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LES CONDITIONS DE RECEVABILITE DU RECOURS POUR EXCES DE POUVOIR

Art. 12.- Le Conseil d'Etat veille à l'application de la loi par les juridictions administratives et juge la légalité des actes administratifs et la responsabilité des personnes publiques et services publics. Il exerce des attributions contentieuses et consultatives. Art. 13. - Le Conseil d' Etat statue souverainement : - sur les recours en cassation dirigés contre les décisions rendues soit en premier et dernier ressort, soit en dernier ressort par les juridictions administratives de droit commun ou par les juridictions administratives spécialisées ; - en premier et dernier ressort sur les recours en annulation pour excès de pouvoir formés contre les décisions administratives émanant des autorités administratives centrales, ou des organismes ayant une compétence nationale ; - en premier et dernier ressort sur les recours dirigés contre les actes administratifs dont le champ d'application s'étend au-delà du ressort d'un seul tribunal administratif; - sur les recours en interprétation et en appréciation de la légalité des actes dont le contentieux relève de sa compétence ; -sur le contentieux des élections des organes des collectivités territoriales et des élections à caractère administratif. Art. 14. - Les tribunaux administratifs, juges de droit commun du contentieux administratif, en premier ressort, sous réserve des compétences attribuées au Conseil d'Etat, les Cours administratives d'appel et les juridictions administratives spécialisées peuvent saisir le Conseil d'Etat pour solliciter des avis contentieux lorsqu'il se présente une question de droit nouvelle soulevant une difficulté sérieuse. Les Cours administratives d'appel connaissent des décisions rendues en premier ressort par les tribunaux administratifs et les juridictions administratives spécialisées.


I- Les conditions de recevabilité du recours pour excès de pouvoir

Les conditions de recevabilité, ce sont les exigences qui doivent être satisfaites pour que le juge puisse être valablement saisi et qu’il examine l’affaire au fond. Ces conditions sont dans la plupart des Etats, au nombre de quatre. Elles tiennent à la nature de l’acte, à la qualité du requérant, au délai du recours et à l’absence de recours parallèle.

En côte d’Ivoire, une cinquième condition est prévue par les textes. Elle se rapporte au recours administratif préalable.


A- La condition tenant à l’acte

*Il doit s’agir d’un acte administratif, ce qui veut dire que l’acte doit émaner d’une autorité administrative ou assimilée, c’est-à-dire d’une personne privée gérant un service public.

*L’acte doit par ailleurs constituer une décision. Ce qui veut dire qu’il doit modifier l’ordonnancement juridique. Ces considérations amènent à exclure les actes pris par l’organe législatif, ainsi que les actes édictés par le pouvoir exécutif et ayant la nature d’actes de gouvernement ou d’actes législatifs compte tenu des circonstances.

*Il faut également exclure les actes des autorités administratives qui ne produisent aucun effet sur l’ordonnancement juridique. C’est le cas des mesures d’ordre intérieur telles les circulaires, c’est également le cas des avis, des souhaits, des vœux ou des actes préparatoires.


B- Les conditions tenant au requérant

La loi du 21 décembre 1972 portant code de procédure civile, commerciale et administrative détermine les conditions tenant au demandeur. A cet égard, trois conditions sont énoncées. La première condition est celle tenant à la capacité d’agir en justice :

*La capacité des personnes physiques résulte de la majorité civile. Toutefois, des personnes physiques ayant l’âge requis peuvent être privées de la capacité d’agir en justice, soit pour des raisons tenant à leur état de santé mentale, soit par suite d’une condamnation pénale. S’agissant des associations ou groupements de personnes, la capacité d’agir en justice résulte de la satisfaction des exigences conférant la personnalité morale.

*La deuxième condition édictée par la loi, c’est la qualité pour agir. C’est le titre donnant droit à agir en justice ou la qualification pour agir en justice exigée à peine d’irrecevabilité.

*La troisième condition est celle d’un intérêt légitime juridiquement protégé, direct et personnel. C’est en d’autres termes, l’intérêt pour agir. C’est l’avantage que procurerait au demandeur, la reconnaissance par le juge de la légitimité de sa prétention…


Art. 75. - Toute requête en annulation pour excès de pouvoir doit contenir les nom, prénoms, profession et domicile du requérant, l'objet de sa demande, l'exposé des moyens qu'il invoque, l'énonciation des pièces dont il entend se servir, et préciser la décision entreprise. La requête doit être accompagnée : a) de la pièce justifiant du dépôt du recours administratif, hiérarchique ou gracieux ; b) de la copie de la décision entreprise; c) de huit exemplaires du dossier signés par le requérant ou son avocat et destinés à la notification aux autres parties. Ces copies ne sont pas assujetties au droit de timbre. La signature de la requête par un avocat vaut constitution et élection de domicile en son étude.


