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Sujet Résolu en Droit Commercial Général du Groupe de Renforcement EA

I- Sujet 1 : Cas pratique

M. ERNEST, mécanicien de formation et qui vient d'ouvrir son garage, achète auprès du concessionnaire KOUMANKAN, des pièces détachées qu'il revend aux clients dont la panne nécessite le remplacement de la pièce défectueuse. Son activité prospère ; il engage alors deux personnes et achète un camion pour les besoins de sa profession. Plus tard, un conflit survint entre le mécanicien et son concessionnaire. Face à cette situation, KOUMANKAN le concessionnaire qui entend faire la preuve de ses allégations, entend faire jouer la clause compromissoire stipulée dans ses rapports avec ERNEST. Qu'en pensez-vous de cette action ? Quelle est la nature juridique de cette clause ? Comment la preuve devra-t-elle être faite ?

Les affaires sont florissantes et à partir de Juillet 2011, ERNEST commande des quantités de plus en plus importantes de pièces détachées qu'il revend, désormais à tous les usagers qui se présentent à lui. Pour ce faire, il loue un local à COCODY à Dame AMINATA qui est enseignante de profession, et jouxtant son garage, en vue de la vente des pièces détachées et engage deux agents à cet effet.

Il achète un véhicule auprès de KOUMANKAN pour les besoins de cette activité. Par ailleurs, il se porte caution au profit de son fils SAKO pour l'acquisition d'un magasin de location de bâches et de chaises.

Quelle est la nature des différents actes accomplis par ERNEST depuis l'ouverture de son garage ?

M. ERNEST veut régulariser sa situation, car il n'a jamais effectué aucune formalité administrative dans ce sens ; il vous demande ce qu'il doit faire.

Profitant de l'entrevue, ERNEST vous apprend que son épouse MOMO est vendeuse prospère de pagnes à la rue du commerce, au Plateau depuis le 8 Septembre 2016.

Malheureusement à cause de cette activité, elle passe le plus clair de son temps en dehors du foyer ; étant soit dans son magasin, soit en voyage pour son approvisionnement en marchandises. ERNEST qui a les affaires qui prospèrent mais dont le foyer est en déséquilibre inquiétant a pu obtenir du Juge, une opposition à l'exercice de cette activité par sa femme datée du 12 Décembre 2019.

Il vous demande, pour être vraiment apaisé, si son épouse peut, en droit, passer outre une telle opposition décidée par le Juge. Pourquoi ?

Dame MOMO envisage alors de conclure pour le 8 février 2020, un contrat de gérance de son fonds de commerce avec Mlle. CHLOE. Elle voulait savoir si cela est possible ?



RÉSOLUTION/


Problèmes de droit

1- La clause compromissoire a-t-elle pu valablement être stipulée dans les rapports entre KOUMANKAN et ERNEST ?

2- Comment KOUMANKAN devra-t-il administrer la preuve de ses allégations ?

3- Quelle est la nature des actes accomplis par ERNEST ?

4 -Que doit faire ERNEST pour régulariser sa situation administrative ?

5- Dame ERNEST peut-elle passer outre une opposition décidée par le juge pour poursuivre son activité commerciale ?

6- Les conditions sont-elles remplies pour qu'elle mette son fonds de commerce en gérance ?

I- De la mise en œuvre de la clause compromissoire

Selon les dispositions de l’article 2 de l’AUA de 2017, toute personne physique ou morale peut recourir à l'arbitrage sur les droits dont elle a la libre disposition.

Au sens de l’article 3-1, la convention d'arbitrage prend la forme d'une clause compromissoire ou d'un compromis. La clause compromissoire est la convention par laquelle les parties s'engagent à soumettre à l'arbitrage les différends pouvant naître ou résulter d'un rapport d'ordre contractuel. La clause compromissoire peut être passée par toute personne car le législateur OHADA ne distingue pas la qualité des personnes. Sous l’égide de l’ancien acte uniforme sur l’arbitrage, la stipulation de cette clause supposait que les parties aient la qualité de commerçant. Désormais, elle peut être mise en œuvre par toute personne. Mais nous tenterons quand même de vérifier en l’espèce la qualité des parties ayant stipulé une telle clause.

