or par principe, la constitution est la loi fondamentale de l’État et la loi suprême dans l’État. C’est pour cette raison qu’on recourt à la définition formelle. B — La définition formelle de la constitution Au sens formel, la constitution est un document écrit, élaboré le plus souvent, et révisé toujours selon une procédure spéciale. Sous cette définition, la constitution contient des règles de valeur supérieure à toutes les autres normes de l’ordre interne. Ce qui fait d’elle un texte solennel. Cette définition se caractérise également par quelques limites, en ce qu’elle tend à faire de toutes les règles énoncées dans la constitution des règles constitutionnelles. Au surplus, il existe également des règles qui bien que n’étant pas énoncées dans le texte de la constitution ont pour objet l’organisation du pouvoir politique. Il en va ainsi notamment des règles établies par le code électoral. La définition la plus précise de la notion de constitution réside dans la conciliation de la définition matérielle et de la définition formelle. Paragraphe 2 — Les différentes formes de constitution Il existe six formes de constitution qu’on oppose en distinguant : A — La constitution matérielle et la constitution formelle. Cette distinction est exposée à travers la définition de la constitution. B — La constitution écrite et la constitution coutumière. On parle de constitution écrite lorsqu’elle est rédigée sous la forme de texte et généralement présentée dans un document unique. Par contre, la constitution coutumière est non écrite ; C’est la constitution dont le contenu réside dans un ensemble de traditions, d’usages et de pratiques non écrits. Les règles qui forment une constitution coutumière ne sont donc pas codifiées dans un texte officiel ; et c’est le cas en Grande-Bretagne ; dans ce pays, on ne trouve pas de document écrit et unique appelé Constitution. C- La constitution souple et la constitution rigide Une constitution est dite souple lorsque sa procédure de révision est identique à la procédure applicable à la modification d’une loi ordinaire. La constitution peut alors être révisée par le législateur, selon la procédure (ordinaire) d’élaboration des lois. Il va de soi que dans cette condition, l’acte juridique formellement appelé constitution ne bénéficie d’aucune autorité supérieure à un acte législatif ordinaire. Par contre, une constitution est dite rigide lorsque sa procédure de révision est solennelle ; et la révision est effectuée par un pouvoir constituant, dit pouvoir constituant dérivé, et non par un pouvoir législatif (un pouvoir constitué).