C- La condition tenant aux délais

Les règles du délai posées par le législateur sont des règles qu’on retrouve dans la loi relative au Conseil d’État. Aux termes de ce texte, confirmé par la jurisprudence, le recours devant le juge pour excès de pouvoir n’est recevable que s’il est précédé d’un recours administratif préalable.


Art. 71. - Les recours en annulation pour excès de pouvoir formés contre les décisions administratives ne sont recevables que s'ils sont précédés d'un recours administratif préalable. Art. 72. - Le recours administratif préalable résulte : -soit d'un recours gracieux adressé à l'autorité dont émane la décision entreprise ; - soit d'un recours hiérarchique porté devant l'autorité hiérarchiquement supérieure à celle dont émane la décision entreprise. Le recours administratif préalable doit être formé, par écrit, dans le délai de deux mois, à compter de la publication, de la notification ou de la connaissance acquise de la décision entreprise. Art. 73. - Tout recours administratif préalable dont l'auteur justifie avoir saisi l'administration et auquel il n'a pas été répondu par cette dernière dans un délai de deux mois, est réputé rejeté à la date d'expiration de ce délai. Si l'autorité administrative est un corps délibérant, le délai de deux mois est prolongé, le cas échéant, jusqu'à la fin de la première session légale qui suit le dépôt de la demande. Art. 74. - Le recours devant le Conseil d'Etat est introduit par voie de requête dans le délai de deux mois à compter : - soit de la notification du rejet total ou partiel du recours administratif préalable ; - soit de l'expiration du délai prévu à l'article 73 de la présente loi organique.

· Le point de départ de la computation des délais de recours (Délai pour faire le RAP)

*Ce recours doit être exercé :

-dans les deux mois qui suivent la notification de l’acte querellé, s’il s’agit d’un acte individuel, ou

-dans les deux mois qui suivent la publication de l’acte si celui-ci est un acte réglementaire.

Il s’agira d’une jurisprudence constante et abondante, depuis les premiers arrêts rendus par la chambre administrative de la cour suprême, CSCA 1er avril 1964, N’san Yapi Célestin. En règle générale et sauf exception, la publication d’un acte se fait par l’insertion au journal officiel. Quant à la notification, sa forme n’est pas précisée. Toutefois, le juge déclare que l’expédition de l’acte par la poste ou le communiqué de presse, ne valent ni notification, ni publication, CSCA 30 janvier 1990 N’guessan Nicolas contre ministère de la fonction publique ou CSCA 26 mars 2003 Anon Acaba contre préfet de San-Pedro.

La conséquence que le juge de l’excès de pouvoir attache à l’absence de publicité est d’ordre procédural. Le recours administratif préalable cesse d’être enfermé dans le délai de deux mois prévu par la loi.

Le requérant, en l’absence de publicité de l’acte est fondé à exercer valablement le recours administratif préalable puis le recours pour excès de pouvoir à partir de la date à laquelle il a connaissance de l’acte ou déclare avoir connaissance de l’acte. C’est la théorie de la connaissance acquise (voir les grands arrêts de la jurisprudence administrative ivoirienne).

Il est à préciser que contrairement à ce que bien des requérants croient et soutiennent, l’absence de publicité de l’acte n’en affecte pas la validité, la régularité juridique. Elle n’affecte que l’opposabilité de l’acte. C’est dire qu’elle ne peut être invoquée au soutien d’une demande en annulation, CSCA 20 février 1963 Kipré Gbeuly Pierre ; CSCA 22 février 1995 Emissa Cissé Houlématou contre ministère de l’emploi public.


· Le délai du RAP et du REP

*Le deuxième délai prévu par la loi est lié aux suites du recours administratif préalable. De deux choses l’une :

-ou bien l’administration répond dans le délai de deux mois et l’intéressé insatisfait dispose d’un délai de deux mois pour saisir le juge de l‘excès de pouvoir, à compter de la notification du rejet total ou partiel du recours administratif préalable.

-Ou bien, l’administration ne répond pas au recours administratif préalable qui lui a été adressé. Dans cette hypothèse, l’intéressé devra attendre l’écoulement d’un délai de deux mois en principe, le silence gardé par l’administration pendant ce délai, valant rejet implicite du recours administratif préalable.

A partir de là, le requérant peut saisir le juge de l’excès de pouvoir. Il dispose, pour ce faire, d’un délai de deux mois et la réponse de l’autorité administrative intervenant au-delà du délai de deux mois, ne peut ouvrir un nouveau délai pour l’exercice du recours pour excès de pouvoir, CSCA 25 mai 1994 Kouassi Kouakou contre ministère de l’emploi et de la fonction publique.



