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LA COMPETENCE DE DROIT COMMUN


On va s’interroger successivement sur le sens et le contenu du caractère de droit commun, ensuite, sur la détermination de l’évaluation du litige, enfin nous examinerons la situation particulière de la juridiction présidentielle qu’il ne faut pas assimiler à une juridiction d’exception.


A- Sens et contenu de la compétence de droit commun

a - Le sens

C’est l’article 5 du code de procédure civile qui indique que : « Les tribunaux de première instance et leurs sections détachées connaissent de toutes les affaires civiles, commerciales, administratives et fiscales pour lesquelles, compétence n’est pas attribuée expressément à une autre juridiction en raison de la nature de l’affaire ».

Ce qui implique que les tribunaux de première instance et leurs sections détachées, ont une compétence de principe relativement aux matières civiles, commerciales, administratives et fiscales. Ils connaissent donc, en règle générale, de tous les litiges aussi longtemps qu’une loi particulière ne leur en a pas retirée la compétence. Et on peut dire que par opposition aux juridictions de droit commun, les juridictions d’exception ne connaissent que des affaires qu’en raison de leur nature et dans le cadre du même ordre, ont été expressément attribué à une juridiction par une loi particulière.

Les conséquences de cette distinction sont importantes dans la mesure où seules les juridictions de droit commun détiennent un pouvoir de juridiction et un imperium complet.

Précisons que l’imperium est une prérogative du juge qui se distingue de la « jurisdicio ». Il représente en effet les pouvoirs à caractère administratif, distincts de ceux ayant un caractère juridictionnel, et consistant à donner des ordres aux plaideurs et aux tiers, à accorder des autorisations, des mesures d’instruction, à organiser le service du tribunal et des audiences, etc. Dans le symbole traditionnel de la justice, c’est le glaive qui le traduit, les deux plateaux étant la symbolique de la « jurisdictio ».

Ces juridictions de droit commun ont un pouvoir universel dans le sens où elles ont en principe vocation à connaître dans le domaine des matières citées, de toutes les questions même subsidiaires, qui présentées à titre principal, auraient échappés à leur champ de compétence.

Il y a donc une extension possible de la compétence des juridictions de droit commun qui leur permet de connaître des affaires qui relèvent des juridictions d’exception, mais qui à titre subsidiaire ou incidente, leur sont soumise avec le principal. C’est pour cela qu’on dit que : « le juge du principal est le juge de l’exception ».

Ne fait échec à ce principe, que les règles de compétence qui en plus d’être exceptionnelles, sont exclusives.

Seules les juridictions de droit commun ont l’imperium, au contraire des juridictions d’exception en ce sens que, seules celles-ci peuvent connaître des difficultés d’exécution d’un titre exécutoire.

Les juridictions d’exception, ne peuvent pas en connaître en principe des difficultés d’exécution de leurs décisions. Ont dit que leur travail s’arrête à la juridiction, c'est-à-dire : « le dire du droit ».


b - Le contenu de la compétence de droit commun

Les juridictions de droit commun sont constituées au premier degré par les Tribunaux de première instance et leurs sections détachées et au second degré par les Cours d’Appel.

En Côte d’Ivoire, les juridictions du second degré, sont au nombre de trois, à savoir : Abidjan, Bouaké et Daloa.

Au dessus se trouve la Cour Suprême, qui est devenue une véritable juridiction de fond par ce qu’elle est appelée par son "pouvoir d’évocation" à connaître de manière complète (désormais, elle apprécie à la fois les faits et la bonne application de la loi), des affaires qui lui sont déférées. Elle juge aussi bien en droit qu’en fait.

Il faut observer, qu’entre les juridictions de premier degré, il n’y a pas de hiérarchie, c'est-à-dire, qu’entre les tribunaux de première instance, et leurs sections détachées, il n’y a pas de supériorité en faveur des tribunaux de première instance. Ces juridictions se situent au même niveau, et les sections détachées, ont la même compétence que les tribunaux de première instance.

La différence qu’on peut noter entre ces juridictions de premier degré, n’est qu’administrative. En effet, chaque tribunal a son propre ressort.

Les matières concernées par cette compétence (du droit commun), sont les matières civiles, commerciales, administratives et fiscales.