Chapitre 2 : la notion de constitutionnalisme La notion de constitutionnalisme peut être cernée à travers sa définition, sa naissance et son évolution. Paragraphe 1- La définition du constitutionnalisme Le sens du terme constitutionnalisme a varié dans le temps. Mais, sa signification originelle demeure malgré tout le plus usité. A. La variabilité de sens du terme « constitutionnalisme » Mauro Barberis fait observer la variabilité du sens du terme «constitutionnalisme »[13]. Il indique à cet effet que dans son premier sens, originel, le terme « constitutionnalisme » est seulement la traduction de l’anglais « constitutionnalism » : terme forgé par des historiens et des philosophes politiques dans la première moitié du XXe siècle pour désigner des idéaux et des techniques de limitations juridiques du pouvoir. Dans un deuxième sens dérivé du précédent, « constitutionnalisme » est aujourd’hui utilisé pour désigner la doctrine constitutionnelle ou le dogme constitutionnel. Dans un troisième sens, découlant du deuxième, le terme « constitutionnalisme » est désormais utilisé pour désigner le droit constitutionnel lui-même. De ces trois sens du terme « constitutionnalisme », seul le premier bénéficie d’un usage plus répandu. B- La signification usuelle de la notion de constitutionnalisme Bien que faisant l’objet d’une variabilité de sens, le constitutionnalisme a gardé son sens originel, qui demeure le plus usité. De ce point de vue, pour définir le constitutionnalisme, on peut partir de l’étymologie du terme « constitution ». Étymologiquement, la constitution vient du latin Cum et Statuo. Le premier signifie « ensemble » et le second renvoie au verbe fixer ou établir. À cela, il faut adjoindre le suffixe « isme » servant à former des mots renvoyant à une attitude, un comportement, un mouvement ou à une doctrine, un dogme, une idéologie, une théorie. En conséquence, le constitutionnalisme est une théorie du droit qui postule que le pouvoir souverain du peuple, les droits et libertés des citoyens doivent être garantis par une constitution écrite. Historiquement, le constitutionnalisme correspond à un mouvement qui pose les constitutions comme moyen de limitation du pouvoir politique et garantie des droits. Paragraphe 2- La naissance et évolution du constitutionnalisme Il existe un débat, qui bien que n’étant pas d’ampleur, conduit à s’interroger sur la naissance et l’évolution du constitutionnalisme. En effet, la plupart des auteurs soutiennent que la naissance et l’évolution du constitutionnalisme ne peut être évoqué que dans la vie politique des États occidentaux. Qu’en est-il alors du contexte africain ? A- La naissance et l’évolution du constitutionnalisme en Occident André Hauriou relève que la naissance et le développement du constitutionnalisme « se localisent de façon précise dans le temps et aussi dans l’espace »[14]. Il estime à cet effet que le constitutionnalisme est une « invention occidentale ». À toutes les étapes de l’évolution du constitutionnalisme en occident correspond une signification particulière de la constitution. Le constitutionnalisme ancien appréhendait l’idée constitutionnelle sous le prisme du gouvernement des lois : chez les anciens, depuis les Grecs, en passant par la Rome et par le monde médiéval, le gouvernement des lois était un idéal démocratique. Le constitutionnalisme moderne envisage la constitution comme une machine politique mue par les passions et les intérêts des individus, donc en mesure de fonctionner en se passant de la vertu. Par contre, le constitutionnalisme contemporain produit une conception de la constitution comme norme. Enfin, le néo-constitutionnalisme va opérer une conception de la constitution comme valeur : « la conception de la constitution comme norme, en accordant un rôle central au contrôle de constitutionnalité des lois, a ouvert la route à une doctrine ou idéologie de la constitution comme valeur, que d’aucuns, notamment en Italie et en Espagne, appellent néo-constitutionnalisme »[15]. B- La naissance et l’évolution du constitutionnalisme en Afrique Il convient d’avoir une vue générale du constitutionnalisme africain, de distinguer trois grandes périodes : précoloniale, coloniale et postcoloniale. La période précoloniale : Contrairement au courant doctrinal qui soutient que le continent africain n’a point connu de constitutionnalisme avant la colonisation occidentale, des auteurs africanistes relèvent que l’Afrique a une tradition ancienne du constitutionnalisme. Ces derniers précisent que déjà en 1222 Soundjata, fondateur de l’Empire du Mali, avait proclamé une charte des droits et libertés, dite Charte du Manden (ou Mandé)[16]. Si, le terme de constitution reste attacher à la civilisation occidentale[17], l'idée de constitution est consubstantielle à toutes les formes de gouvernement de la société politique. Ainsi, l’Afrique précoloniale a bel et bien connu des règles propres de dévolution et d’exercice du pouvoir politique, même si celles-ci n’étaient pas consignées dans un document formel[18]. En effet, il ne faut aucunement perdre de vue la réalité historique de l’Afrique qui, en dehors des chefferies, a connu des royaumes[19] et des empires[20] qui sont des organisations politiques de type étatique régies par des règles propres et édifiées sur les ruines des sociétés anétatiques[21]. Cependant, l'apparition d'une constitution formellement et solennellement écrite ne s’est produite véritablement, en Afrique, qu’à l’époque coloniale[22]. Par ailleurs, déjà en 1926, en Afrique subsaharienne, trois Etats étaient reconnus comme membres de la Société des Nations : ce sont l'Afrique du Sud, le Liberia et l'Ethiopie. Les deux derniers de ces Etats ont connu un constitutionnalisme endogène, même si dans le cas du Libéria, l'influence du modèle américain fut significative. En tout état de cause, ce n’est pas parce qu’il n’existait pas de constitutions écrites en Afrique pré-coloniale que l’on doit conclure à l’inexistence d’un système d’aménagement et d’encadrement juridique du pouvoir politique[23]. Si tel était le cas, certains États considérés comme de grandes puissances de nos jours n’auraient point de constitution[24]. Il faudrait donc se convaincre que des constitutions, furent-elles coutumières[25], organisaient la vie politique en « Afrique avant l’arrivée des blancs ». Ainsi, prise dans son acception matérielle, la constitution ou loi fondamentale n’est pas une nouveauté ou un article d’importation en Afrique lié à la colonisation[26]. La période coloniale et post coloniale (se mèlent) : Par contre, il convient d’indiquer que la période coloniale fut une période d’acculturation accompagnée de grands bouleversements institutionnels et juridiques. Elle fut également caractérisée par la transplantation des idéologies, valeurs, normes et institutions du colonisateur au cœur des systèmes politiques en Afrique[27]. Les autres territoires sous domination britannique ont également été initiés très tôt au constitutionnalisme. En ce qui concerne le Nigeria, il a connu quatre constitutions avant la proclamation de son indépendance en 1960[28]. Au Gold Coast, colonie de la Côte de l’Or, qui se transformera en République du Ghana, c’est en 1850 que le premier Conseil législatif et exécutif ainsi que le premier gouverneur furent institués ; jusqu’alors la colonie était administrée depuis le Sierra-Leone. Le constat général est qu’à partir de la fin de la deuxième guerre mondiale, l’établissement des constitutions dans les territoires sous administration anglaise était le résultat d’une discussion entre les représentants des populations africaines et l’autorité coloniale. Quoique ce procédé fut louable, plusieurs limitations ont tout de même émaillé l’exercice du pouvoir constituant[29]. Dans les anciens territoires africains de tradition française, l’idée de participation des populations administrées à l’établissement de la constitution est plus récente. Bien que le Néo-Destour[30] eût été crée en 1934 en vue de doter la Tunisie d’une constitution écrite, destinée à remplacer la constitution avortée de 1861[31], c’est seulement en 1956 que le colonisateur français accorda à ce territoire « le droit exclusif d’élaborer sa propre constitution sans aucune intervention extérieure »[32] . Aussi, ce sera seulement trois ans après l’élection d’une Assemblée constituante, le 25 mars 1956, que la Tunisie se dotera d’une Constitution (1er Juin 1959). La reconnaissance du pouvoir constituant aux territoires d’Afrique noire de tradition française fut plus tardive encore. En effet, ce n’est qu’en 1958, dans le cadre de la communauté, que pour la première fois la France reconnut aux africains le droit d’établir librement leur propre constitution. En réalité, cette liberté n’était qu’apparente[33]. C’est véritablement à partir de 1946 que l’évolution des colonies françaises d’Afrique noire et Madagascar fut plausible. Le régime de la Constitution de 1946 crée la catégorie juridique des territoires d’outre-mer. Celle-ci s’étend, en ce qui concerne le continent africain et Madagascar, aux quatre territoires d’Afrique Équatoriale Française (A.E.F)[34] et aux huit territoires de l’Afrique Occidentale Française (A.O.F)[35]. Chapitre 3 — L’opération constituante Section 1 — La solennité et la complexité de l’opération constituante comme expression de la suprématie de constitution L’opération constituante renvoie aux procédés par lesquels la constitution est établie et même modifiée. L’établissement de la constitution appartient au pouvoir constituant originaire et la révision de la constitution appartient au pouvoir constituant dérivé ou pouvoir constituant institué. Paragraphe 1 — L’établissement de la constitution L’établissement de la constitution s’impose dans deux circonstances lorsqu’il y a naissance d’un nouvel État (notamment par décolonisation ou désintégration d’un État fédéral en plusieurs États), l’effondrement d’un régime politique (par coup d’État, révolution ou tout changement fondamental). Il existe plusieurs procédés d’établissements de la constitution. Les procédés non démocratiques et les procédés démocratiques. A — Les procédés non démocratiques d’établissement de la constitution On parle de procédés non démocratiques lorsque le peuple n’est pas associé ou ne l’est seulement que partiellement à l’élaboration de la constitution. Dans le premier cas, on parle de l’octroi ; dans le deuxième cas, on parle du pacte. 1— L’octroi, un procédé autoritaire Il s’agit d’un procédé autoritaire d’établissement de la constitution par lequel l’écriture de la constitution est le fait d’un acte unilatéral du ou des titulaires du pouvoir. Concrètement un individu ou un groupe élabore la constitution et la donne au peuple. C’est un procédé caractéristique de tous les régimes autoritaires dans lesquels le pouvoir constituant est concentré entre les mains d’un personnage. Ce procédé a été utilisé au XIXe siècle dans les monarchies européennes (la charte de 1814 par laquelle le roi concède une constitution aux Français). Il a été également utilisé au XXe siècle dans les systèmes politiques non démocratiques, notamment ceux issus des coups d’État militaire : exemple, la proclamation du CNSP de 1999 en Côte d’Ivoire. 2— Le pacte constitutionnel, un procédé semi-autoritaire Dans ce procédé, il y a un compromis entre un homme et un peuple. Mais le peuple ne joue qu’un rôle passif puisqu’il n’est consulté qu’après que la constitution ait été élaborée par le détenteur du pouvoir politique. L’accord entre le peuple et le détenteur du pouvoir est désigné sous le nom de pacte. Le pacte constitutionnel peut être soumis à un plébiscite, c’est-à-dire à une ovation populaire (exemple la Charte constitutionnelle de 1830 en France). B — Les procédés démocratiques d’établissement de la constitution Il existe deux procédés démocratiques d’établissement de la constitution. Ils sont mis en œuvre à travers la mise en place d’une assemblée constituante. En effet, le peuple peut être conduit à convoquer une assemblée avec pour mission de concevoir et rédiger une constitution. 1— L’assemblée constituante souveraine, un procédé démocratique Lorsque l’assemblée constituante est à la fois compétente pour élaborer et adopter la constitution, on dit qu’elle est souveraine. Ce procédé est démocratique en ce que l’assemblée constituante est mise en place par la souveraine volonté du peuple et elle est sensée agir conformément à l’intérêt général. 2— L’assemblée constituante non souveraine, le procédé le plus démocratique Lorsque l’assemblée constituante est seulement compétente pour élaborer la constitution sans pouvoir l’adopter, on dit qu’elle est non souveraine. Dans ce cas, il revient au peuple d’adopter la constitution par référendum. Il s’agit du procédé le plus démocratique dans la mesure où le peuple se trouve en amont et en aval de l’opération constituante. Paragraphe 2 — La révision de la constitution La révision de la constitution ou révision constitutionnelle est l’opération juridique par laquelle les organes habilités procèdent, conformément à une procédure préétablie, à la modification de la constitution en vue d’adapter ses dispositions aux évolutions de la réalité sociopolitique. A — Le pouvoir de révision : pouvoir constituant dérivé Le pouvoir constituant originaire, le pouvoir d’établir la constitution, appartient au peuple souverain. Le pouvoir de réviser ou pouvoir de modifier la constitution appartient au titulaire du pouvoir constituant dérivé. Ce pouvoir est distinct du pouvoir législatif ordinaire, il peut être exercé par l’Assemblée nationale, mais selon une procédure spéciale, solennelle. Souvent, le pouvoir de réviser la constitution est pris en charge directement par le peuple au moyen du référendum constitutionnel. B — La procédure de révision de la constitution La constitution est la loi suprême dans l’État. Par conséquent, sa modification est faite non par une procédure législative ordinaire, mais par une procédure spéciale et solennelle. C’est ainsi que la constitution ivoirienne prévoit trois phases dans l’opération de révision constitutionnelle. En plus, pour garantir la suprématie de la constitution et son autorité juridique, des limites à la révision sont prévues. 1— Les trois phases de la procédure de révision. Le cheminement de la procédure régulière de révision passe généralement par trois étapes : l’initiative de la révision, la prise en considération de l’initiative et l’adoption du texte portant révision de la constitution. On appelle initiative de la révision, le pouvoir de déclencher la révision constitutionnelle. Un auteur écrit avec justesse que : « selon l’attachement plus ou moins grand du constituant originaire aux principes démocratiques, le droit de proposer une modification de la constitution sera réservé à quelques personnalités ou au contraire très largement ouvert »[36]. Eu égard à la variété des pratiques étatiques dans la reconnaissance du droit d’initiative, on constate que : · Dans certains États, l’initiative de la révision appartient exclusivement à l’exécutif ; on pourra citer en exemple la constitution marocaine de 1970 qui dispose en son article 97 : « l’initiative de la révision appartient au Roi ». · Dans d’autres États, l’initiative est laissée au seul Parlement ; on pourra noter l’exemple de la Constitution du Portugal de 1976. · Parfois, l’initiative est laissée au peuple ; dans cette matière, on cite l’exemple Suisse où la signature par 100 000 personnes d’une pétition tendant à modifier la constitution, rend obligatoire la révision. C’est le système de l’initiative populaire. · Le plus souvent, l’initiative de la révision est partagée par plusieurs organes, plusieurs instances. Ce qui confère davantage un caractère démocratique à cette procédure. Cet aspect de la procédure a pour objet de permettre à l’organe compétent pour prendre en considération l’initiative de la révision, de discuter du bien-fondé de cette initiative et de décider ou non de donner une suite à cette initiative. On doit reconnaître avec le Professeur Bernard CHANTEBOUT que cette formalité « est essentielle, car c’est à ce niveau que, dans un régime démocratique, se situe la discussion du projet de révision, qu’on en pèse les avantages et les inconvénients et qu’il peut éventuellement être amendé ». En Côte d’Ivoire avant la révision constitutionnelle du 2 juillet 1998, la formalité de la prise en considération était inscrite dans la procédure de révision de la Constitution de 1960, même si bien souvent dans la pratique révisionniste, elle était confondue avec l’adoption définitive du texte par le Parlement agissant en qualité de pouvoir constituant. Il s’agit par la prise en considération, qui devait être acquise à une majorité qualifiée, de vérifier que la grande majorité des parlementaires éprouvent le sentiment de la nécessité du changement constitutionnel ; alors, le Parlement devait donner ou non une suite à l’initiative. La révision constitutionnelle de 1998 a supprimé cette formalité de la prise en considération de l’initiative en prévoyant en lieu et place une procédure « d’examen préalable » du projet ou de la proposition par une commission ad hoc. Aujourd’hui, les choses sont revenues à la normale ; la procédure de la prise en considération est rétablie, sous la IIème République, à l’article 125 de la Constitution du 1er août 2000. De manière générale, lorsqu’un texte est présenté en vue de la révision constitutionnelle et qu’il est pris en considération, il doit être élaboré, c’est-à-dire rédigé selon les termes et la formule appropriée ; alors seulement, il peut être soumis à adoption. C’est la phase la plus solennelle de l’opération de révision. À ce niveau, le pouvoir constituant est amené à produire l’acte de volonté. C’est l’adoption du texte par le référendum ou par une assemblée constituante qui consacre la révision constitutionnelle. À propos des modalités de l’intervention du peuple et/ou de l’assemblée constituante, on constate une variation selon les constitutions : *Certaines constitutions, peu nombreuses il est vrai, font de l’adoption par référendum une procédure obligatoire et même impérative. La consultation du peuple est imposée : · Soit immédiatement après que la proposition de révision ait été présentée [voir l’exemple Suisse] ou que la prise en considération ait été effectuée. · Soit après l’adoption du texte par un organe institué [voir l’exemple de la Constitution marocaine de 1972] : *Dans d’autres constitutions, le référendum est un moyen alternatif d’adoption. La révision est acquise par référendum ou par une assemblée constituante. En adoptant cette formule, certains États font du référendum constituant la procédure de principe en considérant l’assemblée constituante comme intervenant à défaut du référendum. Mais en pratique, c’est le référendum qui est accessoire, et même inexistant. *D’autres constitutions indiquent que seule une assemblée constituante adopte le texte de révision. *Enfin certaines constitutions adoptent une double solution fondée sur une hiérarchisation des dispositions constitutionnelles révisables : les dispositions constitutionnelles considérées comme particulièrement importantes et sensibles ne peuvent être révisées qu’à la suite d’un référendum ; les autres dispositions peuvent l’être par référendum, ou à défaut par une assemblée constituante. [Constitution ivoirienne du 1er août 2000]. 