A- Les qualités de KOUMANKAN et de ERNEST

1- La qualité de KOUMANKAN

KOUMANKAN est un concessionnaire auto (il a vendu un véhicule à ERNEST puis vend des pièces détachées), c'est-à-dire qu'il a conclu un contrat de concession avec un fabricant et vend la marque de ce fabricant. Autrement dit, KOUMANKAN s'approvisionne en véhicules et en pièces détachées auprès d’un fabricant puis se charge de les revendre. Il accomplit donc des actes de commerce par nature au sens des dispositions de l’article 3 de l’AUDCG.

Cette activité, KOUMANKAN l’accomplit à titre de profession, car tirant de celle-ci les ressources nécessaires à son existence (en tout cas les faits ne nous indiquent rien en sens contraire). Il a donc la qualité de commerçant conformément à l'article 2 de l’AUDCG aux termes duquel : "est commerçant celui qui fait de l’accomplissement de l’acte de commerce par nature sa profession".

2- Les qualités de ERNEST

ERNEST a reçu une formation de mécanicien auto ; au lieu d'un garage, il a construit un abri pour faire du dépannage qui est un travail essentiellement manuel exécuté en toute indépendance. II vit du produit de ce travail. En plus, il ne spécule ni sur des machines, ni sur le travail de nombreux employés (il n'en a engagé que 2), ni sur des stocks de produits trop important. Il a donc la qualité d'artisan. Sans doute, ERNEST achète des pièces détachées auprès de KOUMANKAN qu’il revend à ses clients. Mais ERNEST ne spécule nullement sur la vente de ces pièces, car il ne les vend qu'à ses seuls clients dont la panne nécessite le remplacement de la pièce défectueuse. Ce faisant, ces opérations ne lui confèrent nullement la qualité de commerçant.

B- De l'application de la clause compromissoire

Tel que développé plus haut, la mise en œuvre d’une clause compromissoire n’est aucunement liée à la qualité de la personne. ERNEST étant artisan et KOUMANKAN étant commerçant, ils ont pu valablement stipuler une clause compromisse dans leurs rapports. Ce faisant KOUMANKAN peut mettre en œuvre ladite clause compromissoire. Comment devra-t-il alors administrer la preuve de ses allégations ?

II- L’administration de la preuve des allégations de KOUMANKAN

Selon l’article 3-1 in fine, la convention d'arbitrage doit être faite par écrit ou par tout autre moyen permettant d'en administrer la preuve, notamment par la référence faite à un document la stipulant.

KOUMANKAN devra donc établir la preuve formelle de l’acte par lequel M. ERNEST et lui ont stipulé la clause indiquant la saisine d’un arbitre en cas de litige. Il doit donc se prévaloir du document stipulant cette clause ou utiliser tout autre moyen permettant de l’établir.

A défaut, si M. KOUMANKAN est dans l’impossibilité d’en administrer la preuve d’une manière ou d’une autre, il dispose de la faculté de passer outre la clause compromissoire et de saisir le tribunal de commerce d'Abidjan pour faire sanctionner son droit. Car au sens des dispositions de l’article 7 de l’ordonnance sur le tribunal de commerce, compétence est reconnu au tribunal de commerce de connaitre “des contestations relatives aux actes de commerce accomplis par les commerçants à l’occasion de leur commerce et de l’ensemble de leurs contestations commerciales comportant même un objet civil“. Le tribunal statuera civilement compte tenu de la qualité d'artisan de ERNEST.

Devant faire la preuve contre un non commerçant, KOUMANKAN devra user des règles de preuve de droit civil c'est-à-dire la preuve écrite conformément à l'article 1341 du code civil. A l'exclusion de ses livres de commerce conformément à l'article 1329 du code civil (sauf si le tribunal décide de les retenir à titre de présomption simple).

