Seront successivement évoqués dans cette première partie les différents seuils d’âge en matière de minorité pénale (A), l’enquête policière suivie contre le mineur (B), l’épineuse question de la garde à vue (C), le classement sans suite (D) et la décision du Procureur de la République d’engager des poursuites contre le mineur (E).
A- Les différents seuils d’âge en matière de minorité pénale
À l’instar de l’ancien Code pénal, le nouveau Code institué par la loi n° 2019-574 du 26 juin 2019, fixe clairement l’âge de la minorité pénale et énonce avec précision les différents seuils d’âge à partir desquels le mineur doit ou non répondre de ses actes délictueux.
En effet, l’article 18 du Code pénal indique qu’est mineur, toute personne âgée de moins de 18 ans lors de la commission de l'infraction. Il ressort de ce texte que le mineur, en matière pénale, est la personne physique de l’un ou de l’autre sexe n’ayant pas encore atteint l’âge de 18 ans, au moment de la commission des faits. Ainsi, dès 18 ans révolus, l’on ne peut se prévaloir de la qualité de mineur au sens pénal de son acception.
Par ailleurs, l’article 18 précité fait des précisions sur les mineurs de 10, 13 et 16 ans. Selon ce texte, ces mineurs sont ceux qui en réalité n'ont pas atteint ces âges lors de la commission de l'infraction. Ainsi, lorsque le Code pénal traite du mineur de 10 ans, il fait en réalité allusion à l’individu qui n’a pas encore atteint cet âge, et qui a de ce fait moins de 10 ans révolus. Il en est de même de ceux ayant 13 et 16 ans, qui en réalité ont moins de 13 et 16 ans.
L’intérêt de cette précision réside certainement dans l’article 113 du Code pénal qui énonce que : « Les faits commis par un mineur de dix ans ne sont pas susceptibles de qualification et de poursuites pénales. Le mineur de treize ans bénéficie de droit, en cas de culpabilité, de l'excuse absolutoire de minorité. Les mineurs de dix à treize ans ne peuvent faire l'objet que des mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation prévues par la loi. Les mineurs de seize à dix-huit ans bénéficient de l’excuse atténuante de minorité. En matière de crime et délit, l'excuse atténuante de minorité entraîne l'application de la moitié des peines prévues par l'article 112. En matière de contravention, elle exclut toute peine privative de liberté. Le juge ne peut prononcer qu'une peine de travail d'intérêt général ou une admonestation. »
Il s’ensuit que le mineur qui n’a pas encore atteint l’âge de 10 ans révolus ne peut faire l’objet d’aucune poursuite pénale, en ce que les faits par lui commis, peu importe leur gravité, ne peuvent recevoir de qualification pénale. Cela s’explique par le fait que seule la personne physique responsable de ses actes, car apte à comprendre et à vouloir, est soumise à la loi pénale[1]. Or, naturellement, l’enfant qui n’a pas encore atteint l’âge de 10 ans n’est pas suffisamment mature pour comprendre la teneur ou la portée de ses actes.
Contrairement à la première catégorie évoquée, les mineurs ayant 10 ans révolus, mais qui n’ont pas encore atteint l’âge de 13 ans, engagent leur responsabilité pénale, car, bénéficiant de l’excuse absolutoire de minorité, ceux-ci n’encourent, en guise de sanction, si leur culpabilité est établie, que des mesures de protection et d’assistance.
Quant à ceux qui ont moins de 16 ans et ceux qui ont plus de 16 ans, mais n’ayant pas atteint l’âge de 18 ans, ils bénéficient de droit de l’excuse atténuante de minorité. Pour cela, ceux-ci n’encourent que la moitié de la peine prévue pour l’infraction commise, dans les conditions prévues par l’article 112 du Code pénal.
Le CPP institué par la loi n°2018-975 du 27 décembre 2018, selon la phase de la procédure et des mesures encourues, établit des distinctions entre les différentes catégories de mineurs. Ces distinctions seront évoquées dans les prochaines sous-parties consacrées à l’instruction et au jugement.