2— Les limites à la procédure de révision On distingue traditionnellement trois catégories de limites à la procédure de révision. Les limites tenant au temps, les limites tenant à l’objet et les limites tenant aux circonstances. Seules les deux dernières catégories de limites sont prévues par la Constitution ivoirienne de 2016 : Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire [limites tenant aux circonstances]. La forme républicaine et la laïcité de l’État ne peuvent faire l’objet d’une révision [limites tenant à l’objet]. Section 2 — La protection de la suprématie : le contrôle de constitutionnalité des lois Le recours en inconstitutionnalité est une action en justice tendant à demander à un juge ordinaire ou spécialisé d’opérer un contrôle de constitutionnalité d’une loi. Le contrôle de constitutionnalité permet ainsi d’assurer la sauvegarde de l’autorité de la constitution. On ne peut proclamer la suprématie de la constitution dans l’ordre juridique interne, s’il n’y a aucun mécanisme pour en assurer le respect. Le contrôle de constitutionnalité est donc le procédé par lequel le juge est conduit à vérifier la conformité d’une loi à la constitution, la loi fondamentale de l’État. On a plusieurs modalités dans le contrôle de constitutionnalité : le contrôle a priori et la contrôle a postériori, le contrôle par la voie d’action et le contrôle par la voie d’exception. Ces différentes modalités du contrôle peuvent donner lieu à trois types de recours ou actions en justice. Paragraphe 1 — Les différentes modalités ou techniques du contrôle de constitutionnalité A — Le contrôle a priori et le contrôle a postériori Le contrôle a priori est celui exercé par le juge avant l’application de la loi. Il peut être mis en œuvre depuis l’introduction du projet ou de la proposition de loi au Parlement et jusqu’à son adoption ou même tant que ladite n’est pas encore promulguée. C’est ainsi que l’article 113 alinéa 1 de la constitution prévoit : « Les lois peuvent, avant leur promulgation, être déférées au Conseil constitutionnel par le Président de la République, le Président de l'Assemblée nationale ou le Président du Sénat ou par un dixième au moins des députés ou des sénateurs ou par les groupes parlementaires». Le contrôle a postériori est celui qui s’exerce lorsque la loi est en vigueur, c’est-à-dire lorsque la loi est promulguée et rendue applicable. Il en va ainsi du contrôle par la voie d’exception. B — Le contrôle par la voie d’exception et le contrôle par la voie d’action Le contrôle par la voie d’exception est né aux États-Unis d’Amérique dans la célèbre affaire Marbury contre Madison [1803]. Dans ce modèle, dit américain, tout juge peut opérer un contrôle de constitutionnalité. On parle ainsi de contrôle décentralisé. Il s’agit aussi d’un contrôle incident, car le contrôle de constitutionnalité n’est pas l’objet principal du litige. Par exemple, une personne, poursuivie pour crime devant les tribunaux répressifs, constate qu’on veut lui appliquer une loi qui prévoit la peine de mort. Il peut bien soulever l’exception de l’inconstitutionnalité devant le juge pénal. Lorsque le juge ordinaire est compétent pour connaitre de l’exception en opérant le contrôle de constitutionnalité de la loi, on dit que l’exception d’inconstitutionnalité est une question préalable. Dans ce cas, le juge sursoit au procès, règle le problème de l’inconstitutionnalité, puis reprend le procès. Bien évidemment, un tel contrôle n’est possible seulement lorsque la loi mise en cause est applicable et retenue pour être appliquée au procès. Ce procédé de contrôle est en vigueur aux États-Unis d’Amérique. Par contre, lorsque le juge ordinaire n’est pas compétent pour connaitre de l’exception d’inconstitutionnalité, il est alors conduit à surseoir au procès en accordant le temps aux plaideurs de se pourvoir devant le juge constitutionnel habilité à assurer le contrôle de constitutionnalité des lois. On dit ainsi que l’exception de l’inconstitutionnalité est une question préjudicielle. Le juge ordinaire ne reprend le procès que si la question de l’inconstitutionnalité a été réglée par le juge constitutionnel. Ce procédé est en vigueur en Côte d’Ivoire, au Bénin, au Sénégal… Enfin, en France, une autre variante du contrôle de constitutionnalité des lois par la voie d’exception est apparue avec la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet de modernisation des institutions de la Ve république, qui institue la question prioritaire de constitutionnalité. Ainsi, toute personne pourra, à l’occasion d’une instance, soulever la question tirée de la contrariété d’une disposition législative avec la Constitution. Cette question pourra être soulevée devant toutes les juridictions, à toute étape de la procédure. Elle sera renvoyée au Conseil d’État et à la Cour de cassation qui s’assureront que les critères de renvoi sont bien réunis. Si tel est le cas, ces juridictions saisiront de la question le Conseil constitutionnel, seul juge de la constitutionnalité de la disposition législative, qui pourra, le cas échéant, abroger celle-ci. Dans le système américain, si le juge déclare la loi inconstitutionnelle, celle-ci n’est pas pour autant annulée ; elle ne sort pas de l’ordonnancement juridique. Elle est simplement écartée du procès en cours, mais elle peut être appliquée dans un autre procès si aucun des plaideurs ne soulève l’exception d’inconstitutionnalité. Cependant, en Côte d’Ivoire, au Bénin, au Sénégal, il n’en va pas de même. La loi déclarée inconstitutionnelle même par la voie d’exception devient en pratique difficilement applicable à toute autre affaire. Le contrôle par la voie d’action est le procédé par lequel un organe juridictionnel spécialisé [conseil constitutionnel ou cour constitutionnelle] assure la conformité à la constitution d’une loi adoptée, mais non encore promulguée. Il s’agit du modèle européen de contrôle de constitutionnalité. Ce contrôle est centralisé [il est assuré par un juge spécial], exercé à titre principal [il est l’objet du litige] et a priori [après l’adoption de la loi et avant la promulgation ou l’application de la loi]. La loi déclarée inconstitutionnelle par la voie d’action sort automatiquement de l’ordonnancement juridique. Paragraphe 2 — Les recours en justice constitutionnelle Dans la majorité des cas, en matière constitutionnelle, le juge constitutionnel ne peut se saisir d’office. Pour qu’il opère son contrôle, il est nécessaire qu’une action en justice soit introduite. Cette action en justice est soit un recours en prévention de l’inconstitutionnalité d’une loi ou d’une ordonnance, soit un recours par la voie d’action, soit enfin un recours par la voie d’exception. PARTIE 2 : LES REGIMES POLITIQUES Si la constitution définit les règles d’organisation de l’État, elle prévoit également les modalités ou mécanismes par lesquels le pouvoir d’État est mis en œuvre. Le fonctionnement du pouvoir politique est ainsi assuré au moyen du système politique ou du régime politique. Dans une approche plus large, les notions de système politique et de régime politique semblent renvoyer à la même réalité, mais dans une approche strictement juridique elles sont bien distinctes. Les sociologues utilisent l’expression de « système » alors que les juristes retiennent celle de « régime ». En effet, le « systémisme » est une théorie sociologique qui divise la société en des systèmes différenciés ou sous système, chacun se caractérisant par le type de relations qu’entretiennent entre eux leurs éléments constitutifs. Le système politique serait donc l’ensemble des interactions politiques existant dans le système global qu’est la société. Le système politique prend en compte non seulement des données juridiques, notamment la constitution, mais aussi des facteurs historiques, idéologiques et économiques. C’est donc la combinaison de ces divers éléments inscrits dans une dynamique interactionnelle qui permet de déterminer la nature des régimes et leur classification. Par contre, l’approche strictement juridique établit une nette distinction entre le système politique et le régime politique. De ce point de vue, le régime politique se réduit au régime juridique du pouvoir politique tel que fixé par la constitution. Ainsi, le régime politique est la manière par laquelle la constitution organise les rapports entre les différents pouvoirs dans le cadre institutionnel. Cependant, cette approche exclusivement juridique ne semble pas rendre compte des déphasages ou décalages, qui peuvent se produire dans la réalité politique, entre les règles de droit et la pratique institutionnelle. C’est en cela que les constitutionnalistes s’en tiennent à l’approche large en utilisant indifféremment les notions de régime politique et système politique ; cela pour mieux rendre compte de la réalité politique et constitutionnelle. Titre 1 — La portée de la séparation des pouvoirs : la classification des régimes politiques Sur la base du principe de la séparation des pouvoirs, la doctrine constitutionnelle distingue traditionnellement le régime présidentiel et le régime parlementaire. Section 1— Le régime de séparation rigide des pouvoirs : le régime présidentiel Le régime présidentiel est celui dans lequel les pouvoirs législatif et exécutif sont séparés, égaux et indépendants. Dans leur désignation, ces deux pouvoirs puisent à la même source de légitimité : le peuple. Aussi bien, les députés composant le parlement que le président de la République sont désignés par le peuple au suffrage universel direct ou indirect. De même, c’est devant le peuple que ces autorités politiques sont responsables ; en ce qu’il peut, leur retirer sa confiance en ne renouvelant pas leurs différents mandats lors de la prochaine élection. Il n’est donc pas de moyens d’action directs entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. Le parlement ne peut mettre en jeu la responsabilité du gouvernement ; en retour, le Gouvernement ne peut dissoudre le parlement. En régime présidentiel, la structure des organes est marquée par le monisme. L’exécutif est monocéphale (une seule tête) ; c’est en cela que la constitution ivoirienne fait du Président de la République, le détenteur exclusif du pouvoir exécutif. Cela n’exclut pas qu’un Premier ministre soit institué au sein de l’exécutif ; dans ce cas, il ne n’agit que d’un primus inter pares. Il n’est en effet que le premier des ministres, sans de véritables pouvoirs propres. Par ailleurs, le parlement est en principe monocaméral. On parle ainsi dans les régimes présidentiels de monocaméralisme, c’est-à-dire un parlement avec une seule chambre. Mais, lorsque le régime présidentiel se combine avec le fédéralisme, le parlement se compose de deux chambres, l’une représentant les États et l’autre les populations. C’est le cas aux États-Unis avec le Congrès américain qui est un parlement bicaméral (deux chambres). Le régime présidentiel américain est historiquement présenté comme le modèle type de régime présidentiel. Il a servi de source d’inspiration à nombre d’États, notamment les États africains. La Côte d’Ivoire, le Bénin, la Guinée ont opté pour le régime présidentiel. Mais, il s’agit de régime présidentiel qui demeure marqué par un déséquilibre des pouvoirs ; le pouvoir exécutif bénéficie d’une certaine prépondérance, une ascendance sur aussi bien le pouvoir législatif que le pouvoir judiciaire. C’est en cela que la doctrine a qualifié cette forme dénaturée de régime présidentiel de présidentialisme négro-africain. Section 2— Le régime de séparation souple des pouvoirs : le régime parlementaire Le régime parlementaire est un régime de séparation souple ou de collaboration des pouvoirs dans lequel les pouvoirs législatif et exécutif sont dualistes et reposent, au besoin, sur des bases différentes de légitimité. Par principe, le régime parlementaire met en jeu un exécutif bicéphale (deux têtes) comprenant un chef de l’État (Roi, Président) et un Premier ministre, chef du gouvernement. Le parlement est bicaméral et se compose d’une chambre basse (représentant le peuple) et une chambre haute (représentant d’autres intérêts étatiques ou de classe). Entre le parlement et le pouvoir exécutif, une collaboration existe. C’est le gouvernement qui est chargé d’assurer la liaison entre le parlement et le Chef de l’État ; c’est lui, notamment son Chef, qui sert au besoin de fusible, pour permettre aux institutions parlementaires de continuer à fonctionner. La collaboration des pouvoirs est la caractéristique du régime parlementaire ; elle implique l’existence de moyens d’action réciproques entre les pouvoirs législatif et exécutif. - La collaboration des pouvoirs En régime parlementaire, l’exercice de la fonction législative est, bien entendu, de la compétence de l’organe législatif. Mais l’initiative de la loi et la participation aux débats parlementaires sont également reconnues au gouvernement. - Les moyens d’action réciproques Contrairement au régime présidentiel, le régime parlementaire permet aux pouvoirs législatif et exécutif de s’anéantir mutuellement. Deux mécanismes institutionnels sont mis en œuvre à cet effet : la responsabilité politique du gouvernement à l’égard du parlement et la dissolution du parlement à l’instigation du gouvernement. Section 3— Les régimes de déséquilibre des pouvoirs : le régime présidentialiste et le parlementarisme déséquilibré Dans les régimes de déséquilibre des pouvoirs, la séparation des pouvoirs est affirmée. Mais, dans les rapports entre les pouvoirs, on peut observer un déséquilibre soit à l’avantage de l’exécutif soit à l’avantage du législatif. Le premier renvoie à un régime présidentialiste ; le second à un régime parlementaire déséquilibré. C’est ainsi que dans la majorité des États africains, on retrouve des régimes présidentialistes. Ces régimes, qui assurent une prépondérance du pouvoir exécutif sur tous les autres pouvoirs ou institutions de l’État, sont qualifiés par une partie de la doctrine de présidentialisme négro-africain ou négro-arabe et présentés comme une dénaturation du régime présidentiel classique américain. Section 4— Les régimes de confusion des pouvoirs : le régime d’assemblée et les régimes autocratiques Les régimes de confusions des pouvoirs sont de ceux qui méconnaissent le principe de la séparation des pouvoirs. La confusion des pouvoirs peut résulter de circonstances de fait ou même d’une consécration constitutionnelle. En général, les autorités politiques, qui accèdent au pouvoir par un coup d’État, ont tendance à mettre en place des régimes de confiscation du pouvoir politique, c’est-à-dire des régimes autocratiques ayant pour objet de concentrer l’ensemble des pouvoirs législatif, exécutif entre les mains d’un individu ou groupe d’individus. De même, on peut avoir un mode d’organisation des pouvoirs publics dans lequel l’exécutif est subordonné à la volonté des assemblées ; la confusion des pouvoirs joue en faveur du pouvoir législatif. Un tel régime politique est appelé régime d’assemblée ou régime conventionnel. Il peut être provisoire (Convention 1792 – 1795, assemblées constituantes de 1848 et 1871 en France) ou permanent (Constitution de la Confédération helvétique de 1848 et 1874). Titre 2 : Les régimes politiques étrangers Chapitre 1.- le régime politique britannique La Grande-Bretagne, qu’on appelle aussi le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, est une réalité politique très complexe. Même si la dénomination de Grande-Bretagne est couramment utilisée, il faut dire que plus spécifiquement la Grande-Bretagne résulte de l’agrégation d’une partie principale, l’Angleterre, et de pays distincts, le Pays de Galles et l’Ecosse. Ainsi, la Grande-Bretagne forme avec l’Irlande du Nord une entité politique, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne. Toutefois, le nom de Grande-Bretagne désigne communément l’ensemble de cette entité politique (le Royaume-Uni de Grande-Bretagne). Le système politique britannique est l’un des plus prestigieux et anciens dans l’organisation constitutionnelle des États contemporains. Il s’agit d’un régime politique complexe, spécifique qui a exercé une certaine attraction sur l’ensemble des États du monde. Ainsi, la Grande-Bretagne peut être considérée comme la mère des parlements, la mère du régime parlementaire et du libéralisme. Elle « peut être regardée comme le chef de file ou la référence des pays fondateurs du droit constitutionnel »[37]. La spécificité du régime politique britannique tient à son processus de formation et son organisation. Cette spécificité est renforcée par la particularité du système juridictionnel britannique. Section 1.- La formation du régime politique britannique Le système politique britannique s’est construit en trois étapes : lutte contre l’absolutisme royal, établissement du régime parlementaire et démocratisation du pouvoir. Le processus de formation de ce régime politique repose sur des antécédents de l’histoire de la Grande-Bretagne et tient par ailleurs à des données liées à son système électoral. Paragraphe 1.- Les antécédents de l’histoire Le régime politique britannique est la résultante d’une longue évolution historique. Un certain nombre d’évènements ou phénomènes politiques ont servi de ferment à la formation du régime britannique : - Les révolutions anglaises du XVIIe siècle, notamment de 1648 et 1689, soutenues avec succès contre la dynastie des Stuart, constituent le point de départ plausible de l’évolution politique britannique. Au terme des guerres civiles du XVIIe siècle, le Bill of Rights de 1688 consacre le principe de l’annualité du vote de l’impôt et supprime l’essentiel de la prérogative royale. Désormais, les Chambres devront siéger chaque année et les lois ne pouvaient être adoptées qu’après avoir été votées par les Chambres et sanctionnées par le Roi, qui ne pouvait plus les faire seul, ni en suspendre l’exécution. - L’établissement du régime parlementaire au XVIIIe siècle, fondé sur un cabinet politiquement responsable devant les Communes, configure le système politique britannique. En effet, avant l’accès au trône des princes allemands de la dynastie de Hanovre en 1714 - 1715, les ministres n’étaient que de simples membres du Conseil privé du Roi, sans existence collective. Dans la mesure où ils ignoraient l’anglais, les princes allemands de la dynastie de Hanovre vont se désintéresser des affaires du Royaume. Cela permettra au Cabinet d’acquérir une existence autonome en se détachant du conseil privé, sous l’autorité du Premier ministre. Puis, à partir de 1689, la responsabilité des ministres, qui n’était au départ qu’individuel et purement pénale (procédure d’impeachment)[38] devant le Parlement pour les actes de gestion, va prendre la forme d’une responsabilité politique et collégiale[39]. C’est ainsi que désormais le Cabinet est devenu un organe solidaire, dirigé par le Premier ministre, politiquement responsable devant les Communes et non pas devant le Roi. Mais, le Roi conserve tout de même le droit de dissoudre la Chambre des Communes. Paragraphe 2.- Les données du système électoral Le système électoral de la Grande-Bretagne repose sur deux données essentielles qui résument toute la spécificité du régime politique : le rôle capital du mode de scrutin et l’importance décisive du two-party système. A.- Le rôle capital du mode de scrutin Le scrutin majoritaire uninominal à un tour, appelé aussi scrutin à la pluralité des voix, est consubstantiel à la démocratie britannique. Est proclamé élu, le candidat qui a obtenu le grand nombre de voix, quelle que soit, au demeurant, son avance sur ses concurrents. En Grande-Bretagne, la portée du mécanisme électoral semble être réduite du fait que, d’une part, ni les fonctionnaires, ni les magistrats, astreints au loyalisme, ne sont éligibles à la Chambre des Communes ; d’autre part la Chambre des Lords, dans l’attente de son nouveau statut, n’accueille aucun élu. Par ailleurs, le chef de l’État est un monarque qui n’accède pas au pouvoir par élection mais plutôt par succession héréditaire. Cependant, en pratique, le suffrage y joue un rôle fondamental. A ce titre, on qualifie le Royaume-Uni de gouvernement d’opinion, en ce que la signification des élections dépasse de beaucoup celle qui s’attache à la simple désignation des députés. B.