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LE TEMPS DES ACTES OU LE DELAI DE PROCEDURE


Les actes de procédure sont à la fois circonscrits dans le cadre de l’instance, dans les formes et délais prévus par le code de procédure civile. Leurs délais sont tantôt prévus par la loi, tantôt fixés par le juge.

On ne trouve pas dans le code de procédure civile ivoirien un régime propre aux délais. Mais par application de certaines règles prévues par ce code, à l’exemple des règles de la franchise des délais prévues par l’article 430, on appréhende des règles traditionnelles de fixation des délais pour ce qui concerne notamment la computation des délais, la modification de la durée et la sanction de l’inobservation des délais prévus par la loi.


I : Les généralités sur les délais de procédure

A- Les règles de la computation des délais

Les délais peuvent être fixés en heures, en jours, en mois ou en années. On observe que dans la pratique, les délais sont le plus souvent fixés en jours ou en mois, mais ce qu’il importe de savoir, c’est comment compter ces délais, car une erreur de computation de délai peut avoir des conséquences désastreuses pour la procédure.

Comme annoncé plus haut, les délais fixés en heure sont rares. On les rencontre essentiellement en matière de référé d’heure à heure. En revanche, les délais fixés en nombre de jours, sont fréquents et se calculent de jour à jour, chaque espace de temps de minuit à minuit constitue une journée.

Il arrive que ces délais soient calculés en mois. C’est le cas des délais pour interjeter appel d’un jugement. Dans ce cas, il faut observer que ces délais ne sont pas calculés par période de 30 jours, mais de quantième en quantième suivant les règles du calendrier grégorien. Et on ne tient pas compte de la durée réelle de chaque mois.

Ainsi, le délai d’un mois qui commence le 22 février prendra fin le 22 mars. Ce qui veut dire qu’il ne faut pas confondre un délai d’un mois avec un délai de 30 jours. Et lorsque dans le mois il n’y a pas de quantième identique à celui qui a servi de point de départ, le délai expire le dernier jour du mois.

Exemple : un délai d’un mois qui a pour point de départ le 31 mars expire le 30 avril.

Il peut arriver que le délai soit fixé en année, et dans ce cas, c’est le jour anniversaire de l’année suivante ou des années suivantes qui marquent le terme des délais.

La mise en œuvre des règles de computation des délais amène à résoudre trois questions :

- A partir de quand court le délai ? C'est-à-dire quel est le point de départ du délai ?

- Quelle est la durée du délai ? Ce qui revient à déterminer son échéance ;

- Enfin, il faut s’interroger sur l’incidence des jours fériés dans la computation des délais.


a-Le point de départ des délais

Pour déterminer un délai de procédure, il est impératif de savoir le moment précis, à partir duquel il commence à courir.

Lorsque le délai est fixé en nombre de jours, une règle traditionnelle consacrée par l’article 430 du code de procédure veut que soit exclu du délai le jour où s’est produit l’événement qui lui sert de point de départ. Ce jour exclu est appelé dies a quo.

En appliquant cette règle, on dira que pour déterminer un délai de 15 jours de comparution, et si cette comparution est prévue pour le 5 novembre, le délai de quinzaine ne commence à courir que le 6 novembre.

Pourquoi une telle règle ?

La raison de cette règle est que si le dies a quo devait être compris dans le délai, il suffirait d’attendre l’extrême fin de la journée pour réduire d’autant le délai accordé à l’adversaire.


b-L’échéance du délai

Le jour où le délai vient à expirer s’appelle le dies ad quem. Il faut préciser comment se détermine le dies ad quem et insister sur le défaut de franchise des délais de procédure.

1-La détermination du dies ad quem

Lorsque le délai est exprimé en mois ou en année, il n’est pas difficile de déterminer le dies ad quem, qui est celui, qui dans le dernier mois ou la dernière année, porte le même quantième que celui du jour où a été accompli l’acte ou celui du jour où s’est produit l’événement qui a servi de point de départ au délai.