L’article 799 du CPP précise que l'âge du mineur est déterminé par la production des pièces d'état civil, les jugements en tenant lieu ou tous autres documents corroborés par une expertise médicale. En cas de contrariété, la juridiction saisie apprécie souverainement l'âge du délinquant. Si l'acte d'état civil ne précise que l'année de la naissance, celle-ci sera considérée comme étant intervenue le 31 décembre de ladite année. Si le mois est précisé, elle sera considérée comme étant intervenue le dernier jour dudit mois.
Les différents seuils d’âges à partir desquels le mineur peut ou non engager sa responsabilité pénale étant connus, il convient d’aborder à présent la question des poursuites à proprement parler, celles-ci débutant inévitablement, et dans la plupart des cas, par la phase de l’enquête policière.
B- L’enquête policière
Si juridiquement rien n’interdit au Procureur de la République d’engager des poursuites dès réception d’une plainte ou d’une dénonciation, en pratique, ce dernier, pour prendre sa décision, s’appuie dans la plupart des cas sur les résultats des investigations menées par les officiers de police judiciaire (OPJ), lesquels ont l’obligation de lui transmettre les procès-verbaux d’enquête par eux dressés. Ainsi, l’enquête policière se présente comme une phase importante de la procédure pénale, pouvant même à certains égards, s’analyser comme le début des poursuites pénales, lato sensu.
Les termes généraux dans lesquels sont rédigés les articles 60 à 95 du CPP, dispositions traitant de l’enquête policière (enquête préliminaire et enquête de flagrance), laissent légitimement supposer que cette phase de la procédure concerne également le mineur, en tout cas ceux qui ont au moins 10 ans, étant entendu que ceux en dessous de cet âge ne peuvent faire l’objet de poursuites pénales, peu importe la gravité des faits par eux commis.
Dès lors, les OPJ, d’office, après avoir informé le Procureur de la République, ou sur instructions de ce Magistrat, toutes les fois où existent à l’encontre d’un mineur âgé de 10 ans au moins des indices graves et concordants de participation à une infraction, peuvent ouvrir une enquête contre ce dernier.
Les OPJ pourront, également, ouvrir une enquête contre le mineur d’au moins 10 ans, dans l’une des hypothèses prévues à l’article 77 du CPP, en cas de crime ou délit flagrant.
Au cours de l’une de ces enquêtes, préliminaire ou de flagrance, les OPJ pourront, pour la manifestation de la vérité, réaliser plusieurs actes d’investigation, concernant le mineur âgé d’au moins 10 ans, à qui est imputée une infraction. Il s’agit notamment des convocations, des interrogatoires, des constatations techniques ou scientifiques, des prélèvements, des perquisitions effectuées au domicile où réside le mineur ou en tous autres lieux susceptibles d’abriter des indices. Le mineur mis en cause, dans certaines conditions, peut également être placé en garde à vue. Mais cette mesure faisant l’objet d’une réglementation spéciale, elle fera l’objet d’un traitement spécifique, dans une sous-partie qui lui sera entièrement consacrée.
S’agissant de l’interrogatoire du mineur mis en cause, il convient de relever que, même si aucune disposition spéciale n’est consacrée à ce dernier au chapitre de l’enquête policière, le mineur délinquant âgé d’au moins 10 ans, par analogie à ce qui est consacré au cours de l’instruction faite par le Juge des Enfants, ne peut être interrogé par l’ OPJ qu’en présence de son représentant légal (parents, tuteur ou gardien), d’un défenseur ou d’un éducateur de la protection judiciaire de l’enfance et de la jeunesse.
En ce qui concerne les prélèvements nécessaires à la réalisation d’examens techniques et scientifiques, ainsi qu’aux opérations de relevés signalétiques ou de photographies, aucune disposition du CPP, en tout cas en apparence, ne semble les interdire, même lorsqu’il s’agit de mineurs délinquants. Lorsque ceux-ci sont nécessaires à la manifestation de la vérité, l’OPJ ne peut les réaliser que dans les conditions prévues à l’article 66 du CPP, notamment avec le consentement du mineur concerné, et en cas de refus, avec l’autorisation du Procureur de la République. Cela constitue une avancée notable, d’autant que l’ancien CPP ne s’était pas prononcé sur la question des prélèvements.