- L’importance décisive du two-party système Depuis le XVIIe siècle, le Royaume-Uni, sauf à des brèves périodes, n’a connu que deux partis importants alternant au pouvoir ; jusqu’en 1906, les conservateurs et les libéraux, successeurs respectivement des tories et des whigs ; depuis 1935, les conservateurs et les travaillistes. Après l’éphémère accord entre les travaillistes et les libéraux entre 1977 et 1978 (lib-lab act), une coalition inédite entre conservateurs et libéraux-démocrates est en place depuis 2010. Dans le système politique britannique, il existe deux grands partis (le Parti conservateur, le Parti travailliste) et un troisième non négligeable, au moins en voix, (le Parti libéral-démocrate) et enfin des partis régionaux. Section 2.- L’organisation du régime politique britannique L’organisation juridique du régime politique britannique repose principalement sur une constitution matérielle ou plus précisément une constitution coutumière, qui assure le fonctionnement des institutions politiques. Paragraphe 1.- La base de l’organisation : la constitution Parler d’une Constitution britannique peut paraître quelque peu paradoxale ; en ce qu’il s’agit d’un véritable jeu de l’esprit qui est certainement raisonnable mais sans être rationnel. D’abord, la Constitution britannique n’est pas écrite ; elle n’est pas non plus un ensemble homogène de règles. C’est une constitution non écrite et c’est aussi une constitution souple, qui peut être modifiée à tout moment par une procédure législative ordinaire ou par des règles coutumières résultant de l’évolution politique. On parle ainsi principalement d’une constitution coutumière. Ensuite, d’un point de vue théorique, la Constitution britannique est diversifié et hétérogène, en ce qu’elle combine des éléments formalisés et non formalisés. D’une part, un ensemble de lois, matériellement constitutionnelles, produites à travers les siècles, forment une constitution matérielle et souple : - La Magna Carta (la Grande Charte) de 1215 et la Pétition des Droits de 1628; - L’Acte d’Habeas Corpus de 1679 ; - Le Bill of Rights de 1689 consécutif à la Glorieuse Révolution de 1688 et acte de naissance du droit constitutionnel ; - Le Settlement Act de 1701 concernant la Couronne ; - Le Reform Act de 1832 qui inaugure l’ouverture vers le suffrage universel ; - Les Parliaments Acts de 1911 et 1949 et le House of Lords Act de 1999 en matière de bicaméralisme ; - European Communities Act de 1972 qui remet en cause le dogme de la souveraineté parlementaire systématisé par Dicey ; - Le Human Rights Act de 1998 incorporant le droit communautaire et la C.E.D.H. au droit national ; - Le Scotland Act de 1998 conférant un pouvoir législatif immédiat au parlement écossais ; - Les Wales Act de 1998 et 2006 conférant un pouvoir législatif à terme pour l’assemblée galloise ; - Le Sex discrimination Act de 1975, Human Rights Act de 1998, Freedom of information Act de 2000, Gender recognition Act de 2004 relatifs aux droits et libertés. D’autre part, des règles non écrites, c’est-à-dire les coutumes et les conventions de la constitution, sont à l’origine du régime parlementaire britannique et de l’institution du premier ministre. Que ce soit la coutume ou les conventions de la constitution, il s’agit de pratiques répétées assorties du sentiment du caractère obligatoire. La différence tient en ce qu’une coutume constitutionnelle peut être constatée et sanctionnée par les tribunaux, tandis qu’une convention de la constitution ne peut pas l’être. Paragraphe 2.- Les institutions politiques Le système politique britannique repose sur trois principales institutions : le Parlement, le Gouvernement et le Monarque. A.- Le Parlement : la Chambre des Communes et la Chambre des Lords - Le Parlement britannique doit être entendu dans un sens spécifique. Dans la tradition du régime parlementaire britannique, le parlement renvoie historiquement à l’ensemble formé d’une part du Roi et ses ministres, d’autre part des deux chambres (la Chambre des Communes et la Chambre des Lords) ; d’où la formule féodale the King in Parliament ( le Roi en son conseil). - Mais, au-delà de l’histoire, le parlementarisme britannique se caractérise par le bicamérisme : la Chambre des Communes et la Chambre des Lords Þ La Chambre des Communes (House of commons) est la chambre basse dans le système bicamérale britannique. Elle compte, depuis mai 2010, 650 membres représentants 44 millions d’électeurs. Ceux-cisontélusparles sujets britanniques âgés de 18 ans, depuis 1969, ainsi que les nationaux irlandais et les citoyens du commonwealth conformément à Representation of the people Act de 1981. Elle est présidée par un Speaker élu pour la durée de la législature (cinq ans). La Chambre des Communes a d’importantes attributions dont la plus perceptible est bien évidemment le pouvoir de voter les lois (public bills), qui peuvent être d’origine gouvernementale (government bills) ou parlementaire (private members’ bills). Acelas’ajoutelepouvoirdecontrôledel’action gouvernementale qui peut conduire à la mise en cause de la responsabilité politique du Cabinet. Þ La Chambre des Lords (House of Lords) est la Chambre haute dans le bicaméralisme britannique. Elle apparaît comme l’institution britannique la plus anachronique, mais elle connaît un renouveau avec l’adoption du House of lords Act de 1999. Elle est présidée par le Lord Speaker depuis 2006 et était composée, au 1er janvier 1999, de 1295 Lords, dont 759 à titre héréditaire, 26 Lords spirituels (archevêques et évêques) et 510 lords nommés à vie. Depuis 2007 des propositions de la Chambre des Communes et du Cabinet vont dans le sens d’une désignation de la totalité ou d’une partie des lords par élection. B.- Le gouvernement : le Ministère et le Cabinet Le gouvernement britannique est l’héritier des pouvoirs du Roi, le Monarque. A l’origine, on retrouvait auprès du Roi, un conseil privé (Privy council) ; c’est de ce conseil que procède, par une longue évolution, l’actuel cabinet ministériel. D’abord instrument du Roi, puis instrument du Parlement, le cabinet ministériel acheva ses métamorphoses sous la forme actuelle d’organisme du parti majoritaire. La composition actuelle du Gouvernement repose sur une distinction fondamentale entre ministère et cabinet. - Le Ministère représente l’organe gouvernemental lato sensu. Sa composition est particulièrement complexe, souvent plus d’une centaine de personnes, en raison de la survivance de quelques pratiques anciennes. On a les ministres, qui sont assistés par les secrétaires d’Etat (Secretary of State) et sous-secrétaires d’Etat (Parliamentary Under-Secretary). Il est ainsi admis que le ministère comprend toutes les personnes qui, unies par les liens de solidarité du parti, sont collectivement responsables devant le Parlement de la politique de la majorité. Le Gouvernement est un organe collégial et solidaire, politiquement homogène, dont les membres sont liés en principe par l’appartenance à un même parti, et hiérarchisé en trois niveaux. Au niveau le plus élevé se situe le cabinet, puis viennent les autres ministres « à portefeuille » et enfin, au niveau inférieur, les secrétaires et les sous-secrétaires d’Etat (qui sont de jeunes parlementaires appelés à faire leur première expérience gouvernementale). - Le Cabinet est une formation réduite, ne comprenant qu’un petit nombre de ministres choisis intuitu personae par le Premier ministre (21 membres pour le gouvernement Tony blair en 1997 et 2001), au sein d’une équipe gouvernementale nombreuse d’une centaine de personnes. Il fait partie intégrante du Ministère ; mais c’est la partie efficace ou le noyau dur de tout le mécanisme de l’exécutif. - Le Premier ministre et le Cabinet sont les organes essentiels du pouvoir exécutif. Ils déterminent, conduisent la politique de la nation, assurent la direction de l’administration, prennent l’initiative financière et maîtrisent le processus législatif. En outre, ils exercent des prérogatives assumées jadis souverainement par le Monarque : la régulation des forces armées et la conduite des relations diplomatiques. C.- Le Monarque La Monarchie est l’institution la plus ancienne du système politique de la Grande-Bretagne. La couronne se transmet suivant le droit commun successoral dans la famille de Hanovre, sans exclusion des femmes. Elle se transmet d’abord aux héritiers mâles par ordre de primogéniture, puis aux femmes (Elisabeth II est la septième Reine de la Grande-Bretagne). L’accession au trône reste encore interdite aux catholiques puisque le Roi et la Reine doivent, l’un et l’autre, être membre de l’Eglise d’Angleterre en vertu du settlement Act de 1701. La Monarchie britannique est soumise à la règle fondamentale de la neutralité politique du souverain, qui ne dispose que de prérogatives nominales et symboliques. La Couronne est, par la suite, un facteur important de continuité et de stabilité dans la vie nationale. A ce titre, le Monarque est l’incarnation du loyalisme du peuple britannique. Il est le lien entre la nation et le gouvernement et apparaît comme une magistrature de persuasion. C’est pourquoi, il doit être parfaitement informé des activités et décisions du gouvernement. On comprend alors l’influence personnelle que le Monarque peut avoir sur toutes les autres institutions et la vie nationale. La Reine ou le Roi est le garant du jeu institutionnel ; il joue un rôle d’arbitrage dans le fonctionnement des institutions politiques. Il entérine la volonté populaire en appelant à la fonction de Premier ministre, le leader du parti qui remporte les élections à la Chambre des Communes. Section 3.- L’absence d’un contrôle juridictionnel formel de constitutionnalité des lois En Grande-Bretagne, il n’existe pas de juridiction constitutionnelle ayant vocation d’assurer un contrôle de constitutionnalité des lois. Le système judiciaire est bien spécifique et se trouve confronté à la souveraineté parlementaire Paragraphe 1.- Un système judiciaire spécifique Le système judiciaire britannique n’est pas unifié. L’Angleterre, l’Ecosse et l’Irlande du Nord ont chacun leur système. La Nouvelle Cour Suprême chapeaute toutefois les trois systèmes. D’une façon générale, le système judiciaire britannique comprend : - Les tribunaux de première instance : les Magistrate Courts (Tribunal d’instance compétent pour juges les questions pénales mineures et limité en matière civile au droit de la famille et au recouvrement des créances modestes) ; les County Courts (Tribunal de comté traitant de la majorité des affaires civiles, à l’exception des affaires complexes) ; - Les juridictions de degré supérieur : la High Court of justice (la haute cour connaissant la quasi-totalité des affaires civiles et compétente au pénal en appel des décisions des juridictions inférieures) ; la Crown Court (la Cour de la Couronne traite en première instance des affaires criminelles les plus graves et joue le rôle de cour d’appel des décisions rendues par les magistrats non professionnels des tribunaux d’instance) ; la Court of Appeal (la Cour d’Appel compétente pour connaître en appel des décisions de la High Court et de la Crown Court) ; - Une Haute juridiction : la Cour suprême. Depuis le 09 octobre 2009, « The House of Lords » n’est plus la plus haute instance juridique. Désormais, douze juges siègent depuis au sein d’une toute nouvelle Cour suprême, la plus haute autorité judiciaire du pays. Paragraphe 2.- Un système judiciaire confronté à la souveraineté parlementaire Le système constitutionnel britannique est historiquement marqué par la souveraineté parlementaire. Une loi peut tout faire même modifiée une norme constitutionnelle. Jusqu’au XVIIIe siècle, certains juges ont tenté d’imposer l’idée que les textes fondamentaux et la coutume ancienne liaient le Roi et les Chambres. Mais cette idée fut abandonnée lorsqu’on dut constater que le Parlement (c’est-à-dire les deux Chambres et le Roi) pouvait adopter n’importe qu’elle loi et qu’il était dès lors souverain. En conséquence, il n’y a donc pas de norme supérieure à la loi et chacune de ces règles peut être à tout moment modifiée par une loi ordinaire. Dès lors, il ne saurait être question pour les tribunaux de refuser l’application d’une loi sous prétexte qu’elle serait invalide. Ce principe a été quelquefois contesté, mais n’a pas été réellement atteint, même par les développements les plus récents. Toutefois, dans le cadre du Constitutionnal Reforme de 2005 (la loi de réforme constitutionnelle de 2005), la nouvelle Cour suprême, instituée en 2009, apparaît comme une juridiction indépendante du pouvoir législatif. Elle est compétente en matière civile sur l’ensemble du Royaume uni et en matière pénale en Angleterre, Irlande du Nord et aux pays de Galle. Elle peut, en conséquence, exercer à l’occasion un contrôle de conformité des textes législatifs aux grands principes constitutionnels et aux conventions internationales. Dans la dynamique de cette nouvelle réforme, une partie des pouvoirs qui étaient dévolus au Lord Chancellor a été confiée au plus haut juge de la Cour Suprême : le Lord Chief Justice of England and Wales est désormais à la tête de l’institution judiciaire en Angleterre et au pays de Galles : - Il représente l’autorité́ judiciaire devant le Parlement et le Gouvernement ; - Il dirige la formation des Juges et la conception des lignes directrices de la Justice, notamment le Sentencing Guidelines Council, qui propose de véritables lignes directrices pour les tribunaux en proposant notamment des peines appropriées aux infractions ; - Il réparti les Juges dans les différentes juridictions ; - Il engage, conjointement avec le Lord Chancellor, la responsabilité́ des Juges et la charge de l’Office for Judicial Complaints qui enregistre et traite les plaintes des particuliers contre les membres du corps judiciaire. Chapitre 2.- Le régime politique américain Ce sont les treize colonies britanniques, situées sur la bordure Est du continent américain, qui vont créer les États-Unis d’Amérique. Elles formaient un territoire de 4 million d’habitants, lorsqu’en 1776, elles se révoltèrent contre la mère patrie britannique. Le système politique des États-Unis d’Amérique est historiquement l’un des modèles ou prototypes d’organisation des institutions politiques. Bien qu’étant inspiré par le modèle du système politique britannique, le système politique américain est bien différent. Le système politique britannique est pragmatique et lié à l’histoire ; par contre, le système politique américain est dogmatique : il fut décidé à un moment donné, même s’il s’enracine aussi dans une continuité historique, dont témoigne le Common Law (le droit coutumier anglais). En effet, les États-Unis figurent le premier régime politique théorique fondé sur la pensée et l’œuvre d’auteurs tels que Montesquieu, Thomas Hobbes, John Locke. Il est incontestable que la révolution américaine a été faite par des hommes imbus de la philosophie des Lumières avec pour but de fonder une société organisée, libre et idéale. C’est dans ce contexte que fut rédigée la première Constitution écrite historiquement importante et que fut inventé le fédéralisme moderne. Le système politique américain tire sa spécificité de la Constitution des États-Unis d’Amérique, des institutions fédérales et de l’évolution des institutions. Section 1.- La Constitution des États-Unis d’Amérique La Constitution américaine se singularise par son processus d’établissement et sa procédure de révision. Paragraphe 1.- L’établissement de la Constitution La Constitution américaine est sans doute la plus ancienne des Constitutions modernes écrites ; elle se présente comme « la mère de toutes les Constitutions » puisse qu’elle date du 17 septembre 1787. Les pères fondateurs ont inventé un texte logiquement ordonné, dans lequel ils entendent exposer les règles d’organisation et de fonctionnement des institutions. Après une première tentative inaboutie, en septembre 1774, les délégués des treize colonies américaines se réunissent à nouveau à Philadelphie, en mai 1775, et décident de rompre avec la Grande-Bretagne. Une troisième réunion a lieu, en 1776, au cours de laquelle est adoptée la Déclaration d’indépendance. Ainsi, un texte fut rédigé : la Constitution de 1777, appelée parfois « les articles de la Confédération » en raison de son objet. Il s’agit bien d’un texte écrit, mais qui est apparu insuffisant et limité en ce qu’il n’était qu’un pacte confédératif. Par conséquent, les pères fondateurs ont décidé de convoquer la Convention de Philadelphie, le 25 mai 1787, qui a réuni 55 représentants des colonies. Cette Convention aboutit, le 17 septembre 1787, à la rédaction d’une Constitution dont les deux principaux auteurs sont James Madison et Georges Washington. C’est cette Constitution fédérale, qui constitue l’acte juridique créateur des États-Unis d’Amérique, qui a été, par la suite, soumise aux treize colonies et est entrée en vigueur en janvier 1789. Elle a été complétée par des amendements. Ces amendements sont en quelque sorte des additifs, des textes relativement courts qui viennent s’ajouter aux dispositions constitutionnelles. Paragraphe 2.- Les procédures de révision de la Constitution La Constitution américaine est certes écrite, mais elle est surtout rigide. C’est dire qu’elle ne peut être révisée que par une procédure solennelle et par un organe spécial. L’article 5 prévoit deux procédures de révision ; l’une et l’autre étant complexes. La Constitution américaine peut être révisée soit sur l’initiative du Congrès par le vote des deux chambres à la majorité des deux tiers, soit sur l’initiative des législatures des deux tiers des États par une convention spécialement élue à cet effet. Dans les deux cas, les amendements adoptés doivent être ratifiés par les trois quarts des États (c’est-à-dire actuellement par 38 États). On peut dénombrer vingt-sept (27) amendements ratifiés et définitifs qui ont des objets très divers. Les dix premiers de ces amendements sont entrés en vigueur dès le 15 décembre 1791, c’est-à-dire quatre ans seulement après l’adoption de la Constitution. Ils ont la particularité de présenter une parfaite cohérence puisque neuf d’entre eux constituent une Déclaration des droits ; alors que le dixième précise les principes qui doivent présider à la répartition des compétences entre l’Union et les États. Entrent également dans le cadre de l’organisation des pouvoirs publics fédéraux (plus particulièrement le rôle du pouvoir judiciaire et l’élection du Président et du Vice-président) les 11e et 12e amendements, ratifiés en 1798 et 1804. Les 13e, 14e, 15eamendements adoptés, respectivement en 1865, 1868 et 1870, à l’issue de la guerre de sécession, sont sans doute les plus célèbres : ils abolissent l’esclavage et interdisent les discriminations raciales sur le plan civique. Enfin, les autres amendements intervenus depuis sont plus disparates. Les 18e et 21e amendements sont complètement étrangers aux institutions puisqu’ils traitent des boissons alcoolisées, d’abord pour les prohiber (en 1919) puis pour rapporter cette décision (1933). Les autres traitent de problèmes fiscaux, électoraux, des mandats présidentiels, de l’égalité des sexes. Section 2.