1- La matière civile

Il faut entendre ici le droit civil au sens large du terme, c'est-à-dire, l’ensemble des règles juridiques régissant les rapports des particuliers entre eux.

2- La matière commerciale

Par cette matière, il faut entendre celle qui régit les commerçants ou les actes de commerce. Dans l’ordonnancement juridique de la Côte d’Ivoire, il n’y a pas encore de juridiction spéciale dédiée à la matière commerciale. L’avant projet de loi portant création des Tribunaux de commerce ou du moins, ses termes de références, ont été adoptés à Grand Bassam en Août 2011.

Cette situation qui date de la colonisation avait l’avantage de limiter les situations de conflits de juridictions. Les conflits relatifs à la détermination des juridictions adéquates, étaient ainsi éludés, mais cela ne doit pas faire oublier que la juridiction spécialisée offre le cadre d’un tribunal spécialisé efficace et rapide.

Pour l’heure, on peut trouver au sein des juridictions de droit commun des chambres spécialisées pour connaître des affaires commerciales. Les chambres que peuvent contenir les tribunaux sont des divisions administratives internes, des formations spécialisées.

L’affaire devient l’objet d’une distinction administrative interne, mais c’est la juridiction toute entière qui est compétente, ce qui évite de soulever une exception d’incompétence ou une nouvelle distribution interne.

3-Les affaires administratives et fiscales

Même si le code de procédure civile ne le précise pas, la matière administrative est ici réduite au plein contentieux ou le contentieux de pleine juridiction.

Cette situation est induite de la loi particulière portant organisation de la Cour Suprême, qui attribut à la chambre administrative de cette cour la compétence exclusive pour connaître en premier et dernier ressort des recours pour excès de pouvoir ou pour connaître de la légalité de l’acte administratif.

Par le passé, la chambre administrative de la Cour Suprême était également compétente pour connaître du contentieux électoral désormais dévolu au conseil constitutionnel. Elle est compétente pour connaître en dernier ressort du contentieux de pleine juridiction.

On peut noter que le caractère juridictionnel des chambres de la Cour Suprême est confirmé par des arrêts de la chambre judiciaire qui déclare irrecevable le pourvoi relatif au contentieux de pleine juridiction exercé devant elle.

Ce qui veut dire que les chambres de la Cour Suprême, malgré la dénomination de chambre, constituent de véritables juridictions.

Quant à la matière fiscale, elle ne diffère pas véritablement de la matière administrative et suit la même démarche.

Après avoir fait ces précisions matérielles, il faut déterminer l’évaluation du litige, car c’est en fonction de cette évaluation que va s’établir le parcourt plus ou moins long de l’affaire.


B- L’évaluation du litige

Elle a deux objets distincts. D’abord, déterminer le Tribunal compétent, ensuite déterminer la portée de connaissance juridictionnelle.

Lorsqu’il s’agit de déterminer le Tribunal compétent, on parle de taux de ressort. L’évaluation du taux du litige à la lumière du code de procédure civile ivoirien, ne concerne que le taux du ressort dans la mesure où, il n’y a pas de juridiction spécialisée.

Aux termes de l’article 6 du code de procédure civile, les juridictions statuent en toute matière et en premier ressort sur toutes les demandes dont l’intérêt du litige est supérieur à 500 000 francs, en principal ou si l’intérêt du litige est indéterminé. De même, pour les affaires qui concernent l’état des personnes, celles mettant en cause une personne publique, ainsi que celles qui statuent sur la compétence.

En matière civile et commerciale, en premier et dernier ressort sur toutes demandes du litige, dont l’intérêt n’excède pas 500 000 francs en principal.

Il faut retenir deux éléments essentiels, d’abord, les situations qui ne nécessitent pas une évaluation du taux du litige, ensuite, les situations pour lesquelles l’évaluation est nécessaire. Différentes hypothèses sont prévues par l’article 7 du code de procédure civile.


a- Les situations qui ne nécessitent pas une évaluation du taux du litige

Il n’est pas nécessaire de déterminer le taux de l’intérêt du litige :

- En matière administrative et fiscale ;

- En matière d’état des personnes ;

- En matière de compétence ;

- Et dans les matières où l’intérêt est indéterminé.