Quant aux perquisitions, visites domiciliaires, saisies et constatations techniques ou scientifiques, elles doivent se dérouler dans le strict respect des articles 64, 67 et 68 du CPP.
Tous ces actes de police doivent être constatés par des procès-verbaux, rédigés dans les conditions prévues par l’article 31 du CPP et transmis au Procureur de la République.
C- La garde à vue du mineur délinquant
Il convient de faire remarquer que contrairement à l’ancien CPP, qui n’avait consacré aucune disposition à la garde à vue du mineur, toute chose qui légitimait l’application des dispositions de droit commun, le nouveau CPP prévoit un régime spécifique applicable à la garde à vue du mineur délinquant.
Dans le nouveau CPP, contrairement aux autres actes d’enquête de police, la garde à vue, en ce qui concerne le mineur délinquant, fait l’objet d’une réglementation spéciale. En effet, parce qu’ils sont mineurs, et naturellement fragiles, même si parfois la gravité des faits commis par ceux-ci peut laisser subsister de sérieux doutes quant à la réalité de leur vulnérabilité, le législateur n’a pas voulu soumettre les mineurs aux mêmes conditions que les majeurs, lorsqu’il est nécessaire de les placer en garde vue, pour les nécessités de l’enquête.
À ce titre, l’article 790 du CPP dispose que « Aucune mesure de garde à vue prévue par les articles 71 et suivants ne peut être prise à l’encontre d’un mineur âgé de moins de treize ans. Aucune mesure de garde à vue prévue par les articles 71 et suivants ne peut être prise à l’encontre d’un mineur âgé d’au moins treize ans sans l’autorisation préalable du Procureur de la République. Lorsqu’une mesure de garde à vue est appliquée à un mineur âgé d’au moins treize ans, avis en est immédiatement donné aux titulaires de l’autorité parentale. Le mineur gardé à vue peut être assisté d’un avocat. Lorsqu’il n’en a pas, le mineur est assisté d’un parent ou d’un éducateur de la protection judiciaire de l’enfance et de la jeunesse ».
Plusieurs constats presque naturels, sinon juridiques, méritent d’être faits, à la lecture du texte susvisé.
Premièrement, aucune mesure de garde à vue ne peut être ordonnée à l’encontre d’un mineur âgé de moins de 13 ans. Ainsi, seuls les mineurs âgés d’au moins 13 ans peuvent faire l’objet d’une mesure de garde à vue.
Deuxièmement, si le mineur âgé d’au moins 13 ans peut être placé en garde à vue, cette mesure ne peut être prise par l’OPJ qu’avec l’autorisation préalable du Procureur de la République. Il s’ensuit que contrairement aux majeurs, qui peuvent être placés en garde à vue d’office par l’officier enquêteur, celui-ci devant informer le Procureur de la République dès le début de cette mesure, s’agissant des mineurs âgés d’au moins 13 ans, l’autorisation du Procureur de la République doit être obtenue préalablement à la prise de ladite mesure.
Troisièmement, la mesure de placement en garde à vue prise contre le mineur doit immédiatement être notifiée à ceux exerçant les droits de l’autorité parentale sur le mineur concerné ( ses père et mère ou son tuteur).
Quatrièmement, le mineur peut être assisté d’un avocat, et l’est obligatoirement par un parent ou un éducateur de la protection judiciaire de l’enfance et de la jeunesse, lorsqu’il n’a pas d’avocat. Quid de la durée de la garde à vue ?