Comment se fait la computation des délais ou en d’autres termes, comment le juge calcule-t-il les délais ?

L’examen de la jurisprudence donne de savoir que les délais prévus par la loi sont des délais francs. Leur calcul se fait de quantième à quantième (20 février 1978, 20 février 1979). La conséquence que le juge de l’excès de pouvoir attache à l’inobservation des délais est l’irrecevabilité du recours pour excès de pouvoir, motif pris de ce que « les formes et délais du recours pour excès de pouvoir impartis par la loi sont d’ordre public ». C’est dire qu’ils sont insusceptibles de dérogation, CSCA, 30 janvier 2002 N’dri Valérie contre conseil national de l’ordre des pharmaciens.

De plus, le juge de l’excès de pouvoir est tenu de soulever d’office le non-respect de ses règles, CSCA 1964 N’san Yapi Célestin. Il en va ainsi sauf dans quelques cas limitativement prévus. Il existe à cet égard deux dérogations prévues par la loi sur le Conseil d’État. La première dérogation est ainsi énoncée : « si l’autorité administrative saisie du recours administratif préalable est un corps délibérant, le délai de deux mois est prolongé, le cas échéant, jusqu’à la fin de la première session légale qui suit le dépôt de la demande ».

En second lieu, la même loi consacre la force majeure comme un évènement susceptible de provoquer la prorogation des délais du recours.


Art. 76. - Le Conseil d'Etat peut relever de la forclusion encourue le requérant qui a été empêché de respecter les délais prévus aux articles précédents par un cas de force majeure.


D- L’exception de recours parallèle

La loi relative au Conseil d’Etat fait du recours pour excès de pouvoir, un recours subsidiaire, c’est-à-dire un recours qui ne peut être exercé que s’il n’existe pas d’autres voies de recours permettant au requérant de recevoir satisfaction. Ainsi, les recours pour excès de pouvoir à objet pécuniaire, étaient systématiquement déclarés irrecevables. Ils faisaient l’objet de ce qu’on appelle la ‘’fin de non-recevoir’’, tirée de l’existence d’un recours parallèle (voir en ce sens CSCA 14 mars 1966, Dame Maillend contre ministre des finances).

Mais, cette situation a connu une évolution consacrée par l’arrêt Essis Esso Jean Mathieu Claude rendu le 25 juillet 2001 par la chambre administrative de la cour suprême. En vertu de cet arrêt, les recours pour excès de pouvoir dirigés contre les décisions administratives à incidence financière, ne sont pas systématiquement déclarés irrecevables, pour raison tirée de l’existence d’un recours parallèle. La requête est recevable dès lors qu’il a pour objet et fin de critiquer la légalité et la seule légalité de l’acte…


Art. 69. - Le recours en annulation pour excès de pouvoir a pour objet d'obtenir l'annulation d'un acte administratif en raison de son illégalité. Le requérant peut assortir ses conclusions d'annulation d'une demande tendant à obtenir la réparation du préjudice causé par l'illégalité de l'acte attaqué. Art. 70. - Le recours en annulation est irrecevable lorsque les intéressés disposent, pour faire valoir leurs droits, du recours ordinaire de pleine juridiction.


E- La condition tenant au recours administratif préalable

Le recours administratif préalable est un recours que l’administré, victime ou insatisfait d’une décision administrative adresse soit à l’auteur de l’acte (recours gracieux) soit au supérieur hiérarchique de l’auteur de l’acte (recours hiérarchique), et tenant à demander clairement à l’autorité administrative de retirer ou de reconsidérer sa décision. Ce recours doit intervenir dans les deux mois qui suivent la publicité de l’acte.

Au départ, l’absence de recours administratif préalable, emportait systématiquement comme conséquence, l’irrecevabilité du recours pour excès de pouvoir. Mais, depuis la loi de 1978 relative à la cour suprême, en l’absence de recours administratif préalable, le juge de l’excès de pouvoir peut impartir au requérant, un délai pour aller exercer le recours administratif et revenir pour régulariser la procédure. C’est une faculté et non une obligation pour le juge. Mais, le juge ne peut emprunter cette voie que si des conditions sont cumulativement réunies.

-La première condition est que le recours pour excès de pouvoir doit avoir été intenté dans le délai du recours contentieux prévu par la loi.

-La deuxième condition est que le requérant doit avoir agi sans ministère d’avocat. Il est à préciser que si le requérant bénéficiaire d’un délai aux fins de la régularisation de la procédure, n’a pas régularisé celle-ci, alors, il est réputé s’être désisté de son instance…




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