- Les institutions fédérales Le texte de la Constitution des États-Unis d’Amérique du 17 septembre 1787 est organisé en sept articles. Les trois premiers de ces articles, qui sont certainement les plus importants, traitent du pouvoir législatif (Congrès), du pouvoir exécutif fédéral (Président) et du pouvoir judiciaire fédéral. 1.- Les principaux organes Ce sont : le Président, la Chambre des représentants, le Sénat et la Cour suprême. - Président : il est élu au suffrage universel indirect pour quatre ans, renouvelable une fois. Il détient l’ensemble du pouvoir exécutif complété par un veto législatif. - Chambre des représentants : la chambre basse comprend 435 membres élus pour deux ans au suffrage universel, proportionnellement au nombre d’habitants. Elle partage avec le Sénat le pouvoir législatif et budgétaire. - Sénat : la chambre haute comprend cent membres élus pour 6 ans au suffrage universel direct dans le cadre des Etats fédérés, chacun disposant de deux sièges de sénateurs quelle que soit l’importance en nombre de sa population. Il partage avec la Chambre des représentants le pouvoir législatif et budgétaire et forme avec elle le Parlement américain ou Congrès américain. Il approuve les traités internationaux à la majorité des deux tiers. Le congrès donne son approbation à la nomination des hauts fonctionnaires par le président. - Cour suprême : elle constitue une juridiction composée de neuf membres nommés à vie par le Président avec l’accord du Sénat. Elle est la juridiction la plus élevée aussi bien pour les questions fédérales que fédérées. Elle assure le contrôle de constitutionnalité des lois, adoptées par le congrès, par voie d’exception. Paragraphe 2.- Les rapports entre les organes Ces rapports peuvent s’apprécier sur le double plan organique et fonctionnel. A.- Sur le plan organique L’indépendance des pouvoirs (exécutif et législatif) est totale ; cependant, cette indépendance est atténuée par la responsabilité pénale du Président devant le Congrès : la procédure de l’impeachment. B.- Sur le plan fonctionnel Le régime présidentiel américain est un régime de séparation rigide des pouvoirs. Mais, il faut relativiser la séparation des pouvoirs exécutif et législatif ; car, en pratique, il existe une certaine collaboration des divers organes sans une subordination structurelle. Chapitre 3.- Le régime politique de la Ve République en France Le système politique français est né d’une longue évolution constitutionnelle marquée par des instabilités et des ruptures. Il est vrai qu’il repose sur une constitution écrite et rigide ; mais le système politique français semble apparaître comme le produit d’une histoire constitutionnelle particulière et trouble. Il est certain qu’on ne peut comprendre les dynamiques du système politique français sans remonter à la révolution de 1789, qui apparait comme le véritable point de départ de l’évolution constitutionnelle et institutionnelle de France. Mais, on ne peut non plus cerner les ressorts cachés de cette évolution politique française sans prendre en compte l’Ancien régime. L’Ancien régime peut se définir dans son ensemble comme une monarchie héréditaire à confusion des pouvoirs fonctionnant dans une structure sociale inégalitaire et hiérarchisée (en trois ordres ayant chacun un statut juridique particulier : le clergé, la noblesse et le tiers-état) et comprenant des institutions pseudo-représentatives : les États généraux et les parlements judiciaires. Le premier cycle de l’histoire constitutionnelle française commence à partir de la révolution de 1789 et se termine en 1848 avec le règne de Louis Philippe. C’est au cours de cette période que fut adoptée la première constitution écrite française, celle du 14 septembre 1791. Ce premier cycle constitutionnel comprend trois principales périodes : la période de gouvernement conventionnel ou d’assemblée (1789 – 1795), la période de réaction et de dictature de l’exécutif (1795 – 1814), la période d’équilibre entre les pouvoirs (qui marque l’établissement du régime parlementaire sous la monarchie constitutionnelle de 1814 – 1848). Le deuxième cycle de l’histoire constitutionnelle française s’étend de 1848 à 1958. Il se déroule également en trois périodes : la période de la séparation des pouvoirs et la montée du pouvoir législatif (1848 – 1851), la période de la réaction de l’exécutif (1851 – 1870), la période de la République parlementaire (1870 – 1958). Depuis 1789, la France a connu cinq Républiques et a expérimenté pas moins de quinze constitutions : la Constitution du 3 septembre 1791, la Constitution de l’an I (24 juin 1793), la Constitution du 5 fructidor an III (22 août 1795), la Constitution du 22 frimaire an VIII (13 décembre 1799), le Sénatus-consulte du 16 thermidor an X (4 août 1802), le Sénatus-consulte du 28 floréal an XII (18 mai 1804), la Charte constitutionnelle du 4 juin 1814, l’Acte additionnel aux constitutions de l’Empire du 22 avril 1815, la Charte constitutionnelle du 4 août 1830, la Constitutiondu4novembre 1848, les Lois constitutionnelle de 1875, la Loi constitutionnelle du 10 juillet 1940, la Loi constitutionnelle du 2 novembre 1945, la Constitution du 27 octobre 1946 et enfin la Constitution du 4 octobre 1958 actuellement en vigueur. Section 1.- La Constitution du 4 octobre 1958 L’avènement de la Ve République sous l’empire de la Constitution du 4 octobre 1958 fait figure d’évènement, en ce qu’il marque une rupture décisive dans l’évolution institutionnelle de la France. Si cette Constitution peut apparaître comme une loi fondamentale de circonstance liée au problème algérien, sa pérennité cinquantenaire montre bien sa singularité et sa plasticité aussi bien à travers son processus d’établissement, sa procédure de révision que sa protection. Paragraphe 1.- Le processus d’établissement : la fin de la quatrième République et la loi constitutionnelle du 3 juin 1958 La Constitution de 1958 est en réalité une constitution de circonstance, qui trouve ses origines au point de rencontre d’une cause conjoncturelle (la crise de la décolonisation) et d’une cause structurelle (la crise des institutions). Elle fut alors destinée principalement à la résolution de la double crise qui frappait le régime politique français. Le 13 mai 1958, suite au coup d’État à Alger, l’armée met en place un comité de salut public. La crise institutionnelle qui s’en suivît va conduire à la démission du gouvernement Pflimlin, le 28 mai 1958. Désigné par René Coty, Président de la République, pour former le dernier gouvernement de la IV République, le Général de Gaulle est investi comme président du Conseil par l’Assemblée nationale, le 1er juin 1958. La Loi constitutionnelle du 3 juin 1958, adoptée dans le respect de la procédure de révision prévue à l’article 90 de la Constitution de 1946 (IV République), confie au gouvernement le soin de rédiger une nouvelle constitution, qui devra être approuvée par le peuple par référendum. Cette loi paraît paradoxale ; elle limite le pouvoir constituant originaire, tant au fond qu’en la forme, afin d’éviter tout rapprochement fâcheux avec le blanc-seing accordé au Maréchal Pétain par le Parlement, le 10 juillet 1940. Elle prévoit les limitations suivantes[40] : Þ Le nouveau régime doit respecter certaines caractéristiques. Ce sont des conditions de fond : - Le suffrage universel, seule source du pouvoir. C’est du suffrage ou des instances élues par lui que dérivent le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif ; - La séparation effective des pouvoirs exécutif et législatif ; - La responsabilité du gouvernement devant le Parlement ; - L’indépendance de l’autorité judiciaire ; - L’organisation des rapports avec les peuples associés. Þ La procédure d’élaboration offre des garanties. Ce sont les conditions de forme : - Le texte rédigé par le groupe de travail réuni autour de Michel Debré est successivement soumis au Comité interministériel, où siègent les ministres d’État représentant les grands partis, puis au Comité consultatif constitutionnel, dont les deux tiers des membres sont désignés par les commissions parlementaires, enfin au Conseil d’État, avant d’être fixé définitivement par le Conseil des ministres ; - Le projet de Constitution ainsi élaboré est présenté au peuple français par le Général de Gaulle, le 4 septembre 1958. - Soumise au référendum le 28 septembre 1958, la nouvelle Constitution de la France est approuvée par le peuple français (référendum en métropole et dans les territoires d’outre-mer) à une majorité de près de 80%. La Constitution de la Ve République est alors promulguée le 4 octobre 1958. Paragraphe 2.- La procédure de révision de la Constitution de 1958 De la fin de la Communauté franco-africaine et malgache (loi constitutionnelle du 4 juin 1960) à la modernisation des institutions (loi constitutionnelle du 23 juillet 2008), la Constitution française de la Ve République a fait l’objet de 24 modifications ou révisions. Ces différentes révisions constitutionnelles ont été opérées par deux procédures. Le régime constitutionnel de 1958 distingue en effet une procédure normale (prévue à l’article 89 de la Constitution) et une procédure exceptionnelle ou concurrente (prévue à l’article 11 de la Constitution). La procédure normale de l’article 89 La procédure normale de révision de la constitution est celle prévue à l’article 89 de la constitution de 1958. Aux termes de l’article 89 alinéa 1er de la Constitution française du 4 octobre 1958, « L’initiative de la révision de la Constitution appartient au président de la République sur proposition du premier ministre et aux membres du Parlement »… etc. La procédure exceptionnelle ou concurrente de l’article 11 L’article 11 de la Constitution du 4 octobre 1958 dispose : « Le Président de la République, sur proposition du gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics… ». Paragraphe 3.- La protection de la suprématie constitutionnelle D’une façon générale, la suprématie de la Constitution de 1958 est assurée à travers sa rigidité et, par voie de conséquence, la complexité de la procédure de révision. Plus particulièrement, elle est assurée par l’institution d’une juridiction spéciale ayant en charge d’opérer un contrôle de constitutionnalité des lois et des traités internationaux. De 1958 à 2008, la protection de la suprématie constitutionnelle était assurée par le procédé du contrôle par la voie d’action. Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le procédé du contrôle par la voie d’exception a été institué sous la force de la question prioritaire de constitutionnalité. L’article 61-1 de la Constitution prévoit : « Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé… ». Section 2.- Les institutions de la Ve République La Constitution de la Ve république prévoit plusieurs institutions : le Président de la République (articles 5 à 19), le gouvernement (articles 20 à 23), le Parlement (articles 24 à 33), le Conseil constitutionnel (articles 56 à 63), l’autorité judiciaire (articles 64 à 66-1), la Haute Cour (articles 67 à 68), la Cour de justice de la République ( article 68-1 à 68-3), le Conseil économique, social et environnemental (article 69 à 71), le Défenseur des droits (article 71-1), les Collectivités territoriales (article 72 à 75). Cependant, les principales institutions ou principaux organes sont le Président de la République, le Gouvernement, le Parlement et le Conseil constitutionnel. Ces principales institutions sont organisées en trois pouvoirs : le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir juridictionnel. La Constitution du 4 octobre 1958 établit le régime politique français en définissant les rapports entre les différents pouvoirs publics. Paragraphe 1.- Les principales institutions Les principales institutions de la Ve république en France sont : A.- Le Président de la République Le Président apparaît comme la clef de voûte des institutions. La prééminence de l’institution présidentielle est le trait distinctif de la Ve République, qui est ainsi présentée selon les auteurs comme un régime semi-parlementaire ou semi-présidentiel ou encore présidentialiste. 1.- La condition présidentielle. Il est élu, à la majorité absolue des suffrages exprimés, pour cinq ans au suffrage universel direct, renouvelable une fois (article 6 de la Constitution). La Constitution consacre le principe de l’irresponsabilité du Président de la République ; mais elle prévoit également la possibilité d’une responsabilité exceptionnelle. Cette responsabilité exceptionnelle est à la fois politique (la destitution de l’article 68, la révocation populaire) et pénale (la responsabilité au plan international et au plan interne). 2.- Le pouvoir présidentiel Le Président de la République exerce des pouvoirs personnels ou autonomes. Ces pouvoirs jouent à l’égard du gouvernement : nomination du premier ministre, l’acceptation de la démission du Premier ministre ; à l’égard du parlement : le droit d’expression ou de communication (la prise de la parole et l’envoi de messages), la dissolution de l’assemblée nationale ; à l’égard du Conseil constitutionnel : nomination d’un tiers des membres, le pouvoir de saisine en inconstitutionnalité ; à l’égard de la Nation : le référendum législatif, les pouvoirs exceptionnels ou de crise. Par ailleurs, le Président assume également des pouvoirs qu’il partage avec le gouvernement, le Parlement ou l’autorité judiciaire, en sa qualité de chef de l’État. Dans le cadre gouvernemental : la nomination et la démission des membres du Gouvernement, la nomination aux emplois supérieurs de l’Etat, la signature des actes réglementaires, la présidence du conseil des ministres. Dans le cadre parlementaire : la convocation en session extraordinaire, la convocation du congrès du Parlement, l’exercice du pouvoir constituant dérivé, la promulgation de la loi, la demande d’une nouvelle délibération de la loi. Dans le cadre de l’autorité judiciaire : le droit régalien de faire grâce à titre individuel, le garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire. Dans le domaine militaire et diplomatique : le chef des armées, le garant de l’intégrité du territoire et le chef de la diplomatie. B.- Le Gouvernement Le gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation. Il dispose de l’administration et de la force armée. Il est constitué du Premier ministre et des ministres. Le Premier ministre dirige l’action du gouvernement. Il exerce le pouvoir réglementaire, assure l’exécution des lois et supplée, à titre exceptionnel, le Président de la République dans la présidence des Conseils de ministres en vertu d’une délégation expresse et pour un ordre du jour déterminé. Les membres du gouvernement ont accès aux deux assemblées. Ils sont entendus quand ils le demandent. Ils peuvent se faire assister par des commissaires du gouvernement (article 31 de la Constitution). C.- Le Parlement Le Parlement est constitué de deux chambres ; il détient le pouvoir législatif : 1.- Les deux chambres du Parlement sont l’Assemblée nationale et le Sénat Ces deux chambres se réunissent en Congrès. Les députés à l’Assemblée nationale, dont le nombre ne peut excéder cinq cent soixante-dix-sept, sont élus au suffrage direct. Le Sénat, dont le nombre de membres ne peut excéder trois cent quarante-huit, est élu au suffrage indirect. Dans la France contemporaine, l’existence d’une deuxième chambre ne peut se fonder sur aucune considération objective (comme le respect du fédéralisme en Allemagne ou aux Etats-Unis). Cependant, le bicamérisme doit être considéré comme un élément d’équilibre du régime parlementaire. Le Sénat demeure ainsi une assemblée appréciée pour ses qualités spécifiques : il assure la représentation des collectivités territoriales de la République et joue un rôle de modération et de réflexion. C’est ainsi que par deux référendums (1946 et 1969), les Français se sont opposés à sa disparition. 2.- Le rôle du Parlement Il vote la loi ; en cela il détient le pouvoir législatif, c’est-à-dire le pouvoir de faire la loi. Ensuite, le Parlement contrôle l’action du gouvernement à travers les mécanismes de mise en cause de la responsabilité du gouvernement (article 49 de la Constitution), les questions parlementaires (article 48 de la Constitution), l’activité des commissions législatives et les commissions d’enquêtes (article 51-1). Enfin, le Parlement évalue les politiques publiques et est assisté dans cette tâche de la Cour des comptes (article 47-2 de la Constitution). D.- Le Conseil constitutionnel Les dispositions constitutionnelles permettent de mettre en évidence les membres et les attributions du Conseil constitutionnel. 1.- Les membres Les membres du Conseil constitutionnel font l’objet d’une désignation par des autorités politiques : « Le Conseil constitutionnel comprend neuf membres, dont le mandat dure neuf ans et n’est pas renouvelable. Le Conseil constitutionnel se renouvelle par tiers tous les trois ans. Trois des membres sont nommés par le Président de la République, trois par le président de l’Assemblée nationale, trois par le Président du Sénat… ». En sus, font de droit parties à vie du Conseil constitutionnel les anciens Présidents de la République. 2.- Les attributions Les attributions du Conseil constitutionnel sont diverses. Il intervient en matière électorale et en matière de contrôle de constitutionnalité. Il émet des avis (attribution consultative) ou des décisions (attribution contentieuse). Les décisions du Conseil constitutionnel ont formellement et théoriquement deux effets différents selon qu’elles sont rendues par le procédé de la voie d’action ou le procédé de la question prioritaire de constitutionnalité. Aux termes de l’article 62, une disposition déclarée inconstitutionnelle par la voie d’action ne peut être promulguée ni mise en application ; par contre une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement d’une question prioritaire de constitutionnalité est abrogée à compter de la publication de la décision du conseil constitutionnel ou à une date ultérieure fixée par ladite décision. Paragraphe 2.- Les rapports entre le Parlement et le Gouvernement Le système politique français offre des rapports intenses entre le Parlement et le Gouvernement. A.- La répartition du domaine de la loi et du domaine du règlement Les articles 34 et 37 de la Constitution déterminent la définition du domaine de la loi et celui du règlement. Cette répartition des domaines normatifs respectifs entre le parlement et le gouvernement traduit la rationalisation du parlementarisme. Le Parlement ne peut donc tout faire, il ne peut adopter que des dispositions relevant du domaine qui lui est assigné par l’article 34. Cependant, d’autres articles de la Constitution réserve à la loi la détermination de certaines règles : on peut citer, notamment, les articles 64, 66 et 72 de la Constitution. Le domaine de la loi couvre les matières essentielles. En contrepartie, le pouvoir réglementaire est libre de statuer sur le reste. On dit que le pouvoir législatif a une compétence d’attribution ; alors que le pouvoir réglementaire a une compétence de droit commun. B.- La procédure d’adoption des ordonnances Aux termes de l’article 38 de la Constitution : « Le gouvernement peut, pour l’exécution de son programme, demander au Parlement l’autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. Les ordonnances sont prises en Conseil des ministres après avis du Conseil d’État. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n’est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d’habilitation. Elles ne peuvent être ratifiées que de manière expresse…. ». C.- L’initiative des lois Elle appartient concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement.