En appliquant cela au délai d’appel d’un jugement, on dira que le délai d’appel d’un mois court à compté de la signification du jugement, et si ledit jugement a été signifié le 13 mars, alors le délai vient à expiration le 13 avril.

En revanche, lorsque le délai est exprimé en jours, alors on pourrait facilement se tromper. On sait que le jour où l’acte a été accompli ne compte pas et que le premier jour du délai est le lendemain à zéro heure.

Pour connaître le dies ad quem, il suffit alors de faire une simple addition en prenant garde, au fait que le délai a commencé à courir à zéro (0) heure et que par conséquent, le même soir à zéro heure, un jour du délai aura expiré.

Exemple : Si l’on dit qu’un plaideur a 15 jours pour constituer un avocat, si l’acte qui marque le point de départ de ce délai lui a été signifié le 13 mars, ce jour qui est le dies a quo ne comptant pas, le délai de quinzaine ne commence à courir le 14 mars à zéro heure. Le 14 à 24 heures, un jour a donc déjà couru. En conséquence, le délai de quinzaine expire le 29 mars et non le 30 mars.

Au total, et par delà toutes ces subtilités, il y a une règle de calcul très simple : le dies ad quem, s’obtient en additionnant la durée du délai au quantième où s’est produit l’événement qui sert de point de départ à ce délai.


2-La franchise des délais

Quand les délais ont un caractère franc, on parle de franchise des délais. Aux termes de l’article 430 du code de procédure civile, le lendemain de la date d’échéance, c'est-à-dire le lendemain du dies ad quem est le dernier jour utile.

Autrement dit, le dies ad quem n’est pas compris dans le délai. Par application de cette règle de franchise des délais, un mois francs à partir du 13 mars, rend possible normalement la date du 15 avril comme dernier jour utile.

13/3/12 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29

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Dies a quo dies ad quiem jour utile


Il faut en outre ajouter à la franchise des délais, l’incidence des jours fériés ou des jours chômés officiels tels que les samedis et les dimanches. Sur ce point, la règle est que lorsque le dernier jour utile tombe un jour férié, le dernier jour utile est alors le premier jour ouvrable qui suit ce jour férié.

Ainsi, si le dernier jour utile tombe un samedi et si le lundi qui suit ce samedi est un jour férié (exemple le lundi de pâques), le mardi sera alors une date utile.

On observe donc qu’un mois ne coïncide pas toujours avec 30 ou 31 jours. Il faut observer encore que si un dimanche, un jour férié ou chômé est intercalé dans le délai, il ne change rien à la computation normale du délai.

Ce n’est que lorsque le dernier jour utile tombe un dimanche, un jour férié, un samedi ou même un jour chômé que le délai est exceptionnellement prorogé jusqu’au jour ouvrable suivant. Cette prorogation n’est applicable que s’il s’agit :

- d’un dimanche ;

- d’un samedi, le samedi ayant été ajouté par voie règlementaire, lorsqu’il a été décidé de la fermeture des entreprises et services les samedis ;

- d’un jour chômé, c'est-à-dire d’un jour qui sans être déclaré non ouvrable par la loi est partiellement chômé en raison d’un « pont ».


B- La modification du délai

En principe, les délais de procédure ne peuvent être ni suspendu, ni interrompu par l’une des causes propres à la prescription. On observe même que ces délais de procédure se distinguent de la prescription autrement dit. Et cela est normal car s’ils pouvaient être suspendus, ils risqueraient d’être prolongés à l’excès, manquant de ce fait à leur raison d’être. Mais ce principe n’est pas absolu.

S’il est vrais que les causes d’interruption et de suspension des délais de suspension ne sont pas applicables aux délais de procédure, il n’en reste pas moins vrais qu’il existe des causes de modification qui leur sont propres et qui leurs confèrent une certaine spécificité.

La modification de la durée du délai s’entend d’une restriction ou d’une augmentation du délai et cette modification peut être soit légale, soit judiciaire.

a-Modification légale

Il arrive que le législateur édicte des mesures exceptionnelles et temporaires tendant à proroger ou à suspendre certains délais. Et dans ces cas là, on dit que le législateur édicte un moratoire.

