CONCOURS DIRECT
CYCLE SUPÉRIEUR MAGISTRATURE
SESSION SEPTEMBRE 2019
ÉPREUVE DE : SUJET D’ORDRE GENERAL
Durée : 4 h
Coef. : 4
SUJET : « L’Afrique n’est pas de ce monde, pas de notre monde. Au moment où le monde entier se réunit pour envisager la transition écologique, elle en est encore à penser la transition démocratique. Ce n’est pas l’espace qui nous sépare ; c’est le temps. »
Que pensez-vous de cette déclaration d’un politique occidental contemporain à l’heure où se tiennent en effet tant de sommets sur l’urgence climatique ?
PROPOSITION DE CORRIGE Présentation générale (2 points) : Le candidat met un chapeau avant d’aborder chaque partie ; Le candidat écrit avec clarté, sans faute d’orthographe et de grammaire ;
La copie de composition est propre et sans rature ni surcharge.
COMPREHENSION DU SUJET
Tel que formulé, cet énoncé se compose de trois phrases. La première (L’Afrique n’est pas de ce monde, pas notre monde) trouve sa justification dans les deux dernières qui ne font que l’expliquer et la préciser.
À partir de là, on comprend que la marginalité supposée de l’Afrique (car il s’agit d’une marginalisation parce que décrétée par un individu) n’est pas de l’ordre de la géographie spatiale ; elle est de l’ordre du temps. Il faudrait
alors comprendre que cette position à l’extérieur du monde de l’Occidental isole non seulement l’Afrique de l’Occident, mais aussi de tout le reste du monde Car le « notre monde » inclut ici tous les autres continents que l’Afrique, parce que ce reste du monde aurait évolué selon des traits communs qu’on ne retrouve pas en Afrique, si on se place dans une perspective évolutionniste bien entendu.
TYPE DE SUJET
Puisque c’est donc la première phrase qui affirme une idée et que les autres ne font que l’expliquer, on doit chercher à saisir sa structure syntaxique qui lui donne immédiatement sens. Dans ces conditions, il n’y a qu’une seule unité de signification postulant que l’Afrique est à la marge du monde. C’est cette phrase qui devra être expliquée, mais seulement à l’aune des contours dans lesquels le reste de l’énoncé l’induit de rester.
PLAN
Dans la mesure où il n’y a qu’une seule unité de signification, le plan à adopter est strictement celui, dialectique et ternaire, composé d’une Thèse, d’une Antithèse et d’une Synthèse. Aucun autre plan n’est acceptable.
A. Thèse : L’Afrique est à la marge du monde : historiquement mais non pas géographiquement
Attention ! Cette thèse ne vaut que par rapport au point de vue qui l’énonce. Manifestement, la phrase se situe dans la perspective évolutionniste que l’Histoire et l’Archéologie, en tant que disciplines occidentales, se sont imposées comme démarche.
On n’expliquera donc cette thèse que dans ce point de vue qui la valide ; car hors de ce dernier elle n’est plus valide, ni vraie. C’est donc par rapport à des modalités d’historicité qu’il faudra envisager les arguments de cette thèse.
La correction ne devra pas accepter un autre point de vue. Ce serait faux.
1. On pourrait ainsi (paragraphe 1) présenter d’abord ce qu’est l’évolutionnisme, certes non pas au sens biologique (ici parfaitement inopportun) : Doctrine philosophique selon laquelle tout le monde réel et, notamment, les sociétés se développent selon une loi d'évolution. En anthropologie, c’est une théorie sociale qui postule qu'il est possible de générer des lois explicatives de l'évolution des sociétés. Cette perspective essaie de fait, de mesurer et de constater les changements au niveau de la culture, au niveau des découvertes, des sciences, de l’industrie, des mentalités, de l’organisation politique, etc. 2. De ce point de vue (paragraphe 2), elle arrive à vérifier et à appliquer ces changements de manière très concrète quand il s’agit de l’Occident ou de l’Orient (au sens le plus large de ces termes). En ces endroits, du néolithique à nos jours, l’Histoire et l’Archéologie qui, précisément, sont des machines à remonter le temps, arrivent à déterminer des grands moments, des grands cycles, qu’ils n’observent pas véritablement dans une Afrique où la plupart des changements sont importés mais presque jamais autogénérés. 3. Le modèle occidental (paragraphe 3) est donc le modèle de référence.