Sous l’empire de l’ancien CPP, aucune disposition n’était consacrée à la garde à vue du mineur, de sorte que c’était le délai de droit commun qui s’appliquait à ce dernier, à savoir 48 heures, en application de l’article 63 de l’ancien CPP. Aujourd’hui, le délai initial de garde vue du mineur, ainsi que celui de la prolongation sont déterminés par l’article 791 du CPP. Cet article dispose, en effet, que « La garde à vue d’un mineur ne peut être prolongée au-delà du délai de vingt-quatre heures, sauf en matière criminelle. En ce cas l’autorisation de prolongation est délivrée par tout moyen écrit ou verbal par le Procureur de la République. Un examen médical du mineur est obligatoire en cas de prolongation de la mesure de garde à vue. » Il résulte de l’interprétation de ce texte que si pour les nécessités de l’enquête, l’OPJ est amené à garder à sa disposition un ou plusieurs mineurs d’au moins 13 ans contre lesquels existent des indices graves et concordants de participation à une infraction, il ne peut les retenir pendant plus de 24 heures.
Selon l’article susvisé, ce délai ne peut faire l’objet de prolongation, sauf si les faits reprochés au mineur sont par essence criminels[2]. En une telle occurrence, l’analyse du même article 791 laisse comprendre que le délai de prolongation est également de 24 heures. Il convient de préciser que la prolongation doit nécessairement être autorisée par le Procureur de la République, par tout moyen écrit ou verbal. En outre, en cas de prolongation de la garde à vue, un examen médical du mineur est obligatoire. Il s’ensuit que l’article 791 susvisé prévoit aussi bien le délai initial de la garde vue que celui de la prolongation de cette mesure restrictive de liberté.
Cependant, cette acception simpliste et apparemment évidente de l’article 791 du CPP n’est pas partagée par tous les juristes. Pour certains, cette disposition ne traite que de la prolongation de la garde à vue et en aucun cas du délai initial de la garde à vue. Selon cette frange de praticiens, cette disposition ne s’étant pas expressément prononcée sur la durée initiale de la garde à vue, il faut, pour déterminer cette durée, se référer aux dispositions des articles 71 et 72 du CPP. Ainsi, selon les tenants de cette thèse, la durée initiale de la garde à vue du mineur correspond à la durée de droit commun, fixée par l’article 72 du CPP, qui dispose que « (…) L’officier de police judiciaire ne peut retenir, les personnes mentionnées à l’article précédent plus de quarante-huit heures ». En résumé, si pour les nécessités de l’enquête, l’OPJ est amené à garder à sa disposition un mineur, il ne peut le retenir pendant plus de 48 heures. Toujours dans la logique de leur thèse, ces derniers soutiennent que la prolongation de la garde à vue ne peut excéder 24 heures, sauf en matière criminelle, de sorte que s’il est reproché des faits délictuels au mineur, l’OPJ, avec l’autorisation du Magistrat susvisé, peut prolonger la garde à vue du mineur, sans pouvoir excéder le délai de 24 heures. S’il s’agit d’un crime, cette prolongation pourra être ordonnée pour une durée supérieure à 24 heures, sans pouvoir excéder 48 heures, le délai maximum de prolongation de droit commun.
Cette thèse, même si elle n’est pas partagée par tous, n’est cependant pas dénuée de sens et peut même, juridiquement, se tenir, surtout au regard d’une analyse combinée des articles 790, 791 et 793 du CPP.
Cette diversité dans l’interprétation de la teneur véritable des dispositions de l’article 791 du CPP découle sûrement d’une mauvaise écriture de ce texte par le législateur. Ainsi, pour faire taire tous ces sons de cloche, qui peuvent semer la confusion dans l’esprit des justiciables et même des praticiens du droit, il convient d’inviter le législateur, à la faveur d’une réforme du CPP, à réécrire l’article 791, en dissociant clairement le délai initial de la garde à vue de celui de la prolongation.
Mais à ce jour, il convient de retenir que la thèse qui doit prévaloir, et cela a même été rappelé par le Ministère de la Justice et des Droits de l’Homme, est celle fixant le délai de la garde à vue du mineur à 24 heures, avec possibilité d’une prolongation de 24 heures, seulement en matière criminelle.