Le législateur procède ainsi, à titre d’exemple, lorsque survient une catastrophe naturelle entrainant une perturbation de la vie du pays. Dans de telles circonstances, il ne serait pas juste de ne pas tenir compte de ces véritables cas de force majeur. Mais il faut bien noter qu’il s’agit là, de mesures exceptionnelles généralement temporaires.

En principe, lorsqu’un acte doit être accompli dans un certain délai, et qu’il doit être accompli dans un lieu éloigné du débiteur de cet acte, alors il est normal d’augmenter le délai ordinaire en lui ajoutant un délai supplémentaire qu’on appelle délai de distance. A cet effet, l’article 34 dispose comme suit: « Sauf consentement des parties ou abréviation du délai par le juge, en cas d’urgence, il doit y avoir entre le jour de l’assignation et celui indiqué pour la comparution, un délai de huit jours au moins, si le destinataire est domicilié dans le ressort de la juridiction.

Ce délai est augmenté d’un délai de distance de quinze jours si le destinataire est domicilié dans un autre ressort et de deux mois s’il demeure hors du territoire de la République… ».

Et cela pour tenir compte des difficultés supplémentaires qui résultent de l’éloignement. Certaines décisions ont considéré ces délais de comparution comme étant d’ordre public. En réalité, il n’en est rien.


b-Modification judiciaire

En principe, en l’absence de disposition législative, le juge ne doit pas pouvoir modifier la durée des délais fixés par le code de procédure civile. Les délais constituent en effet une marge de sécurité pour les plaideurs qui doivent pouvoir compter sur leur strict application de sorte qu’il serait inadmissible de permettre au juge de les en privé de façon arbitraire.

Dans certains cas exceptionnels toutefois, le législateur autorise le juge soit à réduire le délai, soit à l’augmenter.

1-Réduction judiciaire

Le code de procédure civile accorde parfois au juge la possibilité de réduire certains délais. L’exemple type est celui de la procédure d’urgence à jour fixe des articles 221 et suivants du code de procédure civile. En effet, le délai normal d’ajournement de huit jours peut se révéler trop long lorsqu’il y a lieu de prendre des mesures urgentes de sorte qu’il est possible de demander au président du tribunal l’autorisation d’assigner le défendeur dans un délai qui peut être inférieur à huit jours.

2-Augmentation judiciaire

Le juge a parfois le pouvoir de prolonger certains délais, mais il s’agit généralement de délais que le juge lui-même accorde. Et dans la mesure où c’est lui qui les accorde, il n’y a rien de surprenant à ce qu’il puisse en augmenter la durée. C’est le cas en matière d’expertise.

En effet, aux termes de l’article 67 du code de procédure civile, la décision désignant l’expert doit indiquer le délai imparti à l’expert pour déposer son rapport d’expertise.

Le juge peut alors proroger ce délai qui est généralement de deux mois, d’un autre délai de deux mois.

De même, le juge de la mise en état qui a imparti un délai aux plaideurs pour le dépôt de leurs conclusions, peut dans certains cas proroger ce délai qu’il a lui-même fixé.


C- La sanction de l’expiration des délais

L’inobservation des délais de procédure est généralement sanctionnée par la déchéance. On parle parfois de forclusion.

En cas de déchéance ou de forclusion, l’acte qui devrait être accompli dans un certain délai ne peut plus l’être et celui qui devrait l’accomplir est forclos.

Il s’agit là, d’une sanction automatique qui à la différence des nullités de procédure est encourue de plein droit. Et même lorsqu’il s’agit d’un délai qui est dit d’ordre public, la déchéance doit être soulevée d’office par le juge.