III- La nature des actes accomplis par ERNEST

ERNEST, artisan, a commencé à partir de février à passer des commandes de plus en plus importantes de pièces détachées sans aucun lien avec son activité artisanale puisqu'il vend les pièces à toutes personnes se présentant à lui. Il a même loué un local pour cela et a engagé des employés pour s'occuper de cette activité. La spéculation dans le cadre de cette activité est ainsi clairement affirmée. On peut donc dire qu'à côté de son activité artisanale, ERNEST a développé une activité commerciale, achetant pour revendre les pièces détachées et cela de façon habituelle. ERNEST cumule ce faisant, la qualité d'artisan et celle de commerçant. La nature des actes qu'il a accomplis va subir l'influence de cette double qualité.

A- Nature des actes accomplis en qualité d'artisan

Durant cette période, ERNEST a accompli les actes suivants : Achat de pièces détachées pour les revendre aux clients qui en ont besoin ; embauche de deux agents ; achat d'un véhicule.

En sa qualité d'artisan, ERNEST accomplit en principe des actes de nature civile. Mais cette nature peut varier en fonction de l'acte et du cocontractant :

-L'achat des pièces détachées pour les revendre aux clients qui en ont besoin : L'achat pour la revente est l'acte de commerce par excellence et c’est bien le cas en l'espèce ; toutefois ces actes de nature commerciale ont été accomplis dans le cadre et pour les besoins d'une activité principale de nature civile dont ils sont l'accessoire. Ils deviennent donc actes civils par accessoire. Revêtant la nature d'actes civils par accessoire au regard de ERNEST, ils deviennent mixtes dans les rapports entre KOUMANKAN et ERNEST, c'est-à-dire commerciaux pour le commerçant KOUMANKAN et civils pour l'artisan ERNEST.

-Embauche des deux employés : II s'agit de la conclusion de deux contrats de travail avec des salariés. Ces actes demeurent des actes civils.

-Achat d'un véhicule : Le cocontractant n'est pas connu ; donc s'il s'agit d'un professionnel, il s'agira d'un acte mixte : civil pour ERNEST et commercial pour le professionnel. Par contre, si le contrat de vente a été conclu avec un particulier, ce contrat sera de nature civile.

B- Nature des actes accomplis en qualité de commerçant

-Actes accomplis : Achat de pièces détachées ; vente de pièces détachées ; location d'un immeuble ; embauche de deux agents ; caution au profit de son fils.

La jurisprudence a posé une présomption de commercialité relativement à tous les actes accomplis par un commerçant. Ainsi, tous les actes accomplis par un commerçant sont présumés effectués pour les besoins ou à l'occasion de son commerce et sont donc commerciaux. Toutefois cette nature peut varier en fonction de l'acte accompli et du cocontractant.

-Achat de pièces détachées : Acte commercial aussi bien pour KOUMANKAN que pour ERNEST.

-Vente de pièces détachées : Mixte ; Commercial pour ERNEST et civil pour un usager non commerçant. Commercial au cas où l'usager est commerçant.

-Achat d'un Véhicule : Acte de commerce aussi bien pour ERNEST que pour KOUMANKAN.

-Location d'un immeuble : Acte de nature civile ; mais le contrat de bail ayant été conclu pour les besoins du commerce de ERNEST, il devient commercial par accessoire au regard de ERNEST.

Mais dans les rapports entre ERNEST, commerçant et la propriétaire, institutrice de son état, le contrat de bail devient un acte mixte : commercial pour ERNEST et civil pour l'institutrice.

-Embauche des deux salariés : Mixte : commercial pour ERNEST, civil pour les salariés.

-Caution au profit de son fils : Le cautionnement est un acte civil et il le demeure, même lorsqu'il garantit une dette commerciale. Il ne devient commercial que lorsque celui qui l'a consenti avait un intérêt à la faire en étant personnellement intéressé par les opérations commerciales dans lesquelles il est intervenu. En l'espèce, ERNEST est intervenu pour aider son fils à acquérir son fonds de commerce ; le cautionnement demeure par conséquent civil s'agissant d'un acte de bienfaisance.

IV- Régularisation de la situation de KOUMANKAN

ERNEST cumule les qualités d'artisan et de commerçant ; les deux situations doivent donc être régularisées.

1- En tant qu'artisan : Inscription au répertoire des métiers ; déclaration fiscale d'existence ; déclaration à la CNPS.