Ainsi, à l’issue des délais prévus par l’article 791 du CPP, le mineur gardé à vue est, soit déféré devant le Procureur de la République, soit remis en liberté.
Quant à l’heure du début de la garde à vue, elle est fixée, le cas échéant, à l’heure à laquelle le mineur a été appréhendé ou s’est présenté dans les locaux de l’unité de police ou de gendarmerie en réponse à la convocation qui lui a été faite[3].
En outre, l’OPJ a l’obligation de notifier au mineur gardé à vue, en présence de son représentant légal, de son conseil ou d’un éducateur de la protection judiciaire de l’enfance et de la jeunesse, les droits mentionnés à l’article 74 du CPP[4].
Par ailleurs, l’examen médical qui peut être facultatif s’agissant d’un mis en cause majeur placé en garde à vue, est obligatoire en ce qui concerne le mineur, toutes les fois où la mesure de garde à vue est prolongée.
Aussi, si la personne placée en garde à vue se déclare mineure sans pouvoir l’établir, l’OPJ est-il tenu de requérir un médecin afin de déterminer son âge physiologique.
Même si les dispositions spéciales applicables au mineur ne le précisent pas, il n’est pas inutile d’indiquer que la garde à vue ne peut être décidée à l’encontre d’un mineur par l’OPJ que si cette mesure constitue l’unique moyen de parvenir à l’un des objectifs visés à l’article 71 du CPP, notamment, permettre l’exécution des investigations, garantir la présentation du mineur devant le Procureur de la République afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l’enquête ou prévenir la modification par la personne des preuves ou indices matériels.
Enfin, il convient de relever que les dispositions de l’article 75 du CPP sont applicables à la garde à vue du mineur et qu’en tout état de cause, en application de l’article 793 du CPP, le Procureur de la République ou le Procureur général, peut, d’office, ou à la demande de toute personne, faire cesser la mesure de garde à vue si elle a été décidée par l’OPJ au mépris des dispositions des articles 71, 72, 73, 74 et 75 du CPP.
Au terme de la garde à vue, le mis en cause mineur peut être déféré au Parquet, où le Procureur de la République, pour diverses raisons, de droit ou de fait, peut classer la procédure sans suite.
D- Le classement sans suite sous condition
Au terme de l’enquête préliminaire ouverte à l’encontre d’un mineur, les OPJ doivent faire parvenir directement au Procureur de la République, l’original, une copie certifiée conforme des procès-verbaux qu’ils ont dressés, ainsi que tous actes et documents y relatifs. Lorsque le mineur est placé en garde à vue, il est, au terme de cette mesure, déféré devant le Procureur de la République, à qui les procès-verbaux d’enquête sont transmis. Lorsque le mineur ne fait pas l’objet de garde, les procès-verbaux et autres pièces sont transmis au magistrat susvisé sans que le mis en cause ne soit déféré[5].
Lorsque le Procureur de la République reçoit les procès-verbaux ainsi dressés par les officiers enquêteurs, il apprécie la suite à leur donner, en vertu du principe de l’opportunité des poursuites. En application de ce pouvoir général d’appréciation qui lui est reconnu par l’article 51 du CPP, le Procureur de la République, après avoir pris connaissance des procès-verbaux et des faits articulés contre le mineur, prend sa décision. Il peut décider d’engager des poursuites contre le mineur ou décider de classer la procédure sans suite, dans les conditions prévues à l’article susvisé.