Titre 3 : Le régime politique de la Côte d’Ivoire Le système politique de la Côte d’Ivoire partage la même histoire aussi bien avec la France qu’avec les autres États africains. Il reste ainsi marqué par deux dynamiques, qui bien que paraissant contradictoires participent ensemble au processus de construction des systèmes constitutionnels et de formation de l’État en Afrique. L’une de ces dynamiques tient au poids, à l’importation et à l’influence des modèles politiques et constitutionnels occidentaux sur les systèmes politiques africains, notamment ivoirien. L’autre tient à la pression des réalités politiques et constitutionnelles propres liées aux exigences locales. On peut donc reconnaître que le système politique ivoirien est complexe ; en ce qu’il entremêle, des données d’un passé colonial et des données d’un devenir pris dans l’engrenage des incertitudes de la contestation violente du pouvoir, des données juridiques et des données politiques, des textes constitutionnels et des textes conventionnels ; des pratiques constitutionnelles et des pratiques anticonstitutionnelles, des tentatives de construction d’un système démocratique et des habitudes autoritaires ; des appels à la cohésion nationale et des revendications communautaires, ethniques et religieuses. Le système politique ivoirien est portée par la Constitution actuellement en vigueur en Côte d’Ivoire et qui a été promulguée le 1er août 2000. Même si depuis son adoption, cette constitution n’a pas fait l’objet d’une application effective par les pouvoirs publics, si elle a été contestée et bien souvent mise à rude épreuve du fait de la forte crise politique qui affecte le pays depuis septembre 2002,[41] elle reste le texte de référence dans l’ordre constitutionnel ivoirien. Le régime constitutionnel actuel de la Côte d’Ivoire trouve donc ses fondements dans la Constitution du 1er août 2000. Cependant, le système politique ne peut être bien appréhendé que si l’on remonte quelque peu aux origines pour retracer l’évolution constitutionnelle de la Côte d’Ivoire (Chapitre 1) ; qui a conduit à la troisième République (Chapitre 2). Chapitre 1.- L’évolution constitutionnelle L’évolution constitutionnelle et politique de la Côte d’Ivoire trouve ses origines sous l’époque coloniale. Il s’impose donc la nécessité d’établir un lien avec l’histoire coloniale afin de mieux comprendre l’esprit des institutions actuelles ; cela à travers d’une part le statut colonial de la Côte d’Ivoire (Section 1) et la reconnaissance de l’autonomie constitutionnelle sous la colonisation (Section 2). Section 1.- Le statut colonial de la Côte d’Ivoire Étant sous domination coloniale, la Côte d’Ivoire n’était pas encore un État. Elle ne pouvait donc avoir une constitution qui lui soit propre. Par conséquent, elle fut placée sous l’emprise ou l’empire de la constitution française et n’avait donc pas d’existence autonome. En effet, la colonie de Côte d’Ivoire n’était que prolongement de la France dans laquelle elle était juridiquement, politiquement et économiquement intégrée. Le droit constitutionnel applicable sur le territoire de Côte d’Ivoire était donc, selon la formule du professeur Francis Wodié, « un droit constitutionnel hétéronome », qui restera en vigueur jusqu’en 1959. Paragraphe 1.- De la colonie au territoire d’Outre-mer Simple territoire colonial, successivement rattachée au Sénégal (Gorée puis Saint-Louis) de 1845 à 1882, au Gabon (1882 à 1889) et Guinée française (1891 à 1893), la Côte d’Ivoire acquiert son autonomie de colonie française par décret du 10 mars 1893. Ce décret assure bien évidemment l’organisation de la colonie de Côte d’Ivoire ; mais la Constitution française de 1946 accorde, par la suite, un statut de territoire d’Outre-mer à la Côte d’Ivoire. A.- L’institution et l’organisation de la colonie par le décret du 10 mars 1893 Le décret du 10 mars 1893 tire son fondement de l’article 18 du senatus-consulte du 3 mai 1854. Il porte organisation des colonies de la Guinée française, de la Côte d’Ivoire et du Bénin et énonce, en son article premier, que ces trois territoires forment trois colonies distinctes administrées par un gouverneur assisté d’un secrétaire général. La colonie de Côte d’Ivoire fut intégrée, en 1895, à la « Fédération de l’Afrique Occidentale Française », puis réintégrée en 1899. Elle fut ainsi régie par le décret du 18 octobre 1904 portant réorganisation de l’AOF. La colonie de Côte d’Ivoire apparaissait comme un échelon administratif placée sous l’autorité du gouverneur investit d’un pouvoir administratif et non d’un pouvoir politique. B.- Le statut de territoire d’Outre-mer accordé par la Constitution du 27 octobre 1946 dans le cadre de l’Union française La Constitution française du 27 octobre 1946, qui accordait le statut de territoire d’Outre-mer aux colonies, institua l’Union française. En conséquence, les colonies françaises, notamment le territoire de Côte d’Ivoire, furent automatiquement intégrées à cette Union que la France constituait avec ses territoires coloniaux. Par la suite, des réformes initiées dans le fonctionnement des territoires d’Outre-mer vont favoriser leur évolution politique. La Constitution française de 1946 confère le statut de Territoire d’Outre-mer (T.O.M) au territoire colonial de la Côte d’Ivoire comme elle l’a fait d’ailleurs pour les autres territoires d’Afrique occidentale et centrale. Ces territoires d’Outre-mer forment avec la France l’Union française, qu’organise le titre VIII (articles 60 et suivants) de la Constitution du 27 octobre 1946. L’article 74 de cette Constitution dispose que les territoires d’Outre-mer sont dotés d’un statut particulier tenant compte de leurs intérêts propres dans l’ensemble des intérêts de la République. C’est ainsi que l’article 77 prévoit que chaque territoire doit se doter d’une assemblée élue, organe délibérant, l’organe exécutif étant le gouverneur. Les assemblées des territoires d’Outre-mer furent organisées par la loi du 9 mai 1946. Ce qui a permis la mise en place, à l’image des assemblées fonctionnant dans les départements français, d’une assemblée locale dénommée Conseil général instituée par un décret du 25 d’Octobre 1946 : le conseil général est alors créé en octobre 1946. Cette assemblée dont les membres sont élus par deux collèges distincts (collège des citoyens français et collège des indigènes) ne joue qu’un rôle consultatif au plan local. Une loi du 06 février 1952 transforme le Conseil général en Assemblée territoriale. Le bureau de l’Assemblée territoriale, élu le 24 mars 1953, a à sa tête Monsieur Félix Houphouët-Boigny, avec pour premier Vice-président Monsieur Auguste Denise. Comme le relève Pierre-François Gonidec, « les Assemblées territoriales sont toutes purement administratives ; elles sont chargées de gérer les intérêts des territoires et notamment les finances locales, les intérêts patrimoniaux et les services publics. Leurs attributions consistent dans la discussion et le vote des projets préparés par le chef du territoire, organe exécutif »[42]. Paragraphe 2.- Les reformes dans le fonctionnement des colonies La loi-cadre dite loi Gaston Deffere et Houphouët-Boigny du 23 Juin 1956 introduit des reformes importantes dans le fonctionnement des colonies françaises d’Afrique noire. Celles-ci vont dans le sens aussi bien d’une démocratisation des institutions locales (élection au suffrage universel indirect par un collège unique) que d’une décentralisation administrative des institutions locales (certaines compétences de l’assemblée territoriale sont renforcées au détriment de l’échelon fédéral basé à Dakar). En 1958, intervient le référendum d’autodétermination dans la presque totalité des territoires coloniaux français d’Afrique. Le "OUI" des peuples colonisés d'Afrique francophone au référendum du 28 septembre 1958 et l'institution de la Ve République en France par l'adoption de la Constitution du 4 octobre 1958, donnent à ces territoires colonisés un statut d'autonomie qui leur ouvre les voies d'une indépendance possible. La Côte d’Ivoire choisit cette voie sans lier son sort à l'exécutif fédéral de Dakar. En effet, le 9 avril 1958, l'Assemblée territoriale, se prononce contre son intégration à l'exécutif fédéral de Dakar ; Félix Houphouët-Boigny, le leader de la cause indigène dans le territoire colonial, milite plutôt pour la liberté de chaque territoire d’entrer dans une fédération africaine. Paragraphe 3.- La reconnaissance de l’autonomie constitutionnelle La Constitution française du 4 octobre 1958 établissant la Ve République, institue la communauté franco-africaine. À cet effet elle reconnaît une autonomie constitutionnelle aux territoires africains. C’est ainsi que la Côte d’Ivoire, devenu État membre de la communauté, se dota d’une Constitution le 26 mars 1959. L’institution de la communauté franco-africaine La Constitution française du 4 octobre 1958 offre à la Côte d'Ivoire la possibilité d'acquérir une autonomie dans le cadre de la Communauté française. Ainsi, par la déclaration (résolution 217-58 AT) du 4 décembre 1958, l’Assemblée territoriale de la Côte d’Ivoire proclame la République de Côte d’Ivoire, État membre de la Communauté française. Apparaissant comme un État fédéré, le territoire de la Côte d'Ivoire pouvait donc se doter d'une Constitution, mettant fin à statut de Territoire d'Outre-Mer. La Constitution du 26 mars 1959 Bénéficiant d’une autonomie constitutionnelle, un processus d’élaboration d’une constitution pour le territoire colonial est amorcé. L’Assemblée territoriale s'érige alors en Assemblée constituante. On rapporte que l’opération constituante a été entreprise par un gouvernement et une assemblée dominés par un seul parti politique, le Parti Démocratique de Côte d’Ivoire- Rassemblement Démocratique Africain (PDCI-RDA), la plupart des opposants ayant quitté le pays ou s’étant ralliés à la coalition gouvernementale. Le premier projet élaboré par le gouvernement a été examiné par une commission consultative composée par de hauts dignitaires du PDCI-RDA auxquels avaient été adjoints quelques juristes. Il est ensuite discuté par le comité du Rassemblement Démocratique Africain (RDA), de manière à assurer l’harmonisation des institutions dans les pays dominés par ce parti, puis revu par une commission parlementaire. Il convient de rappeler que le Parti Démocratique de Côte d’Ivoire est la section ivoirienne du Rassemblement Démocratique Africain (RDA), un mouvement politique favorable à l’autodétermination des territoires coloniaux et présent dans plusieurs territoires d’Afrique noire française. Le PDCI-RDA ayant examiné le texte, l’Assemblée territoriale adopte, sans débats, le 26 mars 1959, la Constitution de la République de Côte d’Ivoire. Un certain nombre de remarques peuvent être faites vis-à-vis de cette démarche. D'abord et avant tout, la procédure d'adoption de la Constitution est peu démocratique ; le peuple de Côte d'Ivoire a été exclu de l'adoption de cette Constitution. Le contenu de la Constitution Deux éléments peuvent retenir l’attention dans le contenu de la constitution du 26 mars 1959 : le régime politique et les institutions politiques. Þ Le régime politique établi par la Constitution du 26 mars 1959 Le régime politique établi par la Constitution du 26 mars 1959 épouse les traits essentiels de la Constitution française du 4 octobre 1958. On a noté que cette Constitution, adopté sous influence coloniale et avant la proclamation de l’indépendance, est une copie de la Constitution de la Ve République française, elle-même adoptée en 1958. À l’observation, le régime politique issu de la constitution de 1959 est un régime parlementaire dont la pièce constitutive est : un gouvernement à la tête duquel se trouve un Premier ministre. Celui-ci est investi à la majorité absolue des membres de l’Assemblée législative. La constitution ne désigne pas un chef de l’État ; cette fonction revenant au Président de la République française, chef de la communauté. Þ Les institutions mise en place par la Constitution du 26 mars 1959 Les principales institutions prévues par la Constitution du 26 mars 1959 sont l’Assemblée législative, le Premier ministre et le gouvernement. L’Assemblée législative est l’organe législatif et exerce, à ce titre, la fonction législative. Elle vote la loi dans les matières autres que celles reconnues aux organes de la communauté. Le titre III (articles 22 et suivants) confère à l’Assemblée législative tous les pouvoirs législatifs, dans la logique d’un régime parlementaire. Elle peut mettre en cause la responsabilité du gouvernement, qui en retour peut dissoudre l’Assemblée législative. L’article 24 de la Constitution du 26 mars 1959 prescrit que les députés à l’Assemblée législative sont élus au suffrage universel direct. Le régime électoral devait être fixé par une loi. Toutefois, l’article 70 de la Constitution de 1959 disposait à titre transitoire que l’Assemblée constituante doit voter, entre autres, une loi fixant le régime électoral de la première assemblée législative… ». Ainsi, fut adoptée la loi organique n°59-2 du 27 mars 1959 sur la base de laquelle se tiennent les élections générales du 12 avril 1959, en vue de la désignation des 100 membres de l’Assemblée législative, au scrutin majoritaire à un tour. Une liste unique, « la liste de l’union pour le développement de la Côte d’Ivoire », fut présentée par le Parti Démocratique de Côte d’Ivoire. Celle-ci naturellement a remporté l’ensemble des 100 sièges à pourvoir. Le Premier ministre et le gouvernement sont établis dans le cadre du parlementarisme. Le 13 avril 1959, l’Assemblée législative se réunit pour élire son bureau ; Monsieur philippe Yacé est élu Président de l’Assemblée législative. Celui-ci proposa Monsieur Houphouët-Boigny comme la personnalité pressentie au poste de Premier ministre. En qualité de personnalité pressentie, Monsieur Houphouët-Boigny est investi par l’Assemblée législative, le 30 avril 1959, à l’unanimité des voix (99) moins sa propre voix (le candidat ne pouvant pas participer au vote). Le même jour, le nouveau Premier ministre forme le gouvernement de la Côte d’Ivoire par un décret n°59-36 du 30 avril 1959. On remarquera que c'est la même assemblée qui a proclamé la République, qui a adopté le statut d’État membre de la Communauté française, qui s'est érigée en Assemblée constituante et qui a investi le gouvernement. Paragraphe 4.- Le processus de l’indépendance Le processus de l’indépendance du territoire de Côte d’Ivoire est marqué par des données préalables, caractérisant une dynamique externe, et par sa consécration sous l’effet d’une dynamique interne. A.- Les données préalables : la dynamique externe Les données préalables qui ouvrent la voie vers l’indépendance sont extérieures à la Côte d’Ivoire. Il s’agit de la loi constitutionnelle du 4 juin 1960 et de l’accord particulier du 11 juillet 1960. Þ La loi constitutionnelle du 4 juin 1960 portant révision de la constitution française du 4 octobre 1958 Cette loi a pour objet de lever l’incompatibilité établie entre l’indépendance et l’appartenance à la communauté, telle qu’elle est prescrite par l’article 86 alinéa 2[43] : les territoires africains devaient faire l’option entre Etat membre de la communauté ou État indépendant. La loi constitutionnelle du 4 juin 1960 modifie les dispositions de l’article 86 en indiquant : « Un État membre de la Communauté peut, également, par voie d’accords, devenir indépendant, sans cesser, de ce fait, d’appartenir à la Communauté… ». Toutefois, elle n’abroge pas l’alinéa 2 de l’article 86 de la Constitution du 4 octobre 1958, mais se limite seulement à lui adjoindre trois autres alinéas. Ce qui fait coexister dans les dispositions de l’article 86 deux régimes : « l’indépendance – sécession » et « l’indépendance – association ». Þ L’accord particulier du 11 juillet 1960 L’accord particulier du 11 juillet 1960 est conclu entre la Côte d’Ivoire et la France ; il comporte deux articles et fut signé pour le compte des deux parties respectives par M. Houphouët-Boigny et par M. Michel Debré. L’article premier dispose que la République de Côte d’Ivoire accède, en plein accord et amitié avec la République française, à la souveraineté internationale et à l’indépendance par le transfert des compétences de la Communauté. L’article 2 prescrit que toutes les compétences instituées par l’article 78[44] de la Constitution du 4 octobre 1958 sont, pour ce qui la concerne, transférées à la République de Côte d’Ivoire dès l’accomplissement par les parties contractantes de la procédure de l’article 87 de la Constitution, selon laquelle l’accord particulier du 11 juillet 1960 ne pouvait réaliser pleinement le transfert des compétences, qu’à l’issue de son approbation par la Côte d’Ivoire. Ce qui marque la dynamique interne du processus de l’indépendance. B.- La consécration : la dynamique interne La dynamique externe du processus de l’indépendance a été concrétisée par deux lois, l’une ordinaire (loi du 27 juillet 1960) et l’autre constitutionnelle (la loi constitutionnelle du 27 juillet 1960). Ces deux lois ont opéré la consécration du statut d’Etat indépendant et souverain de la Côte d’Ivoire. Þ La loi n° 60-206 du 27 juillet 1960 portant approbation de l’accord particulier du 11 juillet 1960 La loi du 27 juillet 1960 assure, conformément à la procédure de l’article 87 de la Constitution française du 4 octobre 1958, la consécration au plan interne de l’accord particulier du 11 juillet 1960, conclu entre la Côte d’Ivoire et la France et opérant transfert de compétence à la République de Côte d’Ivoire. Ce processus vers l’affirmation de l’indépendance de la Côte d’Ivoire atteint son ultime aboutissement avec la loi constitutionnelle n° 60-205 du 27 juillet 1960. Þ La loi constitutionnelle n° 60-205 du 27 juillet 1960 La loi constitutionnelle n° 60-205 du 27 juillet 1960 porte modification de la Constitution du 26 mars 1959. Elle est relative à la réorganisation des institutions et dispose : « l’Etat de Côte d’Ivoire est une République indépendante et souveraine »[45]. Dans cette logique, elle indique que le chef de l’Etat, chef de l’Exécutif est le Premier ministre avec les rangs, pouvoirs et prérogatives qui s’attachent à ces fonctions[46]. Par ailleurs, elle prescrit en son article 3 que « Le parlement est composé d’une Assemblée unique, dite Assemblée nationale ». La Côte d’Ivoire ayant cessé d’appartenir à la communauté, cette loi constitutionnelle met en place un cadre institutionnel transitoire, dans l’attente de la désignation du Président de la République et de l’établissement d’une nouvelle constitution consécutivement à la proclamation de l’indépendance. C’est ainsi que la première Constitution de la Côte d’Ivoire indépendante et souveraine fut adoptée le 3 novembre 1960. Elle reconduit les mesures transitoires, afin d’éviter le vide juridique et institutionnelle. D’abord, l’article 75 indique que les autorités établies dans la République continueront d’exercer leurs fonctions et les institutions actuelles seront maintenues jusqu’à la mise en place des autorités et institutions nouvelles. Ensuite, l’article 76 prescrit : « la législation actuellement en vigueur en Côte d’Ivoire reste applicable, sauf l’intervention de textes nouveaux, en ce qu’elle n’a rien de contraire à la présente Constitution ». C’est ainsi qu’est établi le régime politique de la 1er République. Section 2.- Le régime politique de la 1ère République Le régime politique de la 1ère République est consécutif à l’accession de la Côte à la souveraineté internationale. Il fut établi par la loi n° 60-356 du 3 novembre 1960 portant Constitution de la République de Côte d’Ivoire. À son accession à l’indépendance, le 7 août 1960, la Côte d’Ivoire, comme État nouveau, fut évidemment amenée à adopter une nouvelle Constitution : celle du 3 novembre 1960. Cette Constitution, qui consacre juridique l’Existence de la Côte d’Ivoire en tant qu’État indépendant et souverain, pose le problème de ses conditions d’établissement. Par ailleurs, par son contenu, la Constitution du 3 novembre 1960 permet de cerner la particularité du régime politique de la 1ère République ; ce qui conduit à mettre en évidence l’ineffectivité de la suprématie constitutionnelle. Cette Constitution prévoyait en son article 7 le pluralisme politique et proclamait en son article 2 que « la République de Côte d’Ivoire est une et indivisible, laïque, démocratique et sociale ». Mais, au-delà de cette formule incantatoire, le système politique fut marqué par le monopartisme et des confiscations de libertés individuelles et collectives. C’est ainsi que, suite aux mouvements de mobilisation collective et de revendication démocratique, un processus de démocratisation fut amorcé dans 1990 Section 3.- Le régime de transition militaire Le régime de transition militaire est consécutif de l’éruption de l’armée sur la scène politique en Côte d’Ivoire. Il est la conséquence d’un coup d’État militaire (La cause indirecte : le décès du Président Félix Houphouët-Boigny/ Les causes directes : les conflits au sein de la classe politique et l’intervention de l’armée dans le jeu politique et, au regard des circonstances, apparait comme un changement pseudo-démocratique). Paragraphe 1 : instauration du Comité national de salut public Le régime de transition militaire se caractérise par un intermède constitutionnel (La proclamation du Comité national du salut public du 24 décembre 1999 dû entre autre à : - « Les atteintes répétées aux droits et libertés des citoyens en particulier à la liberté d’expression comme en témoigne l’interdiction des manifestations, l’arrestation et la détention d’opposants et de journalistes ; - Le gaspillage systématique des ressources de l’Etat pour asseoir leur domination et se donner les moyens d’assurer leur maintien au pouvoir ; - L’exaltation des sentiments tribaux et xénophobes pour briser l’unité et la cohésion nationale… ».), qui ouvre sur un processus de normalisation constitutionnelle L’ordonnance n° 01/99 PR. du 27 décembre 1999 portant suspension de la constitution et organisation provisoire des pouvoirs publics Le Comité national de salut public (CNSP) est la principale institution de la transition militaire, même s’il est apparu discret et quelque peu à distance de la scène politique. Dans la réalité de l’ordre constitutionnel de la transition militaire, c’est le Comité national de salut public qui détient l’effectivité du pouvoir : il détient en effet la souveraineté. En dehors de la principale institution que constituait le comité national de salut public (CNSP), l’ordre constitutionnel de la transition militaire avait prévu d’autres instituions politiques. Celles-ci étaient organisées par l’ordonnance du 27 décembre 1999 et chargées de la mise en œuvre de la politique nationale telle définie par le Comité national de salut public. L’ordre constitutionnel de la transition militaire réalise une parfaite confusion des pouvoirs. Se situant au sommet de l’organisation institutionnelle, le Comité national de salut public tient indirectement le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif sous son autorité : « les pouvoirs législatif et exécutif sont exercés par le président du Comité national de salut public (C.N.S.P.), Président de la République, Chef de l’État »[47]. Þ Le pouvoir exécutif Aux termes de l’article 4 de l’ordonnance du 27 décembre 1999, « Le Président de la République est le détenteur exclusif du pouvoir exécutif. Il nomme les ministres qui sont responsable devant lui. Il met fin à leurs fonctions ». Il est le chef suprême des armées, préside le conseil des ministres, arrête la politique générale du gouvernement et veille à son application, dispose de l’administration et nomme au aux emplois publics. Le Président de la République assure les relations diplomatiques, négocie et ratifie les traités et accords internationaux. Il a le droit de faire grâce. Þ Le pouvoir législatif Le pouvoir législatif est détenu par le président de la république, qui légifère par ordonnances. Ces ordonnances ont pouvoir de modifier les lois antérieures. Paragraphe 2 : Le processus de normalisation constitutionnelle La nécessité de la normalisation constitutionnelle était déjà affirmée dans la proclamation du CNSP du 24 décembre 1999 par un engagement à « créer les conditions nécessaires à l’instauration d’une vraie démocratie en vue de l’organisation d’élections justes et transparentes pour le retour à une vie constitutionnelle normale ». Un processus d’élaboration d’une nouvelle Constitution est mis en place en vue d’établir le régime de la deuxième République. Contrairement au processus qui s’est déroulé dans le contexte du parti unique en 1960, celui de 2000 est ouvert à une large participation ; un engouement populaire est également perceptible : des représentants des partis politiques et d’autres secteurs sociaux ont pris part aux débats qui ont finalement abouti notamment à l’adoption de la Constitution et du Code électoral. De plus, pour la première fois depuis l’indépendance de la Côte d’Ivoire, le projet de texte constitutionnel est soumis au référendum. Cette expérience montre que par un travers de l’histoire de ce pays, c’est un régime autoritaire issu d’un coup d’État militaire qui a offert au peuple ivoirien l’occasion de prendre part à une opération constituante. Le processus d’établissement de la Constitution de la deuxième République est apparu complexe[48] : - Le projet de l’avant-projet de constitution a été rédigé par la sous-commission constitution constituée de membres des partis politiques et de la société civile. - L’avant-projet de constitution devait être arrêté par la commission consultative, constitutionnelle et électorale (C.C.C.E.)[49], après examen du texte du projet de l’avant-projet de constitution tel que transmis par la sous-commission constitution pour adoption[50]. Ainsi, au terme de l’article 2 du décret du 21 janvier 2000, la C.C.C.E a pour mission de proposer au gouvernement de transition, un avant-projet de la loi constitutionnelle, un avant-projet de loi électorale et des mesures pour l’organisation d’élections libres et transparentes. - Le projet de constitution. En effet, une fois adoptés par la C.C.C.E., les différents textes des avant-projets sont transmis au gouvernement, puis soumis à l’examen du conseil des ministres[51]. L’adoption du projet de constitution. Après adoption par le Conseil des ministres, les différents projets devait être publiés au journal officiel à titre d’information[52] avant de faire l’objet d’une adoption populaire par voie de référendum. C’est ce que fait, le 26 mai 2000[53], à la suite du décret n° 2000-383 du 24 mai 2000 portant publication des projets de constitution et de code électoral. Malgré les tergiversations du chef de la junte militaire sur la question des conditions d’éligibilité à la Présidence de la République et en dépit des difficultés pratiques, le référendum organisé les 23 et 24 juillet 2000 a abouti à l’adoption de la Constitution de la deuxième République. Le texte de cette Constitution est promulgué le 1er août 2000. Un scrutin présidentiel (en octobre 2000) puis des élections législatives sont organisés en vue de mettre en place de nouvelles institutions