2-Entreprenant : Déclaration au RCCM

3- En tant que commerçant : Immatriculation au registre de commerce ; déclaration fiscale d'existence ; déclaration à la CNPS.

V- Effets de l'opposition

Dame ERNEST peut passer outre l'opposition décidée par le Juge pour poursuivre son activité commerciale, car celle-ci n'a pas pour effet de la priver de la liberté à elle reconnue d'exercer une profession séparée de celle de son mari par la loi notamment à travers les articles 61 et 67 de la loi n°83-800 du 02 août 1983 relative au mariage modifiée par la loi de 2013.

Article 67 de la loi n° 2013-33 DU 25/01/13 : Chacun des époux a le droit d’exercer la profession de son choix, à moins qu’il ne soit judiciairement établi que l’exercice de cette profession est contraire à l’intérêt de la famille.

Dans un tel cas, en cas de difficulté, elle ne pourra engager que ses biens réservés et ses biens propres à l'exclusion des biens communs et des biens propres du mari.

VI- Les conditions de mise en gérance du fonds de commerce

Dame ERNEST entend conclure un contrat de gérance ; en l'absence de précision, il faut distinguer entre la gérance libre et la gérance salariée.

A- La gérance libre

Article 138 : Le fonds de commerce peut être exploité directement ou en exécution d'un contrat de location-gérance. L'exploitation directe peut être le fait d’un commerçant, même s’il est entreprenant, ou d'une société commerciale. La location-gérance est une convention par laquelle le propriétaire du fonds de commerce, personne physique ou morale, en concède la location, en qualité de bailleur, à une personne physique ou morale, locataire-gérant, qui l’exploite à ses risques et périls. L’entreprenant ne peut être partie à un contrat de location-gérance. Le locataire-gérant doit payer au bailleur du fonds un loyer correspondant à la redevance due pour la jouissance des locaux, et un loyer pour la jouissance des éléments corporels et incorporels du fonds de commerce tels que décrits dans le contrat de location-gérance. Ces deux éléments de loyer sont obligatoirement déterminés de façon séparée dans le contrat de location-gérance, même si leurs échéances sont fixées aux mêmes dates. En accord avec le bailleur des locaux, le locataire-gérant peut être dispensé de lui assurer directement, à chaque échéance, le paiement du loyer dû à la rémunération de la jouissance des locaux. Article 139 : Le locataire-gérant a la qualité de commerçant, et est soumis à toutes les obligations qui en découlent.

Article 141 : La personne physique ou morale qui concède une location-gérance doit avoir exploité, pendant deux ans au moins en qualité de commerçant, le fonds mis en gérance. Toutefois, ne peuvent consentir une location-gérance les personnes interdites ou déchues de l'exercice d'une profession commerciale.

Pour la gérance libre ou location-gérance du fonds de commerce, il faut remplir les conditions suivantes après analyse des articles susmentionnés :

-Avoir exploité, pendant deux ans au moins en qualité de commerçant, le fonds mis en gérance.

-N'avoir pas été déchu du droit d'exercer une activité commerciale pour avoir été condamné pour crime ou délit, vol, escroquerie, abus de confiance, émission de chèque sans provision…

(*) La location-gérance est une convention par laquelle le propriétaire du fonds de commerce, personne physique ou morale, en concède la location, en qualité de bailleur, à une personne physique ou morale, locataire-gérant, qui l’exploite à ses risques et périls.

En l'espèce, Dame ERNEST exploite son fonds depuis le 08 septembre 1991. A la date du 8 juillet 1996, il s'est écoulé un délai de 4 ans 10 mois. En conséquence, la condition relative à sa qualité de commerçante pendant deux ans est remplie ; de même que la deuxième condition : Elle n'a jamais été déchue ni condamnée. Qu'en est-il de la gérance salariée ?

B- La gérance salariée

Le gérant salarié est lié au propriétaire du fonds de commerce par un contrat de travail ; il n'a donc pas la qualité de commerçant ; ce faisant, aucune condition particulière n'est exigée pour la conclusion d'un tel contrat. Dame ERNEST pourra donc conclure un contrat de gérance salarié avec CHLOE. Conclusion ; elle peut faire son choix.


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