Si dans l’ancien CPP, la décision de classement sans suite prise par le Procureur de la République trouvait son fondement dans le pouvoir général d’opportunité des poursuites à lui reconnu par l’ancien article 40, aujourd’hui, le législateur, à côté de ce pouvoir général d’appréciation prévu par l’article 51 du nouveau CPP, a élaboré un régime spécifique de classement sans suite sous condition applicable au mineur auquel est imputée une infraction à la loi pénale. En effet, selon l’article 788 du CPP, « Lorsqu’une infraction est reprochée à un mineur, le Procureur de la République, suivant les circonstances de l’infraction et la personnalité du mineur, peut décider, après avis de la victime, d’un classement sans suite sous condition, en notifiant au mineur des obligations à remplir dans un délai qu’il fixe et qui ne peut être supérieur à six mois. » Au titre des obligations susceptibles d’être mises à la charge du mineur délinquant figurent notamment, l’obligation de s’abstenir de fréquenter certains lieux ou certaines personnes, l’obligation de suivre une scolarité ou un apprentissage professionnel, l’obligation de procéder à la réparation du dommage causé à la victime ou celle de participer à une tentative de réconciliation avec la victime. L’article 788 susvisé n’ayant pas fait de distinction, l’on peut aisément soutenir que ce classement sans suite sous condition peut intervenir, peu importe la nature de l’infraction, qu’il s’agisse d’un crime, d’un délit ou d’une contravention ; les seuls éléments d’appréciation qui s’offrent au Procureur de la République étant les circonstances de l’infraction et la personnalité du mineur délinquant. En outre, le classement sans suite sous condition impose au Procureur de la République l’obtention de l’avis de la victime, et n’est par ailleurs applicable que si le mineur reconnait l’infraction mise à sa charge. Mais étant en réalité sous condition, ce classement sans suite ne devient définitif que lorsque les obligations mises à la charge du mineur sont remplies dans le délai prescrit.
Si le Procureur de la République a le pouvoir de classer sans suite la procédure initiée à l’encontre du mineur infracteur, il peut, et c’est d’ailleurs le cas la plupart des fois, décider de poursuivre le mineur.
E- La décision du Procureur de la République d’engager des poursuites contre le mineur
Traditionnellement, il revient exclusivement aux Magistrats du Ministère public d’exercer l’action publique pour l’application de la pénale. À ce titre, il revient au Procureur de la République, en cas de commission d’une infraction par une personne majeure, d’engager des poursuites contre cette dernière, à l’effet de voir les juridictions de jugement prononcer éventuellement une sanction contre celle-ci. Lorsqu’il décide de poursuivre, le Procureur de la République doit choisir le mode de poursuite adéquat. Il peut, en raison de la nature de l’infraction, s’il s’agit notamment d’un délit ou d’une contravention, saisir directement les juridictions de jugement, suivant la procédure de flagrant, de citation directe, d’avertissement, de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ou de convocation par OPJ. En matière de crime, le Procureur de la République ne peut que requérir l’ouverture d’une information judiciaire, par la saisine d’un Juge d’instruction ; l’instruction préparatoire étant obligatoire en matière criminelle[6].
Ce pouvoir de poursuite conféré au Procureur de la République vaut également à l’égard du mineur auquel est reprochée une infraction.
Selon l’article 786 du CPP, « Le Procureur de la République est chargé de la poursuite des crimes, délits et contraventions commis par les mineurs de dix-huit ans. Dans le cas d'infraction dont la poursuite est réservée d'après les lois en vigueur, aux Administrations publiques, le Procureur de la République a seul qualité pour exercer la poursuite sur la plainte de l'Administration intéressée ».
Si à l’égard des majeurs, le Procureur de la République, lorsqu’il décide de poursuivre, a la latitude de choisir le mode de poursuite qui lui parait opportun, en fonction des circonstances de la cause, sauf lorsque la loi impose un mode de poursuite, en matière de poursuites engagées contre le mineur délinquant, les pouvoirs du Procureur de la République dans le choix des modalités de la poursuite sont limités par la loi. En effet, aux termes de l’alinéa 1 de l’article 804 du CPP « En cas de crime, de délit ou de contravention commis par un mineur de dix-huit ans, le Procureur de la République en saisit le Juge des enfants. ». Il en résulte que le Procureur de la République, lorsqu’il décide de mettre l’action publique en mouvement suite à une infraction commise par un mineur, ne peut que saisir le Juge des Enfants, le pendant du Juge d’instruction. Ainsi, selon ce texte, le mode de poursuite susceptible d’être retenu à l’encontre du mineur est l’information judiciaire, le Juge des Enfants n’étant en réalité saisi, dans un premier temps, que pour mener les investigations nécessaires pour la manifestation de la vérité.