Le système politique de la deuxième République a pour fondement juridique la Constitution du 1er août 2000. Il marque la fin du régime de transition militaire et le retour à une vie constitutionnelle normale.

À ce titre, il s’est construit autour de plusieurs institutions caractérisant l’avènement de la deuxième République en Côte d’Ivoire.

Une synthèse de la rupture avec l’ordre ancien et de l’ouverture vers un nouvel ordre constitutionnel

La Constitution ivoirienne du 1er août 2000 qui tire ses origines du coup d’Etat militaire de 1999, s’inspire du débat politique consécutif au processus démocratique des années 1990. Elle apparaît en cela comme une synthèse entre la rupture avec l’ordre ancien et l’ouverture vers un nouvel ordre constitutionnel inscrite dans une certaine continuité. Tout en apportant des innovations essentielles, cette Constitution reconduit plusieurs dispositions de la Constitution du 3 novembre 1960 fondant la première République. Elle reproduit l’allure présidentialiste du régime politique ivoirien, le monocaméralisme du parlement ; elle ramène à la vie certaines institutions juridiques et politiques : le Conseil économique et social, la juridiction constitutionnelle créée en 1994, en l’occurrence le Conseil constitutionnel ; elle proclame la séparation des pouvoirs.

Les innovations concernent d’abord la forme de la constitution. Le Préambule de la Constitution de 1960 était un véritable préambule-croupion d’à peine huit lignes; celui de 2000 qui comparé aux textes constitutionnels des autres Etats, est relativement et surtout peu éloquent, fait un peu mieux que sa devancière en s’étalant sur à peine une page.

Par ailleurs, la Constitution du 3 novembre 1960 ne comptait seulement que soixante-seize (76) articles à l’origine, celle du 1er août 2000 est plus détaillée et se compose de cent trente-trois (133) articles.

Dans le fond, et dès son préambule, la Constitution du 1er août 2000 relève la diversité ethnique, culturelle et religieuse du peuple de Côte d’Ivoire et son désir de bâtir une nation unie solidaire et prospère. Fort de cette configuration sociologique et de l’ambition d’assurer son propre développement, le peuple de Côte d’Ivoire proclame son adhésion à un certain nombre de principes fondamentaux. Mais, le contexte et les circonstances de crise qui ont présidé l’élaboration de la Constitution ont conduit à un glissement de l’instabilité politique à l’épicentre de l’ordre constitutionnel.

La deuxième République est née d’une crise politique. C’est ainsi que l’ordre constitutionnel qui lui sert de fondement a été envahi par la fièvre de l’instabilité politique. Celle-ci apparaît comme la conséquence d’une part de la contestation des dispositions constitutionnelles définissant les conditions d’éligibilité à l’élection présidentielle et d’autre part de la remise en cause des institutions constitutionnelles investies par les autorités politiques gouvernantes.

Les conventions constitutionnelles sont d'apparition récente dans les systèmes constitutionnels africains. Elles ont émergé dans le cadre des processus de transition des années 1990 et se présentent comme des aménagements de la constitution opérés par un accord entre forces politiques dans un contexte de crise prolongée menaçant le fonctionnement normal des institutions politiques.

Le procédé de la convention constitutionnelle a été mis en œuvre selon des expériences diverses. Cette originale construction juridico-politique est apparue, pour la première fois[54] à Madagascar, dans le contexte de la revendication démocratique des années 1990[55].

En ce qui concerne la Côte d’Ivoire, les accords politiques portant arrangements constitutionnels ont été initiés à la suite des événements des 18 et 19 septembre 2002, qui ont conduit à la bipartition du territoire national. La partie sud du pays était sous contrôle gouvernemental alors que la partie nord était sous influence de mouvements rebelles (Mouvement patriotique de la Côte d’Ivoire, Mouvement patriotique ivoirien du grand Ouest, Mouvement pour la justice et la paix).

Pour mettre un terme à cette situation, des négociations sont menées dans le cadre de la CEDEAO (Lomé, Accra, Dakar). Mais, l’échec de ces négociations au plan sous-régional conduit finalement à transposer le règlement du conflit dans un autre cadre, à l’instigation du gouvernement français. Est alors convoqué à Linas-Marcoussis (en banlieue parisienne), une table ronde des forces politiques ivoiriennes dont on peut supposer qu’elles étaient les plus représentatifs, du 13 au 23 janvier 2003. Participent à cette Table ronde, les partis politiques considérés comme les plus représentatifs sur la scène politique nationale [ Front populaire ivoirien (FPI ), Parti démocratique de Côte d’Ivoire – Rassemblement démocratique africain (PDCI-RDA), Rassemblement des républicains( RDR) , Union pour la démocratie et la paix en Côte d’Ivoire ( UDPCI ), Parti ivoirien des travailleurs ( PIT ), Union démocratique et citoyenne ( UDCY ) et Mouvement des forces d’avenir ( MFA ) ] ainsi que les représentants des trois mouvements rebelles : [ Mouvement patriotique de la Côte d’Ivoire (MPCI ), Mouvement patriotique ivoirien du grand Ouest ( MPIGO ) et Mouvement pour la justice et la paix ( MJP) ].

Les négociations devaient apporter une solution à une opposition (contradiction) fondamentale : d’un côté le respect de l’ordre constitutionnel de la 2ième République et la reconnaissance de la légitimité des institutions politiques ; de l’autre, la remise en cause de l’ordre constitutionnel de 2000 qui passe par la création d’un autre ordre (espace) politique.

En raison des conséquences internationales du conflit (effet de contagion), l’accord par son processus de conclusion et par son contenu exprime partiellement la volonté de certains acteurs de la société internationale d’aider à la résolution pacifique d’un conflit interne qui constitue une menace pour la paix internationale (voir Résolution 1464 du Conseil de Sécurité des Nations Unies adoptée le 4 février 2003). L’accord de Marcoussis ne remet pas en cause la Constitution du 1er Août 2000, elle n’abroge pas cette Constitution puisqu’il s’y réfère ; mais elle ne reste cependant pas sans effet sur cette Constitution ; puisqu’il la modifie sur certains aspects, même si c’est pour un temps donné :

« … Un gouvernement de réconciliation nationale sera mis en place … Le gouvernement de réconciliation nationale sera dirigé par un Premier ministre de consensus qui restera en place jusqu’à la prochaine élection présidentielle… Ce gouvernement sera composé de représentants désignés par chacune des délégations ivoiriennes ayant participé à la Table Ronde… Il disposera, pour l’accomplissement de sa mission, des prérogatives de l’exécutif en application des délégations prévues par la Constitution… ».

Dans leur ensemble, les dispositions de l’accord de Marcoussis ont fait l’objet d’une vive contestation par le Front populaire ivoirien et une frange de l’opinion publique nationale. Ce qui n’a permis sa mise en œuvre plus ou moins effective. Ainsi, un certains nombre d’ajustements ont été initiés ou recherché dans la cadre d’autres accords complémentaires ou modificatifs : l’accord d’Accra II du 7 mars 2003 (suite à l’accord d’Accra I du 29 septembre 2002), l’accord d’Accra III du 30 juillet 2004, l’accord de Pretoria sur le processus de paix en Côte d’Ivoire du 6 avril 2005, le communiqué final du sommet de Pretoria II des 28 et 29 juin 2005, l’accord de Ouagadougou du 4 mars 2007, le premier complémentaire à l’accord politique de Ouagadougou du 27 mars 2007, le deuxième accord complémentaire de l’accord politique de Ouagadougou du 28 novembre 2007, le troisième accord complémentaire de l’accord de Ouagadougou du 28 novembre 2007, quatrième accord complémentaire de l’accord politique de Ouagadougou du 2 décembre 2007. Ces différents accords ont été soutenus ou accompagnés par des résolutions du conseil de sécurité : la résolution 1528 du 27 février 2004, la résolution 1633 du 21 octobre 2005, la résolution 1721 du 1er novembre 2006...

Les accords politiques portant arrangements constitutionnels posent de véritables problèmes de droit au regard du positivisme juridique et du droit constitutionnel classique. En effet, comment comprendre que des actes conventionnels, adoptés par des partis politiques, des autorités politiques ou autres acteurs politiques puissent, être élevés à un rang constitutionnel et, dans certains cas, se substituer à la Constitution ?

La seule explication juridiquement fondée se trouve dans la théorie des circonstances exceptionnelles en rapport avec les crises politiques. On peut, par conséquent, observer avec François Rigaux que : " Un ordre juridique (qu'on peut qualifier de système) ne se laisse pas radicalement séparer des conditions économiques, sociales, politiques, culturelles qui l'environnent. S'il ne parvient pas à s'adapter aux changements de circonstances de cet environnement, il est menacé par la sclérose ou est exposé à être détruit par la violence"[56]. C'est probablement sur cette base que le Professeur Meledje Djedjro qualifie le rapport entre l'Accord de Linas-Marcoussis et la Constitution ivoirienne de Droit constitutionnel de crise[57]. Bien plus, le Professeur Luc Sindjoun surenchérit en qualifiant les accords de paix ou autres arrangements constitutionnels de véritables constitutions matérielles[58].