Dès son apparition, en tant que science au XIXe siècle, l'anthropologie s’est ainsi placée dans un paradigme évolutionniste. Pour les anthropologues de cette époque, l'espèce humaine ne fait qu'un, et donc, chaque société suit la même évolution de l'état de « primitif » jusqu'au modèle de la civilisation occidentale.
B. Antithèse : Ce paradigme au départ exclusif en anthropologie durant de nombreuses années, a été accompagné par la démarche historique et celle de l’archéologie occidentale. il y a de nombreuses critiques à leur apporter.
1. (Paragraphe 1) Tout d'abord, il applique l'évolution (au sens de progrès) à des notions comme l'organisation sociale ou la religion. De plus, il considère que toutes les sociétés évoluent dans le même sens pour arriver à la vraie « civilisation », dont le modèle est la civilisation occidentale moderne. Ce qui est parfaitement contestable.
2. (Paragraphe 2) En ce qui concerne l’Afrique, il perçoit celle-ci d’un seul trait comme s’il ne s’agissait que d’un seul pays. L’Afrique n’est pas le Japon ni la Mésopotamie avec une seule civilisation. Il a plusieurs Afriques. Et donc plusieurs cultures, avec son parcours propre, ses propres originalités.
3. (Paragraphe 3) Enfin, puisque l’Afrique est particulièrement attaquée sur la question de son retard politique qui la maintient encore à rechercher sa transition démocratique, il faudrait (en conséquence de l’argument précédent) noter que plusieurs États africains ont déjà réussi cette transition : le Ghana, le Sénégal, le Bénin, le Libéria, etc. pour ne citer que ces pays d’Afrique occidentale. De surcroit, plusieurs autres défis, qui confèrent au monde actuel sa modernité, sont pris aujourd’hui en charge par plusieurs États en Afrique : citer quelques exemples.
C. Synthèse : La transition écologique étant présentée comme le point d’orgue, voire quintessentielle du progrès occidental, on pourrait s’arrêter particulièrement sur ce point et montrer que celle-ci n’est pas liée au progrès de la pensée occidentale, mais une contrainte liée à ses propres perversions.
1. (Paragraphe 1) L’industrialisation en Occident est particulièrement liée aux énergies fossiles et aux émissions de CO2 qui en découlent. Il est donc de la responsabilité des politiques occidentaux de chercher à résoudre ce problème et non pas de le lier à un progrès de la pensée en soi. Il s’agit d’une question de responsabilité et de culpabilité. Dans ce contexte, l’Occident apparait plutôt comme le mauvais élève : celui qui est en retard dans le progrès moral vis-à-vis du reste du monde. Surtout qu’il s’est permis de déverser à maintes reprises ses déchets chez les autres.
2. (Paragraphe 2) : À l’opposé, l’Afrique, peu industrialisée, ne peut et ne doit naturellement se préoccuper de cette question écologique comme d’une question prioritaire. Elle a en effet d’autres priorités. Citer en quelques-unes dignes d’intérêt et viables du point de vue de la morale sociale.
3. (Paragraphe 3) : Mais, cela dit, l’Afrique devrait néanmoins songer à essayer de rattraper son retard sur le reste du monde. Il n’y a pas encore de pays développés dans ce continent et y subsistent encore de graves dysfonctionnements qui les empêchent d’aspirer à devenir des nations fondées sur des critères fondamentaux du respect du Droit, de l’égalité entre les citoyens, des alternances politiques démocratiques, de la prise en compte des valeurs républicaines fondamentales, etc. l’Afrique ne devrait pas considérer cette phrase de manière subjective mais la considérer objectivement et chercher à se positionner dans ce monde contemporain de manière plus positive.
CONSIGNES POUR LA CORRECTION Les correcteurs devront être très vigilants. - Il faut absolument un plan ternaire dialectique sans quoi la copie ne doit même pas avoir la moyenne ; - La thèse ne devra être seulement envisagée que par rapport à la perspective évolutionniste. Toute copie qui ne part pas de là ne saurait avoir la moyenne ; - Chaque partie devra être composée : o D’un chapeau initial annonçant ce qui va suivre dans ladite partie. o De paragraphes distincts typographiquement démarqués les uns des autres. Chaque paragraphe rédigé d’un seul trait avec un seul alinéa au départ. o D’une introduction rédigée d’un seul trait avec un seul alinéa au départ. o D’une conclusion rédigée d’un seul trait avec un seul alinéa au départ. - Les parties du développement devront être typographiquement démarquées - Idem pour la conclusion - Toute copie rédigée en bloc ne saurait avoir plus de 6/20.
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