Mieux, l’alinéa 2 de l’article susvisé interdit expressément au Procureur de la République d’user de la procédure de flagrant délit et de la citation directe à l’égard du mineur. Cette situation s’explique certainement par le fait que ces deux modes de poursuite peuvent, à certains égards, paraitre expéditives, surtout la première, toute chose qui peut être de nature à mettre en péril les droits du mineur poursuivi.
Si les procédures de flagrant délit et de citation directe sont expressément proscrites par la loi, qu’en est-il des autres modes de poursuite tels que l’avertissement ou la convocation par OPJ ? Même si le législateur ne s’est pas expressément prononcé sur leur sort, un passage en revue des énonciations du CPP, conforté en cela par la pratique judiciaire, semble laisser croire que ces deux autres modes de poursuite ne peuvent être utilisés contre le mineur.
Lorsque les faits poursuivis ont été commis par un mineur et plusieurs majeurs, lesquels sont poursuivis en flagrant délit ou par voie de citation directe, le Procureur de la République constitue un dossier spécial concernant le mineur et en saisit le Juge des enfants. Si une information a été ouverte, le juge d'Instruction se dessaisit dans le plus bref délai à l'égard tant du mineur que des inculpés majeurs au profit du Juge des enfants. Lorsque le Procureur de la République décide de ne pas poursuivre les majeurs suivant la procédure de flagrant délit ou par voie de citation directe, il saisit le Juge des enfants pour instruire à l’égard de tous les protagonistes, mineurs et majeurs[7].
Matériellement, la saisine du Juge des Enfants par le Procureur de la République se fait par un réquisitoire introductif. En effet, à l’image du Juge d’instruction qui ne peut s’autosaisir en raison du principe de la séparation des fonctions judiciaires, le Juge des Enfants, conformément aux articles 58 et 97 du CPP, ne peut informer qu’en vertu d’un réquisitoire du Procureur de la République. Ce réquisitoire peut être pris contre personne dénommée ou non dénommée et doit être motivé lorsque le placement du mineur sous garde provisoire ou en détention préventive est sollicité. Cette demande aux fins de placement du mineur en détention préventive doit être justifiée par l’un des objectifs visés à l’article
162 du CPP, et doit satisfaire aux conditions prévues par l’article 162 du même Code. Au titre de la saisine du Juge des Enfants, une question presque légitime se pose. Celui-ci peut être saisi par une plainte avec constitution de partie civile ? Une réponse mitigée s’impose, à l’analyse de certaines dispositions du CPP, notamment les articles 807 et 787 du CPP.
L’article 807 du CPP déclare en son alinéa 2 que le Juge des Enfants procède à une enquête soit par voie officieuse, soit dans les formes prévues par le Chapitre premier du Titre III du livre Premier du présent Code. Or, comme évoqué plus haut, le chapitre premier du Titre III susvisé traite du Juge d’instruction, qui selon les articles 106, 107 et 108, peut outre le réquisitoire du Procureur de la République, être saisi par plainte avec constitution de partie civile par toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit. Si tant est que ce chapitre premier du Titre III s’applique au Juge des Enfants, il en résulte que ce dernier peut également être saisi par une plainte avec constitution de partie civile, toutes les fois où les faits ont été commis par un mineur de 18 ans. Cette analyse n’est pas juridiquement dénué de sens, en ce qu’en permettant à la partie lésée de pouvoir saisir le Juge des enfants par une plainte avec constitution de partie civile, l’on permet à la victime d’une infraction imputée à un mineur de se prémunir contre un éventuel classement sans suite du Procureur de la République, alors surtout qu’en la matière, la victime, en cas de classement sans suite, ne pourrait en aucun cas user de la voie de la citation directe, mode de poursuite insusceptible d’être utilisé contre le mineur. En tout état de cause, le fait pour la victime de pouvoir mettre en mouvement l’action publique contre le mineur suivant une plainte avec constitution de partie civile, ne recèle aucun danger réel pour le mineur, d’autant que le Juge des Enfants, en application de l’article 107 du CPP devra obligatoirement communiquer ladite plainte au Procureur de la République pour que ce dernier prenne ses réquisitions. Le Procureur de la République pourra en tout état de cause, pour des raisons légales, saisir le Juge des Enfants de réquisitions de non informer, sauf que ledit Juge peut passer outre lesdites réquisitions, par ordonnance motivée.