En se fondant sur les accords politiques édictés dans la cadre de la crise ivoirienne, on peut affirmer que ceux-ci ont assuré un rôle de défense ou de protection de l’ordre constitutionnel. Que serait devenue la Constitution du 1er août 2000 si ces accords n’avaient pas existé ? Une chose est sûre, c’est qu’aujourd’hui ces accords ont, pour la plupart, disparu avec leur objet alors que la Constitution a retrouvé tout son rayonnement. La Constitution du 1er août a survécu à la crise politique grâce aux accords politiques portant arrangements constitutionnels.

Þ Le droit à l’autonomie constitutionnelle

L'affirmation d'un droit à l'autonomie constitutionnelle par le constituant ivoirien, sous la deuxième République, peut paraître paradoxale après plus de quarante années d'indépendance et d’exercice de la souveraineté.

Mais, dans le cadre du processus de démocratisation et de transformations constitutionnelles des États d'Afrique, la question de l'autonomie constitutionnelle revêt un intérêt renouvelé. Elle traduit la volonté du peuple de Côte d’Ivoire d'imprimer sa marque

Chapitre 2 : La Constitution du 8 novembre 2016

La Constitution du 8 novembre 2018 a été établie en remplacement de la Constitution du 1er août 2000. Si le processus de l’établissement de cette nouvelle Constitution demeure à la fois innovant et controversé, le régime juridique da sa révision s’inscrit dans un cadre traditionnel. De même, le constituant de 2016 a été peut généreux en matière de contrôle de constitutionnalité.

Les conditions de l’établissement de la Constitution de la troisième République ivoirienne peuvent être cernées à travers la description du contexte de la réforme constitutionnelle, l’exposé duprocessus d’élaboration et des principes fondateurs de la loi fondamentale.

Paragraphe 1 : Le contexte de la réforme constitutionnelle

Le contexte de la réforme constitutionnelle se caractérise par deux faits majeurs :

- l’accession du RDR de Monsieur Alassane OUATTARA au pouvoir d’État dans le cadre de la coalition RHDP. Ainsi, par le jeu de l’alternance et du principe majoritaire, le FPI et l’ensemble des partis de l’ex-majorité présidentielle se retrouvent dans l’opposition politique.

- la fin de la crise-postélectorale de 2010 et la persistance de la contestation de la victoire électorale du Président Alassane OUATTARA par une Frange du FPI.

Ces faits permettent de comprendre d’une part les motivations du projet présidentiel de réforme constitutionnelle et d’autre part les résistances ou contestations qui s’en sont suivies.

Paragraphe 2 : Les motivations du projet présidentiel de réforme constitutionnelle

Le contexte de l’établissement de la Constitution du 8 novembre 2016 et de l’avènement de la troisième République a été retracé dans l’exposé des motifs de l’avant-projet de loi portant constitution de la République de Côte d’Ivoire. Ce document, qui a été signé par le Président Alassane OUATTARA, expose les motivations du projet présidentiel de réforme constitutionnelle.

Dans sa partie introductive, l’exposé des motifs retrace l’évolution politico-constitutionnelle de la Côte d’Ivoire marquée par des crises et instabilités (1). Puis, il justifie la réforme constitutionnelle par son caractère impérieux exigé par les circonstances (2).

1.-L’évolution politico-constitutionnelle de la Côte d’Ivoire marquée par des crises et instabilités
2.-Le caractère impérieux de la réforme constitutionnelle

Paragraphe 3.- Le processus d’élaboration et d’adoption : la conjonction de divers procédés

Section 3.- Le contrôle de constitutionnalité

Paragraphe 1.- Une réorganisation substantielle des institutions politiques

Paragraphe 2.- Un léger réaménagement des institutions juridictionnelles

Paragraphe 3.- Une reconduction ou un renouvellement des autres institutions

[1] Stéphane PIERRE-CAPS, Droits constitutionnels étrangers, Presses universitaires de France, Paris, 2010, p. 19. [2] J.-P HENRY, Vers la fin de l'État de droit, Revue du droit public et de la science politique, 1997, p.1208. [3] Jean GICQUEL et Jean-Éric GICQUEL, Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, Montchrestien, 20e édition, 2005. [4] Philippe ARDANT et Bertrand MATHIEU, Institutions politiques et droit constitutionnel, Paris, L.G.D.J, 20e édition, 2008, p.18. [5] Pierre PACTET et Ferdinand MELIN-SOUCRAMANIEN, Institutions politiques et Droit constitutionnel, Paris, 2009. [6] F. MELEDJE DJEDJRO, Droit constitutionnel, Abidjan, Les éditions ABC, 2011, p.34. [7] Slim LAGHMANI, Vers une légitimité démocratique ? in : Rafâa BEN ACHOUR et Slim LAGHMANI (Sous la direction de), Les nouveaux aspects du droit international, Paris, Pedone, 1994. [8] Jacques-Yvan MORIN, Institutions internationales et droits de l’homme : Vers de nouvelles exigences de légitimité de l’Etat, in : Société Française pour le Droit international, L’Etat souverain à l’aube du XXIème siècle, Colloque de Nancy, Editions A. pedone, Paris, 1994, p.233. [9] Le sens est un impôt lié à la fortune de la personne. Le suffrage censitaire est réservé aux personnes qui s’acquittent de cet impôt sur la fortune. C’est dire que les personnes qui ne peuvent s’acquitter du cens ne peuvent jouir du droit de suffrage. [10] Ismaïla Madior FALL, La condition du pouvoir exécutif dans le nouveau constitutionnalisme africain (L'exemple des Etats d'Afrique subsaharienne francophone), Doctorat d'Etat en droit public, Université CHEIK ANTA DIOP, Dakar, décembre 2001. [11] Voir, les préambules de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990, de la Constitution burkinabé du 11 juin 1991 révisée le 27 janvier 1997, de la Constitution du Niger du 26 décembre 1992, de la Constitution tchadienne du 31 mars 1996 … [12] F. MELEDJE DJEDJRO, Cours de droit constitutionnel, Abidjan, édition ABC, 2009-2010, p.44. [13]Mauro BARBERIS, Idéologie de la constitution – Histoire du constitutionnalisme, in : Michel TROPER et Dominique CHAGNOLAUD, Traité international de droit constitutionnel, Tome 1 : Théorie de la constitution, Dalloz, Paris, 2012, p.116 à 117. [14] André HAURIOU, Manuel de droit constitutionnel, Montchrestien, Paris, 1975. [15] Mauro BARBERIS, Idéologie de la constitution – Histoire du constitutionnalisme, op. cit., p. 135 à 136. [16] Youssouf TATA CISSE, Soundjata, la Gloire du Mali, éd. Karthala, ARSAN, 1991. [17] Pierre-François GONIDEC, Les Droits africains, évolutions et sources, Tome I, Deuxième édition, LGDJ, Paris, 1975, p. 21 à 36. [18] Maurice KAMTO, Pouvoir et droit en Afrique noire, Essai sur les fondements du constitutionnalisme dans les Etats d’Afrique noire francophone, LGDJ, Paris, 1987. [19] Maurice WANYOU, Les origines de la royauté en Afrique noire, Revue juridique et politique Indépendance et Coopération, n°2, 1996, p. 161 à 172. [20]Le professeur Maurice Ahanhanzo GLELE écrit : "Les Etats et Empires de l'Afrique précoloniale avaient des constitutions ou lois fondamentales, non écrites mais codifiées par la tradition" ; Voir, Maurice Ahanhanzo GLELE, La constitution ou loi fondamentale, in : Encyclopédie juridique de l’Afrique, Tome premier, L'Etat et le droit, Les nouvelles Éditions Africaines, Abidjan, Dakar, Lomé, 1982, p. 24. [21] M. FORTES et E. E. EVANS-PRITCHARD : (sous la dir. de), Systèmes politiques africains, Presses Universitaires de France, Paris, 1964. [22]La Constitution RICHARDS, du nom du Gouverneur de l'époque, fut "octroyée " au Nigeria par l’Angleterre en 1946. [23] Pierre-François GONIDEC, Les systèmes politiques africains, Première partie, l’évolution – la scène politique – l’intégration nationale, LGDJ, Paris, 1971. [24]La Grande Bretagne et, dans une moindre mesure, l’Israël sont fondamentalement régis par des constitutions coutumières. [25] Pierre-François GONIDEC, Constitutionnalismes africains, Revue juridique et politique Indépendance et Coopération, n°1, 1996, p. 23 à 50. [26] Maurice Ahanhanzo GLELE, La Constitution ou Loi fondamentale, Article précité, p.21 à 52. [27] Pierre-François GONIDEC, Droit d’outre-mer, Tome 1, Montchrestien, Paris 1959, p. 82 et s. [28]La Constitution de 1922 prévoyait, à côté du Gouverneur, un Conseil exécutif et un Conseil législatif donnant des avis. Les pouvoirs du Gouverneur restaient considérables ; mais il y avait là, un premier pas conduisant à la limitation de son autorité. Face aux inconséquences de ce système, la Constitution Richards de 1946 chercha à réaliser l’unification des différentes régions, à maintenir la souveraineté britannique tout en associant les nigérians à la discussion des affaires publiques. Or, ceux-ci avaient demandé à participer à la gestion de ces affaires : le nouveau système resta alors en deçà des attentes. Cette Constitution imposée unilatéralement par la Grande-Bretagne souleva les critiques des Nigérians, mais elle marque le début d’une série de changements qui se consolideront avec les Constitutions de 1951 et de 1954. [29] Bien que les représentants des populations africaines furent invités à des négociations, l’élaboration et l’adoption des constitutions relevaient de la souveraineté du colonisateur anglais. Les peuples africains ne se contentaient que de souscrire à l’obligation de respecter la constitution qui leur était "offerte". [30] Le Neo-Destour est un parti politique créé par Habib BOURGUIBA pour conduire le mouvement de décolonisation tunisien. Il se transformera à l’indépendance en parti unique. [31] BEN ACHOUR, Islam et Constitution, RevueTrimestrielle de Droit, 1974. [32] Pierre-François GONIDEC, Les Droits africains, évolutions et sources, idem. [33] La quasi-totalité de ces pays se dotèrent d’une constitution sur le modèle du colonisateur ; cela dans la mesure où ils leur étaient politiquement impossible d’agir autrement. N’étant pas encore souverain, adopter une constitution conduisant à un système politique autre que celui du colonisateur pourrait être un affront fait à celui-ci. [34] Congo, Gabon, Oubangui-Chari, Tchad. [35] Côte d’Ivoire, Dahomey, Guinée, Haute-Volta, Mauritanie, Niger, Sénégal, Soudan. [36] Bernard CHANTEBOUT, Droit constitutionnel et science politique, Armand Colin, Paris. [37] Jean GICQUEL et Jean-Eric GICQUEL, Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, Montchrestien, 20e édition, 2005, p.203. [38] Cette responsabilité purement pénale donnait lieu à une mise en accusation par les Communes (procédure d’impeachment) et à un jugement par les Lords, qui pouvaient aller jusqu’à la condamnation des ministres mis en cause à la peine de mort. [39] En effet, la pratique est acquise en ce que la simple menace de l’impeachment va conduire les ministres à se retirer lorsqu’ils se sentent désapprouvés par les Communes, sans attendre la mise en œuvre de la procédure. [40] Simon-Louis FORMERY, La constitution commentée, 13e édition, Hachette supérieur, Paris, 2011. [41] Voir Djedjro Francisco MELEDJE, The making, unmaking and remaking of the constitution of Côte d’Ivoire: An example of chronic instability, in Charles FOMBAD & Christina MURRAY (editors), Forstering Constitutionalism in Africa. Pretoria, Pretoria University Law Press, PULP, 2010. [42] Pierre-François GONIDEC, Droit d’Outre-Mer : de l’Empire Colonial de la France à la communauté, Tome I, Edition Montchrestien, Paris, 1959. [43] L’article 86 alinéa 2 de la Constitution française de 1958 dispose : « Un Etat membre de la communauté peut devenir indépendant ; il cesse de ce fait d’appartenir à la communauté ». [44] Aux termes de l’article 78 de la Constitution française du 4 octobre 1958 : « Le domaine de la communauté comprend la politique étrangère, la défense, la monnaie, la politique économique et financière commune ainsi que la politique des matières premières stratégiques - Il comprend en outre, sauf accord particulier, le contrôle de la justice, l’enseignement supérieur, l’organisation générale des transports extérieurs et communs, les télécommunications. - Les accords particuliers peuvent créer d’autres compétences communes ou régler tout transfert de compétences de la communauté à l’un des membres ». [45] Article 1er de la loi constitutionnelle n° 60-205 du 27 juillet 1960. [46] Article 2 de la loi constitutionnelle n° 60-205 du 27 juillet 1960. [47] Article 2 de l’ordonnance n ° 01/99 PR. du 27 décembre 1999 portant suspension de la Constitution et organisation provisoire des pouvoirs publics. [48] OURAGA Obou, Droit constitutionnel et institutions politiques, 4e édition, ABC, Abidjan, 2012, p. 139 et s. [49] Décret n° 2000-13 du 21 janvier 2000 portant création, attribution et organisation et fonctionnement de la commission consultative, constitutionnelle et électorale (C.C.C.E.). [50] Article 9 du décret n° 2000-13 du 21 janvier 2000 portant création, attribution et organisation et fonctionnement de la commission consultative, constitutionnelle et électorale (C.C.C.E.). [51] Article 11 alinéa 1er du décret n° 2000-13 du 21 janvier 2000 portant création, attribution et organisation et fonctionnement de la commission consultative, constitutionnelle et électorale (C.C.C.E.). [52] Article 11 alinéa 2 du décret n° 2000-13 du 21 janvier 2000 portant création, attribution et organisation et fonctionnement de la commission consultative, constitutionnelle et électorale (C.C.C.E.). [53] Journal officiel, numéro 5, du vendredi 26 mai 2000, p. 2. [54] Le texte intégral de la convention est publié dans Afrique Contemporaine n°163, 3e trimestre 1992, p. 54. [55] En effet, l’année 1991 marque dans ce pays le début d’une période politique particulièrement agitée. D’importantes manifestations populaires, notamment à Antanarivo, réunissant souvent plus de 100.000 personnes, réclament la tenue d’une Conférence nationale, que refuse le chef de l’Etat Didier Ratsiraka. Le 10 août, la garde présidentielle ouvre le feu sur les manifestants, causant de nombreux morts et blessés. Parallèlement, l’opposition s’organise au sein d’un comité « des forces vives » qui désigne le 16 juillet un « Président de la République » ( Jean Rakotoarison), un « Premier Ministre » (le professeur Albert ZAFY) et un « gouvernement dont certains membres vont "prendre possession" de leur ministère. [56]François RIGAUX, Constitutionnalisme et légalité internationale, African Year book of international Law, 1998, p. 195. [57]MELEDJE DJEDJRO F., Cours de droit constitutionnel, 6ème édition, ABC Editions, 2005, p. 230 à 238. [58] Luc SINDJOUN, Le Gouvernement de transition : éléments pour une théorie politico-constitutionnelle de l'Etat en crise ou en reconstruction, in : Mélanges en l'honneur de Slobodan MILACIC, Démocratie et liberté : tension, dialogue, confrontation, Bruylant, Bruxelles, 2008, p.967 à 1011.

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