Dans les matières où une personne publique est concernée, donc essentiellement en matière de plein contentieux ou de contentieux de pleine juridiction et en matière fiscale, on ne peut donc pas faire l’économie du double degré de juridiction. L’appel est toujours possible quelque soit le taux du litige.

En matière d’état des personnes, il n’y a pas non plus d’intérêt patrimonial en jeu, qui puisse faire l’objet d’une évaluation pécuniaire. Et ces affaires revêtent une importance primordiale pour la société, de sorte qu’il est nécessaire de les soumettre à un double examen.

Il n’est pas non plus nécessaire, toujours par application de l’article 6 de procéder à l’évaluation du litige dans les matières où l’on statut sur la compétence. Là également, il n’est pas possible de faire l’économie de la règle du double degré de juridiction.

On ne saisi pas a priori une juridiction, juste pour trancher une question de compétence, mais si finalement, seule cette question a été tranché au fond au détriment du litige, l’article 6 oblige à la soumettre à la juridiction d’appel. Cela suppose bien évidemment, que le premier juge, en se déclarant incompétent n’a pas statué sur le fond du litige.

Peut-on alors dire que même si le tribunal se déclare compétent et statut sur le fond du litige, l’appel peut être possible, du chef de compétence ?

Si on admet cette possibilité, cela revient à vider les limitations du ressort en fonction du taux de litige et il suffirait alors de prendre des conclusions subsidiairement sur le fond d’un litige dont l’intérêt est inférieur à 500 000 francs pour pouvoir relever appel du jugement à venir.

L’hypothèse de la valeur du litige indéterminé, offre au plaideur des possibilités de contourner la règle de limitation des ressorts.

En droit français, un procédé consiste pour les plaideurs à introduire un chef de demande relatif à la condamnation de l’adversaire à payer tous les dépens de l’instance dans lesquels, on peut faire rentrer, les dommages et intérêts, les droits d’enregistrement, le coût des pièces, les droits et amendes, etc.

Mais en droit ivoirien, le taux du litige qui importe, c’est la demande en principal, de sorte que selon l’entendement que l’on aura de ce principal, on pourra faire échec à la manœuvre qui consiste à gonfler le taux de ressort.

Aussi, si au-delà des intérêts moratoires ou compensatoires, on assimile les autres frais, tel que les droits d’enregistrement, les droits d’enrôlement, le coût des pièces produites etc, le principal sera circonscrit au chef de demande principale.


b- Les situations dans lesquelles le taux de ressort peut être évalué et l’évaluation

Les situations où le taux de l’intérêt peut être évalué concernent les affaires civiles ou commerciales dont l’objet de la demande est de caractère commercial ou pécuniaire.

L’article 7, alinéa 1er du code de procédure civile, indique que l’intérêt du litige est déterminé en considération du montant de la demande, tel qu’il est fixé dans les conclusions déposées en dernier lieu. Plusieurs hypothèses peuvent être ainsi envisagées suivant la connexité ou la complexité des situations.

1- Hypothèse de pluralité de demandes contre un défendeur

Elle est prévue par l’alinéa 4 de l’article 7 du code de procédure civile, qui prévoit le calcul cumulé de tous les chefs de demande à condition qu’elles soient connexes.

2- Hypothèse de la pluralité de demandes non connexes ou non fondées sur la même cause

Dans cette hypothèse, la valeur de chaque demande prise isolement sert de base à l’évaluation, même si ces demandes sont dirigées par un demandeur contre un même défendeur ou par plusieurs demandeurs contre plusieurs défendeurs, en vertu d’un même titre.

3- Hypothèse de la valeur du principal, fixée en dehors de toute détermination de partie.

4- Quand il y a titre, c’est le montant qui y est inscrit, qui détermine la valeur du principal.

5- En matière de bail ou de revenu, c’est le montant annuel des loyers ou des revenus qui sert de base à la détermination de la valeur du principal. Par contre, si le montant des loyers ou des revenus portent sur une période supérieure à une année, c’est ce montant qui sera pris en compte pour la détermination de l’intérêt du litige.

Soulignons que les fruits, arrérages, dommages et intérêts, frais et autres accessoires ne participent du principal que s’ils ont une antériorité par rapport à cette demande.

On ne tient pas compte dans l’évaluation du principal, des demandes incidentes qui peuvent provenir du défendeur (demande reconventionnelle ou demande en compensation).

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