La sanction des déchéances entraine des conséquences tout aussi rigoureuses. L’acte ne peut plus être fait et le droit se trouve du même coup dépourvu de toute sanction judiciaire. En pratique, une ambiguïté de terminologie est observée :

Lorsque l’acte qui devait être fait dans un certain délai (l’acte d’appel par exemple), ne peut plus être fait en raison de l’expiration du délai. On dit parfois qu’il est irrecevable. C’est une inexactitude qui a une apparence trompeuse.

En effet, si on a l’apparence que l’expression n’est pas inexacte, il n’en reste pas moins vrai que l’irrecevabilité n’est ici qu’une conséquence de la déchéance.

Il est inexact de penser que toute expiration d’un délai entraine déchéance. Il faut savoir que tous les délais ne sont pas prescrits à peine de déchéance. En conséquence, en dehors des cas où la loi a formellement édicté cette sanction, il faut faire une distinction selon le rôle des délais.

-Si le délai est destiné à stimuler le zèle des plaideurs, alors il est certain que la sanction la plus adéquate et qui répond le mieux à l’objectif du législateur est la déchéance.

Exemple : si le délai d’appel est expiré, le plaideur qui a perdu son procès en première instance est déchu du droit d’interjeté appel. Dans une telle hypothèse, on parle de délai de rigueur.

-Si au contraire, le délai est destiné à protéger un plaideur contre les initiatives précitées de son adversaire, la déchéance ne s’impose plus.

Ainsi, lorsqu’un délai de 15 jours a été accordé au défendeur pour se constituer un avocat et qu’il ne l’a pas fait dans ce délai, il n’est pas déchu du droit de constituer ultérieurement un avocat.

Il arrive de façon générale, que le juge fasse échapper à la déchéance, le plaideur qui l’a encouru, en ordonnant ou en accordant simplement de fait, un relevé de forclusion. C’est le cas dans l’application par la Cour d’Abidjan des dispositions de l’article 166 du code de procédure civile.

Notons toutefois qu’en principe, le relevé de forclusion n’est pas possible. Il ne peut se faire que dans les cas expressément prévus par la loi. En effet, dans certaines hypothèses, le code de procédure civile permet le relevé de forclusion résultant du délai d’opposition, d’appel, la partie défaillante qui n’aurait pas en connaissance d’un jugement réputé contradictoire.

Egalement, le code du travail qui institut une procédure spéciale au droit du travail, prévoit que le jugement est réputé contradictoire lorsque bien qu’une partie bien qu’ayant eu connaissance de la saisine de la juridiction, a comparu à la tentative de conciliation mais n’a plus comparu à l’audience publique, même si elle a déposé des conclusions.

En dehors des hypothèses prévues par les textes, la jurisprudence a parfois admis le relevé de forclusion en cas de force majeur.

Ainsi, en cas d’arrêt constaté du travail à la suite d’une grève, la jurisprudence relève de la forclusion toutes les parties. Mais même dans ces cas, la jurisprudence est très rigoureuse et exige une véritable force majeure, c'est-à-dire un événement imprévisible et insurmontable.

Sur ce point, le législateur ivoirien a par la loi n°96-670 du 29 Août 1996 portant suspension des délais de saisine, de prescription, de péremption d’instance, d’exercice des voies de recours et d’exécution dans toutes les procédures judiciaires, contentieuses ou non contentieuses, prévoit que : « En cas de cessation concertée de travail perturbant le fonctionnement normal du service public de la justice, les délais impératifs fixés par les textes en vigueur, notamment aux fins de saisine, de prescription, de péremption d’instance, d’exercice de voies de recours, d’exécution des décisions, dans toutes les procédures judiciaires, contentieuses ou non contentieuses, sont suspendus.

Il en est de même des délais administratifs, lorsque leur inobservation est due à l’impossibilité d’obtenir des documents délivrés par l’Administration centrale du ministère de la justice, les juridictions et les services rattachés ».

La loi prévoit donc que dans ces hypothèses, toutes les parties sont relevées de la forclusion. L’article 2 de cette loi prévoit que : « La suspension des délais susvisés prend fin dès l’arrêt de la cessation concertée du travail ».


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