Cependant, les développements précédents qui tendent à faire admettre que le Juge des Enfants puisse être saisi par une plainte avec constitution de partie civile semblent être battus en brèche par les dispositions de l’article 787 alinéa 1 du CPP. Cet article, tel que formulé semble légitimement faire croire que la poursuite des crimes, délits et contraventions commis par les mineurs de 18 ans ne peut être initiée que par le Procureur de la République. Cette analyse est également confortée par le fait qu’aucune des dispositions spécifiques à l’enfance délinquante ne traite de la question de la saisine du
Juge des Enfants par le moyen d’une plainte avec constitution civile. Mais, ces constats, quoique pertinents, ne suffisent pas à vider le contenu des développements soutenant la thèse contraire.
Mais, en pratique, en cas de poursuites, lequel des Juges des Enfants doit-être saisi par le Procureur de la République et en quoi consiste l’office de ce Juge ?
La compétence territoriale du Juge des enfants se confondant à celle du tribunal pour enfants, il convient de relever que le Juge des enfants compétent en cas de poursuites initiées à l’encontre d’un mineur, est celui du lieu de commission de l'infraction, de la résidence du mineur ou de ses parents ou tuteur, du lieu où le mineur aura été trouvé ou du lieu où il a été placé soit à titre provisoire soit à titre définitif.
S’agissant de la teneur de l’office du Juge des Enfants, celle-ci est déterminée par l’article 807 du CPP. Selon ce texte « le Juge des enfants effectue toutes diligences et investigations utiles pour parvenir à la manifestation de la vérité et à la connaissance de la personnalité du mineur ainsi que des moyens appropriés à sa rééducation ». À cet effet, il procède à une enquête, soit par voie officieuse, soit dans les formes prévues par le chapitre premier du Titre III du livre premier du CPP. Il convient de préciser que le Chapitre premier du Titre III du Livre premier auquel fait allusion l’article 807 susvisé n’est autre que le chapitre consacré au Juge d’instruction. En des termes plus triviaux, le Juge des Enfants n’est rien d’autre que le Juge d’instruction des mineurs délinquants et doit, de ce fait procéder aux investigations nécessaires en vue de parvenir à la manifestation de la vérité. L’office de ce Magistrat au statut particulier sera amplement décrit dans la partie consacrée à l’instruction.
[1] Article 94 du Code pénal
[2] Il s’ensuit que si les faits visés à la poursuite sont délictuels, la garde à vue du mineur ne peut en aucun cas faire l’objet de prolongation
[3] 17 Article 73 CPP.
[4] Article 74 du CPP « La personne placée en garde à vue est immédiatement informée par l’officier de police judiciaire : 1°de 14 son placement en garde à vue ainsi que de la durée de la mesure et de la prolongation dont celle-ci peut faire l’objet ; 2°de la nature et de la date présumée de l’infraction qu’elle est soupçonnée d’avoir commise ou tentée de commettre. Elle est également informée de son droit de faire prévenir, sans délai, par tout moyen de communication, une personne avec laquelle elle vit habituellement, un parent, un ami ou son employeur, de la mesure dont elle est l’objet. Toute restriction à ce droit ne peut résulter que d’une instruction écrite ou par tout moyen laissant trace écrite du Procureur de la République. »
[5] Selon les hypothèses, on parle de procès-verbaux de déferrement ou de non-déferrement.
[6] Article 96 du CPP « L’instruction préparatoire est obligatoire en matière de crime ; sauf dispositions spéciales, elle est facultative en matière de délit »
[7] Article 804 du CPP.
Comments